La délinquance urbaine, allant jusqu'à la criminalité, relègue la menace terroriste au second plan. Le rapport d'activité de la Gendarmerie nationale concernant le dernier trimestre, et plus spécialement le mois de septembre 2004, peut laisser effaré le plus optimiste des responsables de la sécurité intérieure. Au terrorisme - qui d'ailleurs fait moins de victimes que les accidents de la route de la seule région algéroise - a succédé une délinquance urbaine dont la gamme s'étend du vol par effraction au meurtre, et dont la hausse et la concentration, ainsi que les nouveaux moyens mis à contribution sont un indicateur de la nouvelle violence non-stop qui s'est insidieusement établie dans les centres urbains, et même dans beaucoup de cas, dans le milieu rural. 782 personnes ont été écrouées et 1197 autres ont été laissées en liberté provisoire. Le nombre total des personnes arrêtées et présentées à la justice a été de 1898, dont - tenez-vous bien - 81 femmes. Ces chiffres alarmants des délits et crimes ne tiennent pas compte de ceux de la police durant la même période, avec une importante intervention de la gendarmerie en zone néo-urbaine et rurale, une présence plus accrue de la police dans les axes urbains. Ce qui amène à dire que pour chaque groupe de délits, et pour la même période, il faudrait multiplier les chiffres par deux pour avoir une idée de ce qui se passe en Algérie en matière de crimes et délits. Plus que le vol, ce sont les délits rattachés aux coups et blessures volontaires qui font le plus peur, avec 712 personnes arrêtées et 221 écrouées, dont 43 femmes et 534 laissées en liberté provisoire. La menace verbale, écrite ou réelle est en dangereuse hausse avec 100 affaires jugées et 32 personnes écrouées. Deux femmes ont été jugées pour avoir proféré des menaces de mort à l'encontre d'hommes. Vous avez certainement remarqué la présence de femmes dans ces chiffres de la criminalité. Avec 81 femmes arrêtées en un mois, il y a réellement matière à réfléchir. En fait, elles ont participé à tout avec les hommes: recel, vente et consommation de drogue, menace, destruction de biens publics, homicide volontaire, escroquerie. Autre tendance en hausse dangereuse depuis une année: l'inceste et le crime contre ascendant. Les chiffres, très alarmants déjà, méritent une lecture à part, eu égard à la nature ignominieuse de certains crimes, tel ce couple - père-fille - enclavé dans une région montagneuse dans une wilaya du centre du pays, marié depuis...dix-sept ans déjà. Les attentats à la pudeur, de l'ordre de deux à trois crimes/jour sont aussi à prendre en ligne de compte des nouvelles tendances criminelles en Algérie. 41 personnes - des hommes - ont été arrêtées durant le mois de septembre pour ce motif, avec cette autre tendance, celle de tuer la victime après abus. L'affaire de Chéraga, qui avait défrayé la chronique, il y a quelques mois, reste à ce jour l'exemple-type. Le trafic - commercialisation et consommation - de drogue reste néanmoins le plus lucratif des commerces pour la jeunesse urbaine, qui s'y adonne autant que faire se peut. Toutes les villes sont touchées, toutes les couches sociales et tous les milieux, avec une présence psychédélique accrue dans les milieux aisés et opulents des grandes villes, Alger, Oran et Annaba. C'est l'air du temps. En amont, ce sont de solides réseaux qui se sont établis aux lisières des frontières ouest et sud afin de faciliter l'acheminement des produits vers le Nord. Les saisies restent dérisoires par rapport à ce qui passe entre les mailles des filets des services de sécurité: 549 kg saisis à Tlemcen en trois mois, 50 à Ouargla, 54 à Aïn Témouchent, 42 à Oran, 21 à Alger et 20 à Annaba. Alors que la quantité non saisie est estimée à quelque 10.000 tonnes, dont une petite quantité seulement est destinée à l'étranger, la plus grande étant réservée à la consommation locale, faisant de l'Algérie, de fait, non plus un pays de transit de la drogue, mais un pays de consommation par excellence. 826 personnes ont été arrêtées et déférées devant les tribunaux en l'espace de trois mois. Beaucoup d'entre elles seront relâchées et retourneront «refaire le coup», dont l'issue - en cas de réussite - est le jackpot. Voilà, donc, les nouveaux visages de la criminalité qui se sont développés et ont «prospéré» à l'ombre du terrorisme. On ne voyait pas venir le «péril jeune» et c'est - paradoxalement - la hantise de demain pour les services de sécurité.