Alger by night? Une utopie. Notre capitale est loin d'être ce qu'on appelle une ville lumière. Ce n'est ni le Caire ni Paris, ni New York, ni Casablanca. Dès la tombée de la nuit, les rideaux baissent. Les gens s'empressent de s'enfermer chez eux. Au loin, le carrousel infernal des voitures continue de ronfler sur le périphérique. Les gens sont pressés. Pour aller? Nulle part. Se mettre devant la télé. Le seul loisir. Pour voir un film ou un match. Remplir les jerricans s'il y a de l'eau au robinet. Commence alors, à partir de 21 h ou de 22 h un autre genre d'activité. Underground? Interlope? Mal famée? C'est toujours avec une surprise non feinte qu'on peut voir ces silhouettes indéfinies (hommes ou femmes? travelos ou prostituées mal fagotées), un sac en bandoulière, la cigarette au bec, le port mal assuré, faisant le pied de grue sur les bas-côtés des périphériques, voire même sur les trottoirs de la rue Didouche, au coeur même de la capitale. Personnes fragiles jetées en pâture aux proxénètes et aux mafias de la chair, dans la détresse la plus totale. Les visages portent des cicatrices mal fermées. La peau est criblée de brûlures provoquées par des mégots de cigarettes. Sadisme. Déchéance humaine. Au square Port Saïd, à la Place des martyrs, sous les arcades qui longent le boulevard Zirout Youcef ou la rue Abane, c'est un autre monde qui grouille, bouge, allongé à même le sol sur des bouts de carton, la tête posée sur un balluchon informe. Mendiants, SDF, laissés-pour-compte de la société. Dans les petites ruelles, ce sont les bandes de chiens errants qui sillonnent la ville, à la recherche d'on ne sait quelle pitance, de quel plaisir éphémère. Les chats les évitent, qui ont signé un pacte avec les rats et qui font le tri nocturne dans les sacs noirs éventrés. C'est un autre visage d'Alger. Où le luxe le plus criant côtoie la misère la plus noire.