Le règlement du dossier de l'immigration clandestine est dans l'impasse, l'Union européenne refusant l'approche proposée par les pays de la rive sud de la Méditerranée, dont l'Algérie, sur la nécessité de mise en place d'un plan de développement afin de maintenir les populations locales sur place. L'Union européenne renforce la lutte contre l'immigration clandestine en créant un réseau de garde-côtes pour empêcher les immigrants africains de débarquer sur leurs côtes sud. Une communication rendue publique récemment décrit un certain nombre d'outils “pour améliorer” la gestion européenne intégrée des frontières, soumises à une pression sans cesse croissante de l'immigration clandestine. Parmi ces outils figurent un réseau de patrouilles côtières, un système européen de surveillance et une assistance opérationnelle afin d'améliorer la capacité des Etats membres à gérer les flux mixtes de migrants clandestins. Le commissaire européen Franco Frattini a demandé aux Etats de l'Union de mettre à la disposition de la Frontex (l'Agence des frontières extérieures de l'UE) entre 250 et 300 gardes, capables de se déployer en dix jours. Voilà qui devrait satisfaire Malte qui a eu sans cesse à réclamer l'aide de l'Union européenne. La Commission européenne propose en parallèle des moyens pour intensifier le dialogue et la coopération avec l'Afrique sur tous les aspects des questions migratoires : les migrations légales et clandestines, le renforcement de la protection des réfugiés et une meilleure exploitation des liens entre la politique de migration et la politique de développement. Elle évoque une assistance accrue aux pays africains pour mieux gérer les migrations, y compris en constituant des équipes de soutien qui apporteraient une expertise technique pour améliorer les capacités opérationnelles et administratives. Elle suggère même la création de portails européens sur la mobilité de l'emploi qui fourniront aux pays africains des informations sur les possibilités d'emploi en Europe. L'objectif : faciliter le rapprochement de l'offre et de la demande de main-d'œuvre. “La promotion de la formation professionnelle, de programmes de développement des compétences et de cours de langues permet aux migrants potentiels d'accroître leurs chances de trouver un emploi légal”, souligne le document de l'Union européenne. “Pour ce faire, des centres de migration spécifiques pourraient être créés dans les pays partenaires avec le concours financier de la communauté”, propose la commission. De tels centres pourraient ainsi contribuer à faciliter la gestion des travailleurs saisonniers, les échanges d'étudiants et de chercheurs et d'autres formes de circulation légale des personnes. Un Algérien à Malte Il a quitté l'Algérie en 1995, en touriste. Arrivé à La Valette, il décide d'y rester. “C'est la ‘hogra' qui ma poussé à fuir mon pays”, explique-t-il, convaincu que rien n'a changé depuis chez lui, à l'ouest du pays. Du coup, il dit ne pas vouloir revenir ; il attend l'obtention de la nationalité maltaise. Cet Algérien se trouve dans “un centre de détention ouvert” comme réfugié “humanitaire”. En d'autres termes, il a le droit de travailler, occasionnellement, et sortir librement se pavaner dans Malte. Ce centre où logent aussi des familles africaines est géré par l'église. Ce qui n'est pas le cas de milliers d'Africains subsahariens détenus dans “des centres fermés” administrés par l'armée. L'état d'exiguïté et d'insalubrité de ces centres fermés est, depuis plusieurs années, un sujet d'inquiétude des organisations des droits de l'homme et du parti des Verts à Malte. La situation semble s'être améliorée. Mais les Verts maltais insistent sur les progrès qui restent à faire pour un accueil décent. Pour autant, Malte ne peut pas porter seul le fardeau de ces migrants qui ont eu la malchance de tomber sur son sol en allant vers l'Europe. Longtemps terre de pauvreté et d'émigration, le minuscule Etat maltais — 400 000 habitants sur un territoire de 27 km de long, 15 km de large — découvre depuis une décennie la question de l'immigration clandestine et de l'asile. Malte est le deuxième pays le plus densément peuplé au monde, avec presque 1 300 personnes au km2. Pour ce pays, l'immigration illégale ne constitue pas simplement un problème parmi tant d'autres sur lesquels on organise des conférences. Pour les Maltais, c'est une question d'importance vitale. Des bateaux pleins à craquer d'immigrants illégaux arrivent sur les côtes, parfois quotidiennement. Régulièrement des cadavres flottant dans la Méditerranée sont découverts. Des Somaliens, des Erythréens… Ces hommes, ces femmes jeunes, ces enfants ont fui les guerres civiles qui ravagent l'Afrique noire, ont franchi le Sahara, se sont jetés dans la mer en canots (37 personnes entassées dans des petites embarcations) pour atteindre l'eldorado, afin de travailler et nourrir leur famille. Des récits bouleversants. Ils paient en moyenne 1 000 à 1 500 dollars la personne, sans garantie de “survie”. Des organisations criminelles internationales, faisant le trafic d'êtres humains, d'immigrés illégaux, se sont multipliées ces dernières années. Aucun migrant ne veut aller à Malte ! “Malte est une île minuscule, déjà saturée par 400 000 habitants, avec 700 chômeurs.” Elle a le malheur de se trouver exactement au centre de la Méditerranée, à mi-chemin entre la Libye et la Sicile. La solution au problème de l'immigration implique donc une action simultanée sur plusieurs fronts : le développement, la lutte contre la pauvreté, la lutte contre les organisations criminelles internationales, le plein respect pour les droits des réfugiés. L'approche sécuritaire de la question reste inefficace L'Algérie, qui a jusqu'à aujourd'hui refusé la création sur son territoire de centres de transit afin de filtrer le flux migratoire, juge que l'approche sécuritaire de la question reste inefficace, en l'absence d'une coopération avec l'ensemble des pays de la région et de la communauté internationale, afin de promouvoir des solutions fondées sur le respect des droits fondamentaux des migrants et leur protection contre les réseaux mafieux de traite des personnes. Pour l'Algérie, la lutte contre l'immigration clandestine ne peut être que globale. Il ne peut y avoir de début de solutions concrètes pour le problème de l'immigration clandestine sans l'amorce d'une stratégie de développement en direction des pays du Sud et d'Afrique, en particulier, afin de maintenir les populations sur place. Ce qui n'est pas encore le cas. Pour l'Algérie, qui est liée à l'Union européenne par un accord d'association, les pourparlers prévus dans ce cadre et devant traiter de la question migratoire butent sur une difficulté majeure qui a trait à la vision algérienne en matière de la libre circulation des biens et des personnes. Le chef de la diplomatie algérienne Mohamed Bedjaoui avait déploré, récemment, “les politiques de plus en plus restrictives en matière de circulation des personnes, adoptées par l'UE”, soutenant la nécessité de s'inspirer “d'une approche globale à dimension économique et sociale, pour fixer les populations d'origine, la promotion des échanges entre les sociétés”. M. R.