Scène du double attentat meurtier à Beyrouth Parmi les enseignements immédiats de cet acte épouvantable, il y a lieu de noter qu'il constitue une tentative de Daesh de masquer les multiples revers qu'il enregistre actuellement. Le Liban a observé hier une journée de deuil national après le double attentat qui a fait au moins 44 morts dans un fief du Hezbollah, au sud de Beyrouth, attentat aussitôt revendiqué par le groupe Etat islamique (EI). Il s'agit du premier attentat contre un fief du Hezbollah depuis juin 2014, quand un agent de sécurité avait été tué en tentant de s'opposer à une attaque. Antérieurement, plusieurs fiefs du Hezbollah avaient subi ce genre d'attentats. Le Hezbollah qui est la bête noire d'Israël et un allié engagé du régime de Bachar al-Assad a été créé après l'invasion israélienne du Liban en 1982, dans la plaine de la Bekaâ, avant de s'implanter définitivement dans l'ensemble des régions chiites, au sud du pays et dans la banlieue déshéritée de Beyrouth. L'EI et le Hezbollah s'affrontent avec une violence extrême en Syrie, alors que le conflit est devenu de plus en plus complexe et qu'il a fait, depuis 2011, plus de 250.000 morts. L'attaque dans la banlieue sud de la capitale libanaise, a également entraîné près de 239 blessés, et constitue la plus sanglante opération contre un bastion du Hezbollah, depuis son implication, début 2013, dans le conflit syrien. C'est aussi l'une des plus meurtrières au Liban depuis la fin de la guerre civile (1975-1990). De nombreux blessés sont encore dans un état critique, a révélé le ministre de la Santé Waël Abou Faour. Jeudi en fin d'après-midi, deux hommes ont choisi une rue commerçante très fréquentée, dans le quartier de Bourj al-Barajné, pour actionner des ceintures explosives, selon des indications de l'armée libanaise. Un troisième terroriste qui n'est pas parvenu à déclencher l'explosion de sa ceinture a été retrouvé mort, parmi les corps ensanglantés. Le bilan initial d'une trentaine de victimes n'a cessé de s'alourdir, les autorités libanaises faisant état, dans le tout dernier bilan provisoire, de 44 morts et 239 blessés. Quant à la revendication par Daesh, elle évoque seulement deux attaques commises par un seul kamikaze. «Des soldats du Califat ont réussi à faire exploser une motocyclette piégée garée contre un rassemblement de rafidine'', terme péjoratif pour désigner les chiites, et après que des apostats sont accourus sur les lieux, un des chevaliers du martyre a fait détoner sa ceinture explosive au milieu du groupe», a revendiqué l'EI, les autorités libanaises demeurant prudentes à l'égard de son authenticité alors que le verbe est conforme au discours habituel du groupe terroriste. Les réactions suscitées par cet attentat ont été nombreuses. Ainsi, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon l'a qualifié «d'acte méprisable», tout en exhortant les Libanais à «continuer de travailler à préserver la sécurité et la stabilité» du pays. «Horrible» pour Washington, «abject» pour Paris, c'est le neuvième attentat-suicide qui vise le Hezbollah en représailles de son engagement en Syrie où il mène, affirme son premier responsable, Hassan Nasrollah, «une bataille essentielle et décisive». L'apport de cette formation en Syrie aura permis à l'armée syrienne de résister, voire de repousser, les assauts des groupes terroristes de l'EI grâce à une présence militaire quantitative et qualitative de premier plan et à des équipements conséquents. La progression de Daesh en terre syrienne a été fortement contrariée par la riposte conjuguée des forces du Hezbollah et celle de l'armée syrienne et c'est précisément ce qu'ont voulu «punir» les dirigeants de l'EI. Parmi les enseignements immédiats de cet acte épouvantable, il y a lieu de noter qu'il constitue une tentative de Daesh de masquer les multiples revers qu'il enregistre, depuis quelques semaines, en Syrie où ses groupes sont graduellement terrassés jusque dans les places fortes occupées depuis plusieurs années, au point qu'il se sait dans une position de jour en jour plus précaire. Outre cette corrélation, il y a bien sûr les relents de la guerre que mènent, les unes contre les autres, les communautés chiites soutenues par l'Iran et sunnites emmenées par l'Arabie saoudite, comme au Yémen. Car si l'on s'en tient à la seule confrontation en Syrie, force est de se demander pourquoi cette «riposte» n'a pas visé d'autres parties impliquées dans la coalition internationale si tant est que celle-ci porte un réel dommage à l'existence et, plus encore, à la progression de l'Etat islamique à travers le Monde arabe. Les véritables khalifes ne sont sûrement pas ceux que l'on croît. Côté groupes terroristes, qu'il s'agisse de Daesh ou d'autres, en Syrie, en Irak, au Liban et même ailleurs, les véritables émirs sont invisibles et agissent par le biais de marionnettes qui ensanglantent l'ensemble de la communauté musulmane pour des raisons sans rapport aucun avec les différences, sinon les divergences, confessionnelles.