Instituer des taxes sur le tabac, les boissons alcoolisées et la pêche du corail est la nouvelle sortie de la commission des finances de l'APN. Même la crise n'arrive toujours pas à avoir raison du populisme. Le secteur des finances traverse une mauvaise passe. En deux jours, il a fait deux sorties que d'aucuns jugent «étranges». En effet, le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa, a annoncé, mardi dernier, une nouvelle mesure pour lutter contre les importations et le transfert illicite de devises qui consiste à ce que, à partir de janvier 2016, «toutes les demandes de domiciliation bancaires soient effectuées par voie électronique au lieu de la voie papier». Interrogé sur la pertinence économique de cette démarche, Belkacem Boukhrouf, économiste, a relativisé. «Oui, les domiciliations par voie électronique contribueraient à la réduction des pratiques frauduleuses de transfert de devises mais à condition que ce processus de domiciliation soit aussi régulé et subisse une bonne gouvernance. Si l'on ne balise pas un tel dispositif, il sera contourné parce qu'après tout, il y a beaucoup de dispositifs plus pratiques qui peuvent contribuer à la réduction de la fraude: les bureaux de changes, les transferts migratoires, les banques d'affaires, etc. Dans ces conditions, on ne peut pas comprendre comment l'on continue à surveiller, par un escadron de policiers le square d'Alger si ce n'est pour confirmer la thèse du réseau institutionnel maffieux autour de la devise,» a-t-il répondu. Belkacem Boukhrouf admet que ce procédé n'est pas forcément le meilleur, «d'autant plus que le préalable politique n'est pas en vigueur», encore moins le seul. Par ailleurs, le ministre des Finances a essuyé une salve de critiques de la part de la commission des finances de l'Assemblée populaire nationale. Cette commission, à majorité FLN, a en effet demandé le renoncement à quelques impôts et taxes prévus dans le cadre de la loi de finances 2016, notamment ceux et celles portant sur le gasoil et l'électricité, et les remplacer par de nouvelles taxes sur l'alcool, le tabac et la pêche du corail. Il a été, en effet, proposé d'instituer une taxe de 50% sur le tabac et les produits alcoolisés et d'augmenter de 100% la taxe sur la pêche du corail sur chaque bateau. Cette opération peut, selon les membres de la commission des finances de l'APN, apporter beaucoup plus que les augmentations des prix de l'électricité et du gasoil. Les membres de la commission ont également demandé la relance des fonds de la zakat en en faisant un instrument de soutien financier au Trésor public. Simple proposition, peut-on dire. Néanmoins, bien que la loi de finances soit encore en débat, il est à noter que la majorité des députés sont contre les «augmentations» prévues et favorables aux mesures proposées par la commission parlementaire. Sur ce point, Belkacem Boukhrouf ne mâche pas ses mots, considérant qu'il s'agit d'une grosse aberration. «C'est une aberration. Combien cela peuvent-elles engranger? Des miettes, d'ailleurs, ils n'auront pas le courage de dire que, pour de telles catégories de produits, très soumises à la contrebande, on aura de la peine à récolter plus de 100 millions de dollars de taxes. Les motivations sont plus d'ordre religieux qu'autre chose. Ceux qui proposent ce genre de mesures pêchent par incompétence. C'est une position dogmatique qui leur posera problème car, s'ils doivent faire de l'alcool une source de revenu fiscal, ils doivent encourager sa consommation. Or, la taxe sur les produits d'une telle catégorie vise justement à décourager la consommation pour des raisons des santé publique, pas pour en faire une niche fiscale» a-t-il expliqué. De plus, il a estimé que «la commission de l'APN est dans une posture populiste puisque le commun des citoyens n'a pas encore montré une animosité vis-à-vis de ces mesures». En effet, selon lui, «au lieu de se pencher sur le problème de la rationalité budgétaire, les parlementaires trouvent des faux-fuyants». «Pourquoi le ministère de la Défense nationale a obtenu une augmentation de 10% de ses dotations? Pourquoi les budgets de fonctionnement de tous les ministères ont été reconduits et les coupes sont au niveau de l'équipement» s'est interrogé enfin M.Boukhrouf en tranchant: «Il y a, là, une preuve que l'Algérie n'a pas encore son modèle fiscal.»