«Inaliénable, insaisissable et incessible.» Voilà comment l'Etat a «verrouillé» par décret présidentiel les capitaux de la Sonatrach et de la Sonelgaz, qui sont par ailleurs déjà constitutionnalisées... L'Etat va-t-il brader ses entreprises stratégiques au profit des investisseurs privés? La polémique enfle! L'opposition en fait même son cheval de bataille pour mettre en garde contre les «dangers» de la loi de finances 2016, et notamment son article 66. Le gouvernement se défend en arguant que l'ouverture du capital ne concernera que les canards boîteux de l'industrie nationale. Qui a raison? Qui a tort? L'opinion publique ne se retrouve plus dans ce tapage médiatique. Mais parfois il suffit simplement de lire les textes de loi pour avoir la bonne réponse. Et dans ce cas précis, ces textes montrent clairement que ce sont les autorités qui sont dans le vrai. Car, tout simplement, les entreprises comme la Sonatrach et la Sonelgaz sont des sociétés commerciales à capitaux publics, c'est-à-dire propriété du peuple! Et pour que le peuple représenté par l'Etat reste et demeure l'unique propriétaire de ces entreprises, des décrets présidentiels ont verrouillé leur capital. Ils est déclaré: «Inaliénable, insaisissable et incessible.» En termes plus clairs: la totalité des actions sont et demeureront la propriété de l'Etat, et ce même en cas d'augmentation de capital. Ces sociétés dites «stratégiques» ne sont donc pas régies par les dispositions prévues dans la LF 2016 sur les capitaux marchands de l'Etat. Elles ont des statuts particuliers avec décrets présidentiels. Le décret qui donne ce statut à la Sonatrach est le N° 98-48 du 11 février 1998, portant statut de Sonatrach (complété et modifié), approuvé par le Conseil national de l'énergie le 23/01/1998. Dans son article 3, il est stipulé que Sonatrach est transformée en société par actions-SPA, régie par la législation en vigueur sous réserve des dispositions des présents statuts. Le capital social est porté à 245 milliards de DA (245.000.000.000, 00 DA), souscrit par l'Etat uniquement, excluant les organismes publics dont parlaient les précédents statuts de 1963. Ce décret déclare le capital social de l'entreprise, inaliénable, insaisissable et incessible. La Sonelgaz a, elle, attendu le mois de juin 2011 pour «barricader» son capital. L'entreprise a été filialisée à l'époque mais le président de la République Abdelaziz Bouteflika avait profité de cette filialisation pour protéger cette entreprise de toute convoitise. Elle a de ce fait été dotée d'un nouveau statut publié au N° 32 du Journal officiel daté du 8 juin 2011. Celui-ci ferme la voie à toute possibilité de privatisation, même partielle. L'article 2 du statut de l'entreprise publique stipule que le Groupe Sonelgaz est composé de la holding Sonelgaz et des sociétés filiales chargées des activités de production, de transport et de distribution de l'énergie électrique et de transport et de distribution de gaz. «Le capital social de la société holding ́ ́Sonelgaz ́ ́ ainsi que celui de ses filiales en charge des activités précitées, est imprescriptible et inaliénable». Le dossier de privatisation de la Sonelgaz avait donc été clos avec ce décret qui la dote des mêmes garde-fous que la Sonatrach afin qu'elles restent toutes deux propriétés exclusives de l'Etat. Néanmoins, ces décrets présidentiels ne sont pas les seuls à protéger ces grandes entreprises d'une quelconque cession de capital. La Constitution est là pour «sacraliser» la propriété unique de l'Etat de ces sociétés. L'article 17 de la Constitution est très clair. Tout ce qui est sous-sol, télécommunications, chemins de fer... est un bien de la collectivité nationale. Toutes les entreprises qui gèrent les biens de la collectivité nationale ne sont pas privatisables. «La propriété publique est un bien de la collectivité nationale. Elle comprend le sous-sol, les mines et les carrières, les sources naturelles d'énergie, les richesses minérales, naturelles et vivantes des différentes zones du domaine maritime national, les eaux et les forêts. Elle est, en outre, établie sur les transports ferroviaires, maritimes et aériens, les postes et les télécommunications, ainsi que sur d'autres biens fixés par la loi», est-il écrit noir sur blanc dans notre Constitution. La polémique peut donc être close. Sonatrach et Sonelgaz ne seront pas privatisées. Du moins, avec leurs statuts présents et la Constitution actuelle...