Meziane souligne l'importance de la formation pour appuyer le système médiatique en Algérie    ONSC : concours national de la meilleure vidéo de sensibilisation à la lutte contre la drogue destinée aux étudiants    Le Général d'Armée Chanegriha reçoit le Chef d'Etat-major de la Défense du Rwanda    Fabrication de panneaux solaires : le groupe chinois LONGI souhaite investir en Algérie    Haltérophilie: Kamel Saïdi élu membre du bureau exécutif de l'UA de la discipline    Le ministère de la Justice annonce les résultats de l'épreuve écrite du Concours national d'accès à la profession de traducteur-interprète officiel    Tissemsilt: décès du Moudjahid Adila Salah    Oran : la 3e édition du Salon Africain des Affaires du 26 au 28 avril    Un programme sportif suspendu    Energie : Arkab examine avec l'ambassadrice des Etats-Unis d'Amérique les moyens de renforcer la coopération bilatérale    Attaf reçoit le vice-ministre des Affaires étrangères d'Azerbaïdjan    Feux de récoltes : lancement d'une campagne de prévention dans plusieurs wilayas du sud du pays.    Accidents de la route : 39 morts et 1526 blessés en une semaine    Ghaza : le bilan de l'agression génocidaire sioniste s'alourdit à 51.266 martyrs et 116.991 blessés    «Les échanges commerciaux entre l'Algérie et la Turquie connaissent une hausse significative»    Une épreuve pas facile à supporter    Victoire historique de CASTEL Teniet El Abed    Les conditions d'un produit intérieur brut de 400 milliards de dollars et d'une production de 200 milliards de m3 gazeux 2028/2030    Ooredoo, partenaire de la 4e édition de la caravane nationale ''Un jeune, une idée''    L'entité sioniste occupe de nouveaux territoires palestiniens    L'UA approuve la démarche du leadership régional de l'Algérie    Sur les traces de l'architecture ottomane dans l'ancienne capitale du Beylik du Titteri    Convergences transcendentalement divergentes entre l'art et la religion    Archives de l'ombre : la face cachée de l'administration coloniale à Tébessa    Championnat d'Afrique de football scolaire 2025: les Algériens fixés sur leurs adversaires    Ligue 1 Mobilis: JSS - USMA décalé au samedi 26 avril    Lutte contre la désinformation: l'UA salue l'engagement constant de l'Algérie en faveur de la paix et de la sécurité en Afrique    Constantine : clôture de la 14e édition du Festival culturel national de la poésie féminine    Djamaâ El-Djazaïr : nouveaux horaires d'ouverture à partir de lundi    Diolkos, le père du chemin de fer    15.000 moutons accostent au port d'Alger    Les lauréats des activités culturelles organisées dans les écoles et collèges honorés    Les bénéficiaires de la cité 280 logements de Kheraissia inquiets    L'étau se resserre !    «Construire un front médiatique uni pour défendre l'Algérie»    Hamlaoui présente trois projets d'aide pour les femmes du mouvement associatif    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    









