Le géant de la culture amazighe reposera dès aujourd'hui au cimetière d'Aït-Erbah. La dépouille mortelle du dramaturge, poète et écrivain de talent est arrivée hier à Tizi Ouzou. Le catafalque hissé sur des épaules anonymes est exposé au niveau de la salle du petit théâtre et les colonnes de citoyens, notamment des personnes ayant connu l'étoile de la culture amazighe ou ses oeuvres et des étudiants ont commencé à affluer vers la maison de la Culture pour un dernier hommage. La maison de la Culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou était un peu comme toute la Kabylie en deuil. Un monument venait de s'écrouler. Les activités programmées en ce lieu de culture ont d'ailleurs été reportées suite à la disparition de Mohya. Les drapeaux de la maison de la culture étaient en berne depuis l'annonce du décès de Mohya et les fanions noir de deuil ont été ressortis. Désormais, le noir semble ne pas vouloir quitter la Kabylie. Accompagnée de son fils et de son frère, la dépouille de Mohya sera ainsi exposée pour permettre au nombreux public de lui rendre le dernier hommage. Dans la cour de la maison de la culture mêlés à la foule, on pouvait remarquer, des anciens du MCB original, des militants des partis politiques ayant pignon sur rue dans la région et des anciens camarades du défunt, du temps du groupe d'études berbères à l'université de Vincennes étaient là pour accueillir et accompagner la dépouille. M.Mohand Ouameur Ousalem, l'un de ses compagnons, parle de l'homme simple et sage que fut Mohya. Pour illustrer ses propos, il raconte une anecdote qui, en somme, décrit l'homme: «Lors d'une activité à Paris, des gens opposaient des affiches dans les cafés. Un des membres du groupe trouve les affiches un peu petites et donc difficilement visibles de loin». Mohya, lui, pense le contraire. «Je pense, disait-il, que les affiches doivent au contraire être encore plus petites pour, en fait, n'intéresser que ceux qui veulent bien les lire.» M.Ousalem, le coeur gros et la gorge nouée, préfère ne pas trop parler de Mohya. C'est un peu comme s'il disait: «Laissez les gens lui rendre un hommage simple à l'image de ce qu'il était.» Dans la matinée, un peu avant que l'ambulance transportant le corps de Mohya n'arrive, on a essayé de voir si les gens savent qui était Muhend U Yehia. Hélas, les jeunes surtout ignorent complètement ce grand de la culture amazighe. Ainsi, pour Souad de Draâ Ben Khedda «Mohya, c'est qui? Un homme de la littérature?» Smaïl, quant à lui, dira avoir vaguement entendu parler de lui. Heureusement qu'une jeune étudiante du département amazigh s'invite aux discussions en racontant rapidement, mais de belle façon, le parcours et l'oeuvre de Mohya. L'homme a été grand et, dans la mort, est devenu un géant. Connus ou anonymes, jeunes et vieux, hommes et femmes, les processions devenaient de plus en plus nombreuses. Chacun voulait rendre les derniers hommages à Mohya. Hier en fin de soirée, la dépouille devait être acheminée sur la maison familiale à Aït Erbah (Iboudraren) où l'inhumation est prévue pour aujourd'hui. Il était simple, bon, généreux et sage et tous ont tenu à lui faire leurs adieux. L'homme est mort mais une légende est née!