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"Oui, nous avons peur!"
SIX JOURS APRÈS LES SANGLANTS ATTENTATS DE PARIS, DES ALGERIENS SE CONFIENT
Publié dans L'Expression le 18 - 11 - 2015

Tout le monde a compati à la douleur de la France
«Ces terroristes sont en train de nous diviser créant la crainte et la psychose de part et d'autre pour faire naître entre nous une terrible haine», regrette Samy, un jeune de Barbès.
«Nous fraterniserons avec les 5 millions de musulmans et nous combattrons les 10.000 barbares». Cette phrase pleine de sagesse a fait le tour du monde, ces dernières 24 h. Elle est l'oeuvre d'une Française d'un certain âge interviewée par la chaîne d'information en continu BFM TV. Mais reflète-t-elle l'ambiance générale qui règne en France? C'est ce que nous avons demandé, par téléphone ou sur les réseaux sociaux, à des musulmans de France, mais aussi à des compatriotes qui ont voyagé cette semaine de l'autre côté de la Méditerranée. «Une chose est sûre on ne s'est pas fait refouler à l'aéroport. Les douaniers ne nous ont pas embêtés, ou ont eu des mots déplacés. Mais pour le reste, je ne peux vous dire...», affirme Nassima, une jeune déléguée médicale qui accompagnait une délégation de médecins qui devaient participer à un congrès à Paris. Cette jeune fille aux traits de type très oriental soutient que même les regards dans la rue, sont «assassins»! «Je n'ai pas été embêtée, mais quand je marche dans la rue je sens les gens me dévisager avec l'air de me dire retourne chez toi.» C'est presque la dixième fois que je viens à Paris, mais c'est la première fois que je me sens aussi mal à l'aise dans cette ville que j'adore», rétorque-t-elle. Chose que ne partage pas du tout Hamza qui est en France depuis la veille des attentats. «J'étais à Paris le jour du drame. J'ai été choqué comme les Français, mais à aucun moment quelqu'un m'a fait ressentir que j'étais coupable de ce qui s'est passé parce que je suis musulman», confie-t-il. «Là, je suis à Nice. Et même ici, pourtant réputée pour ne pas trop aimer les musulmans, je n'ai rencontré aucun problème. Je suis pourtant très brun, et je fais très arabe...», assure-t-il.
Agnès, une Franco-Algérienne, estime pour sa part que les vieux démons de l'islamophobie et du racisme se sont réveillés. «Ce que je craignais est arrivé...», se désole-t-elle. «J'ai cette double culture mais je fais très française, mon nom et prénom sont français. Alors je me suis retrouvée cette semaine à plusieurs reprises devant des discours haineux qui font l'amalgame entre terroriste et musulman», rapporte-t-elle. «Quand je tente de raisonner ces idiots, ils me disent qu'est- ce que tu en sais toi, tu aimes ces Arabes...Quand je leur dis que j'en suis une, ils s'excusent et affirment que leurs paroles sont dues à la colère mais au fond, je sais qu'ils pensent réellement leurs conneries...», ajoute-t-elle avec colère, en soulignant que les réseaux sociaux sont la tribune préférée de ceux qui se «nourrissent» de ce genre de dérapages. «Sur ma liste Facebook ou dans mes contacts twitter, j'en ai vu de toutes les couleurs», fait-elle savoir. «Les discours du Front national sont largement partagés en boucle. Ils sont même devenus des références pour certains qui promettent de voter FN et de renvoyer tous les Arabes chez eux, en oubliant que la majorité est constituée comme eux», s'indigne-t-elle. «Des amis que je croyais pourtant intelligents, ouverts et tolérants ont posté des choses très haineuses. Certains les ont supprimées après coup, mais d'autres les ont gardées. Cela m'aura permis de faire un ménage d'automne dans ma liste, en supprimant ceux qui ont montré leur vrai visage», poursuit-elle. Cette jeune fille de père français et de mère algérienne ne subit donc pas de plein fouet cette montée de l'islamophobie, grâce à son physique européen, mais le constate sur les autres. Comme sur cette jeune fille en «hidjab» refoulée à l'entrée d'un Zara dans les Yvelines, le lendemain des attentats. Des employés lui ont demandé d'enlever son voile pour accéder à la boutique de la marque espagnole. Ce qu'elle a bien sûr refusé en quittant le magasin. Cet incident local est vite devenu viral après qu'une vidéo de l'événement aura fait son apparition sur le Web. Mais heureusement que les Français qui font l'amalgame entre religion et terrorisme sont une minorité, la vidéo a provoqué l'indignation des internautes. Devant l'ampleur des réactions outrées de nombreux internautes et les menaces de boycott, la marque créée en 1975 par Amancio Ortega Gaona et son épouse Rosalía Mera n'a pas tardé à réagir. Ils ont vite suspendu les responsables de ce fâcheux incident. D'autres musulmans de France avec qui nous avons parlé attestent que c'est la psychose qui frappe tous les Français quelles que soient leurs croyances. «On a tous peur. On a peut-être peur plus que les autres craignant être la cible des radicaux religieux ou nationalistes», confie Tahar, un jeune de Barbès. «On a toujours en mémoire «l'explosion» des actes haineux dans les jours qui ont suivi les attentats contre l'hebdomadaire satirique. On suspecte tout le monde de nous vouloir du mal ou de nous voir comme des terroristes. Dès que quelqu'un croise notre regard on pense qu'il est raciste», confie-t-il. «Je comprends que les Français de souche se méfient aussi de nous. En fait, ces terroristes sont en train de nous diviser créant la crainte et la psychose de part et d'autre pour faire naître entre nous une terrible haine»,regrette-t-il en appelant ses compatriotes à rester en paix pour surmonter ensemble cette épreuve. Selon donc nos amis, la France est toujours celle des couleurs même si elle flirte dangereusement avec l'après-Charlie Hebdo...


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