l'Hommage à Claudine
Publié dans L'Expression le 01 - 11 - 2015

Claudine Chaulet qui vient juste de nous quitter est une femme, une Moudjahida de la première heure? qui aura marqué, par son parcours de militante de la guerre de Libération nationale, puis de la construction nationale, plusieurs générations. Être Française de naissance et de culture, et issue d'une famille de résistants à l'occupation allemande qui s'installe en Algérie en 1942, voilà déjà une caractéristique peu courante pour une jeune fille de l'Est de la France. Ses déplacements entre Oran, Paris et Alger pour poursuivre ses études vont lui faire découvrir, de proche en proche, la réalité coloniale; voilà encore une évolution dans la perception du fait colonial qui n'est que peu partagée dans le milieu des Français de France, et que les Français d'Algérie préfèrent occulter et soustraire à la réalité.
La rencontre de Claudine Chaulet avec «Consciences algériennes» et le groupe qui active autour d'André Mandouze en 1951 aura contribué à son passage dans le militantisme étudiant et dans les premières luttes anticolonialistes. Peut-être y a-t-il là les premiers ingrédients de la rupture radicale, qui ne sera pas ̄comme cela fut le cas pour une toute petite minorité de Français ̄ qu'une révolte contre le tort fait aux valeurs de la République. Il s'agit en fait de la formation/émergence d'une conscience algérienne et non plus française. Un premier pas vers l'Autre, le colonisé, l'exploité, le dominé, qui correspond en réalité à une première identification.
Mais être une militante anticolonialiste et participer à la rédaction d'une brochure clandestine; rencontrer des nationalistes algériens, dont le moins qu'on puisse dire est qu'ils ne se contentent pas d'organiser de simples «stages universitaires» ou d'anodines séances de ciné-club, voilà une activité qui n'est déjà même plus partagée par les jeunes étudiantes algériennes. 1954-1955, c'est donc le grand examen, la grande rupture, le passage à l'Action dans les rangs du FLN.
Ses choix ont fait de Claudine Guillot, devenue entre-temps Claudine Chaulet, une actrice engagée dans un processus de Libération nationale.
Elle ne se contentera pas de porter le courrier, de lui faire traverser les frontières de la colonie; elle transportera des militants, visitera des malades, participera à la formation des infirmières des maquis. Elle se lancera corps et âme dans le combat pour une Algérie libre, pour des Algériennes et Algériens libres. On peut les compter sur les doigts d'une main, ces étudiantes algériennes qui, les premières, avaient rejoint les rangs du FLN/ALN.
Combien sont-elles qui, comme elle, ont hébergé Abane Ramdane, transporté Krim Belkacem, Amar Ouamrane, Slimane Dehilès ou Larbi Ben M'hidi? Claudine Chaulet emmènera hors d'Alger en février 1957, et malgré le quadrillage de la ville par les parachutistes, au volant de sa 2CV, seule avec son bébé, Abane Ramdane, au moment même où son mari venait d'être emmené par les policiers de la DST.
Elle rejoindra plus tard Tunis, en octobre 1957. Elle y participera à l'animation culturelle aux côtés de Safia et Mohamed Kouaci, de Nadia Oussedik, de Rédha Malek, de Frantz Fanon, de Mohamed Sadek Moussaoui dit Mahieddine, de Mhamed Yazid et d'autres encore, à la réalisation de la voix de l'Algérie combattante, le journal El Moudjahid.
Les conditions dans lesquelles l'Algérie a accédé à l'indépendance (départ massif de l'encadrement européen des entreprises et des fermes agricoles), retour des réfugiés souvent d'origine rurale, abandon des exploitations agricoles par leurs propriétaires, nécessité d'assurer les récoltes et de préparer les futures campagnes agricoles) placent dès 1960 la question paysanne au coeur de la problématique de la construction nationale, dans un pays réputé agricole.
Le souci de tous, et en particulier de Claudine Chaulet dans l'Algérie indépendante, est: comment peut-on et doit-on, selon son expression, travailler la terre «Algérie», la préserver, utiliser les richesses sans les gaspiller? Comment, au sortir de la guerre de libération, penser et vivre l'indépendance?
Diverses approches s'affrontent ici: la première a trait au type de régime politique qui devrait prévaloir. La seconde concerne le statut de la terre et celui du paysan; le «secteur autogéré» est vécu et défendu par tout un courant politiquement dominant comme le fer de lance de la paysannerie, au point de l'utiliser comme un instrument de contrôle du pouvoir.
Il s'agit là d'un prisme réducteur pour d'autres, dont Claudine Chaulet, qui, s'inscrivant en faux, tentent de souligner que la paysannerie, y compris dans les zones réputées totalement autogérées telles que la Mitidja, ne saurait se réduire aux ouvriers des fermes autogérées, fussent-ils eux-mêmes membres de familles paysannes et anciens ouvriers saisonniers, ni se confondre avec eux.
La lutte pour le contrôle du pouvoir et le développement d'un nouveau système politique, notamment à travers la mise en place de relais sociaux, se double d'un autre combat d'idées autour des formes d'exploitation et de propriété, du rôle et de la place historique de la paysannerie dans la construction nationale, de la définition de celle-ci. Claudine Chaulet a choisi d'y répondre en s'intéressant de près à ses composantes, en gardant la distanciation nécessaire sans jamais prétendre être le porte-parole ou le guide d'un quelconque groupe, encore moins imposer son approche. Son point de vue et ses réponses seront le résultat d'enquêtes, d'entretiens avec les diverses composantes des espaces ruraux qu'elle va investir, d'un processus interactif dans lequel elle gardera toujours sa distance et assumera son statut d'intellectuel «non organique».
Elle s'emploiera à saisir la complexité des trajectoires historiques des familles paysannes - en particulier le rôle et le statut de la femme - pour la promotion desquelles elle ne cessera de plaider. Aux responsabilités et à la gloire politiques auxquelles son rôle historique durant la guerre de Libération nationale auraient dû ou pu la conduire, elle préfère le travail sur le terrain de la connaissance et la formation des générations futures, tout d'abord au sein de l'Inra et de son Centre national de la recherche en économie et sociologie rurales.
Elle a fait le choix de travailler avec ceux qu'elle a trouvés «en bas» et dont on a escamoté l'existence à coups de raccourcis historiques et d'analyses sociologiques à connotation structuraliste. C'est ainsi qu'elle a approché les «paysans» puis les «femmes», lesquelles, selon la réponse que lui a donnée un chef de famille exploitant agricole, sont tout en «bas»: «Ce sont les femmes qui récoltent les lentilles car elles sont habituées à se courber.»
Le terrain, celui de «ces gens d'en bas», a toujours été dans sa sociologie la pierre de touche de ses analyses.
Une question est au coeur de la sociologie de Claudine Chaulet: comment se libérer, dans un rapport au demeurant étroit à cette terre? Les réponses à cette question, elle les a cherchées au plus près des acteurs que sont les femmes et les hommes du pays profond, paysans et acteurs locaux, ces Algériens dont elle a reçu les témoignages sur leur quotidien, les mutations vécues, les rapports de domination dans lesquels ils étaient pris.
Ces témoignages seront autant de points d'appui aux travaux qu'elle aura conduits. Avec les jeunes chercheurs qu'elle a formés et encadrés, et qu'elle continue de suivre et de conseiller, elle ne cessera de partager sa façon d'approcher la réalité socio-économique.
Autant de dons reçus de ces populations, enquêtés, enquêteurs, jeunes chercheurs, étudiants auxquels elle a toujours tenu à rendre intelligible le sens de leur démarche par le dialogue et le partage, la publication et la formation.
Mohammed Benguerna, Naceur Bourenane, Daho Djerbal, Tayeb Kennouche, Fatma Oussedik


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.