Ouverture du champ audiovisuel, code de la famille, dialogue avec les archs, privatisation... Ahmed Ouyahia a exclu toute éventualité de l'ouverture du champ audiovisuel dans l'immédiat. Dans un entretien exclusif accordé à la chaîne méditerranéenne Beur TV, le chef du gouvernement a confirmé l'élaboration par le ministère de la Communication d'un avant-projet de loi sur l'information, mais a tout de même révélé, qu'en tout état de cause, il n'est pas question d'ouvrir les médias lourds au privé. Cela dit, le chef du gouvernement s'est voulu réaliste en affirmant que cette interdiction ne saurait être interprétée comme une constante. «Nous savons que nous ne pouvons interdire à personne de s'adresser aux Algériens par le biais de la télévision. Les chaînes satellitaires sont captées par les citoyens», a relevé le chef du gouvernement, comme pour signifier le caractère transitoire du verrouillage du champ audiovisuel national. Il a reconnu ouvertement la nécessité d'aboutir un jour à un paysage médiatique pluriel, mais a conditionné cet avènement à une meilleure maîtrise de l'information par l'Etat. A ce propos, Ouyahia qui n'a pas manqué d'évoquer la richesse éditoriale au niveau de la presse écrite, présentant cela comme une preuve de la volonté du pouvoir de ne pas brimer la liberté d'expression, n'en a pas moins décoché une flèche à cette même presse, l'accusant indirectement de dérives qui ne sauraient être rééditées par des médias autrement plus lourds. En fait, sur cette question, le chef du gouvernement a semblé faire valoir la prudence au nom de la stabilité de l'Etat algérien qui, vraisemblablement, n'est pas encore en mesure de faire face à une situation susceptible de lui échapper à tout moment. Sur le sujet du code de la famille, le chef du gouvernement a défendu les amendements apportés à la loi, excluant toute abrogation dudit code, qui «ferait plaisir à certains salonnards». Cela dit, il a insisté sur la conformité des nouvelles dispositions de la loi avec les préceptes du Coran, en citant l'exemple de la polygamie. «Les versets qui traitent de la polygamie la rendent quasi impossible. Les amendements au code de la famille poursuivent justement cette logique en conditionnant le remariage par un témoignage de la première épouse devant le juge», a-t-il soutenu, tout en relevant l'importance de ces mêmes amendements quant à une réelle volonté de mettre un terme à l'injustice faite à la femme divorcée et à ses enfants. L'entretien a également abordé plusieurs autres questions, notamment le dialogue avec les archs, où le chef du gouvernement a réitéré sa volonté de mettre en oeuvre la palte-forme d'El-Kseur avec ou sans le mouvement citoyen. Il révèlera à cet effet que, si le dialogue a été formellement interrompu, les contacts informels et indirects ont toujours lieu entre les archs et les services de la chefferie du gouvernement. Une déclaration déjà faite par Ouyahia et qui a été, rappelons-le démentie par les principaux animateurs du mouvement. Cela dit, il est ressorti de l'entretien de ce jeudi que le chef du gouvernement est dans les mêmes dispositions qu'au lendemain de l'échec du dialogue, donnant la nette impression de n'avoir pas cédé sur le point 9 de la plate-forme relative à la constitutionnalisation de Tamazight en tant que langue officielle. Autrement dit, le chef du gouvernement continue à privilégier la solution référendaire pour cette question. Cela étant, il n'a pas omis d'évoquer le projet d'une télévision publique en Tamazight, mais sans pour autant avancer une échéance précise. Pour ce qui concerne le volet économique, Ahmed Ouyahia a résolument défendu le bilan du premier quinquennat de Bouteflika et affiché une farouche détermination à conduire à son terme le programme de privatisation de 1200 entreprises, avec la nuance cette fois qu'il n'est pas question que tout soit privatisé en un ou deux lots. «L'Etat propose un partenariat pour ses entreprises publiques. Elles seront vendues lorsqu'il y aura des repreneurs». Autant dire donc que le gouvernement veut clore le sujet quant au principe-même de la privatisation. Dans la bouche d'Ouyahia, le principe en question n'est pas négociable. Seules les modalités sont ouvertes au débat avec le partenaire social. Récusant les informations faisant état d'absence d'investissement en Algérie, le chef du gouvernement annonce un chiffre de 80 milliards de da d'investissement réalisés dans les 9 premiers mois de l'année en cours. Cela, «hors Pnda (Plan national de développement de l'agriculture) et Ansej (Agence nationale de soutien à l'emploi de jeune)», a-t-il tenu à préciser. Le seul point noir dans le tableau positif dépeint par Ouyahia se trouve être celui du secteur financier, de la réforme duquel il reconnaît la nécessité. «Le système financier algérien est en en train d'être réformé. Nous avons déjà réalisé deux phases. Reste la troisième qui sera finalisée vers la fin 2006», a déclaré Ouyahia qui avoue un grand déficit en matière de management, plaidant même pour un apport en cadres étrangers, «pour améliorer la gestion de nos banques». Enfin, pour son premier entretien télévisé depuis la dernière élection présidentielle, Ahmed Ouyahia a tenté de donner de l'Algérie l'image d'un pays qui fait face à ses responsabilités sans complexe et surtout, une nation déterminée à aller de l'avant sur tous les fronts.