Le dernier symbole des hommes qui ont enfanté Novembre L'enfant terrible de la Révolution algérienne savait mieux que quiconque jouer le modérateur, comme en témoigne sa réconciliation avec Ahmed Ben Bella, un 16 décembre 1985, à Londres. L'ancien président du parti du Front des forces socialistes (FFS) et l'un des neuf dirigeants historiques de la guerre de Libération nationale, Hocine Aït-Ahmed, est décédé hier dans son domicile, à Genève (Suisse), à l'âge de 89 ans. Victime d'un AVC en janvier dernier, il avait été hospitalisé durant quelques jours à l'hôpital de Lausanne. Dernier symbole des hommes qui ont enfanté Novembre, Hocine Aït Ahmed incarne, par-dessus tout, le militant qui n'a jamais cessé de lutter pour la promotion et la défense des droits de l'homme et pour l'unité du Maghreb. Depuis la création du Front des forces socialistes, en septembre 1963, il a inlassablement assumé un rôle modérateur d'encadrement politique des militants afin d'empêcher l'irruption de la violence et d'inscrire la revendication linguistique et culturelle dans l'exigence du pluralisme politique, à l'intérieur de la nation algérienne. Car l'homme a eu un attachement indéfectible à cette nation pour laquelle il a consacré sa vie entière et qu'il a, en toutes circonstances, et malgré toutes les vicissitudes de la vie politique et des ambitions qui la caractérisent, les unes fructueuses et les autres désastreuses, placé, au-dessus de toute autre considération. L'enfant terrible de la Révolution algérienne savait mieux que quiconque jouer le modérateur, comme en témoigne sa réconciliation avec Ahmed Ben Bella, un 16 décembre 1985, à Londres, ou ses retours triomphaux à Alger, comme en décembre 1989, après 23 ans d'exil forcé, ou encore en janvier 1992, pour la plus grande manifestation que la capitale ait jamais connue. Son engagement militant a toujours été empreint de ces convictions fortes, inébranlables même, car il rêvait d'une Algérie nourrie aux valeurs démocratiques universelles où l'alternance au pouvoir, la liberté de culte, la primauté de la loi légitime sur toute autre loi issue d'assemblées non élues légitimement, l'égalité des citoyens sans distinction d'aucune sorte, l'accession au pouvoir par des moyens pacifiques, le rejet de la violence pour se maintenir au pouvoir ou pour y parvenir, seraient des vertus cardinales pour tout un chacun. Son ultime combat politique a eu lieu le 2 février 1999, quand, de retour dans son pays, il s'est lancé dans la course à l'élection présidentielle trois jours plus tard, avant de se retirer, avec d'autres candidats, suite à un accident vasculaire. De guerre lasse, Da L'Ho est reparti en Suisse pour y poursuivre son combat politique afin de sortir le peuple algérien de l'«omerta internationale» dont il estime que le peuple algérien est toujours victime. Il va, en effet, lutter sur deux fronts, au plan extérieur utilisant ses contacts et ses voyages à l'étranger, pour un travail diplomatique marqué par la constance des idées et des revendications, et au plan intérieur, la revendication d'une solution politique. Fidèle à ses idées et principes de jeunesse, Hocine Aït Ahmed, l'homme qui a structuré l'OS puis participé au déclenchement de la Révolution armée, un premier Novembre, aura, sa vie durant, lutté sans compromis aucun pour faire avancer l'Algérie sur le terrain des libertés et de la démocratie et ce n'est pas là son moindre mérite. Indifférent à ses détracteurs, opiniâtre dans ses initiatives et attentif aux traditions du débat pluraliste, il aura laissé une empreinte indélébile dans l'histoire de l'Algérie qui pleure, aujourd'hui, la mort d'un de ses géants.