Assia Djebar, la grande dame de la littérature algérienne, était jeudi le centre d'un projet artistique, conçu par le saxophoniste Jean-Jacques Quesada... La salle Ibn Zeydoun de Riadh El-Feth a vibré jeudi sous les mots chargés d'émotion de la comédienne française - égérie du grand metteur en scène français Olivier Pie - Eléonore Briganti qui sera la voix féminine des textes d'Assia Djebar, accompagnée qu'elle était par les doucereuses et légères mélodies du ôud signées Sofiane Negra, une «éponge» qui absorbe tous les rythmes de la musique arabo-andalouse et qui a participé à de nombreux festivals internationaux. Une ambiance orientale mêlée aux percussions de Adel Shams El-Din, l'un des piliers du grand ensemble «Al-Kindî», réputé pour son jeu complexe du riqq (tambourin à cymballettes). Un musicien qui accentuera toute la force des textes d'Assia Djebar. L'ambiance intime qui s'en dégageait, laissait le public accroché aux lèvres de la comédienne. Un silence religieux s'entendait dans la salle. De part et d'autre, deux écrans projetaient des cartes postales anciennes représentant la ville d'Oran...Créé à la fin de l'année dernière, ce projet est né suite à un jumelage entre les deux villes Bordeaux où vit Jean-Jacques Quesada et Oran où il est né. Une ville qu'il a quittée à l'âge d'un an. Aussi, c'est la première fois que le musicien retourne en l'Algérie, il présentera son spectacle dimanche à Oran. «C'est quelque chose qui reste très fort». Très attaché au pays, c'est tout naturellement que le musicien a voulu apporter à ce projet artistique une «dimension personnelle». Ayant lu toutes les oeuvres d'Assia Djebar, son travail s'est focalisé sur trois de ses romans, dont Oran, langue morte, et L'amour, la phantasia où une grande partie des textes lus sur scène sont issus de ce livre. Jazzman à la base, Jean-Jacques Quesada a souvent travaillé avec d'autres formes d'art comme la danse, le théâtre, les arts plastiques en choisissant comme support musical la musique du monde. «J'ai pensé à Assia Djebar parce qu'elle est une des voix les plus fortes de la littérature contemporaine algérienne», nous confie-t-il. Choisissant l'univers féminin sciemment, Jean-Jacques Quesada met l'accent sur le rôle des femmes qui sont «les véritables chevilles ouvrières dans les sociétés». Faisant le lien entre Assia Djebar et l'Algérie, il affirme: «Assia Djebar a eu une vie tragique, une partie de sa famille a disparu pendant la guerre d'indépendance. C'est une leçon pour tous les Algériens même si le pays est en plein essor. Il faut continuer à se battre et à vouloir créer». Lecture fluide, claire d'un texte poétique et profond. «Fillette cloîtrée écrivait à des hommes aux quatre coins du monde. Je cohabite avec la langue française comme un mariage forcé (...) L'arabe, une langue mère, m'a abandonnée sur les trottoirs, idéalisée ou mal aimée. Est-ce d'avoir été expulsée du discours amoureux?», raconte la comédienne tout de noir vêtue...