«Notre coupe budgétaire n'est pas aussi draconienne qu'on le pense» Arrivé à la tête de la direction de la culture de Tamanras-set depuis 2001, Karim Arib hérite par là-même du poste de commissaire du Festival culturel national de la chanson et la musique amazighes. Un festival qui a su lui donner une impulsion fulgurante grâce à son savoir-faire et surtout sa clairvoyance. Dans cet entretien qu'il nous a accordé, il revient sur le bilan de cette grande manifestation culturelle depuis son lancement en 2008. L'Expression: Pour commencer, quelle est votre appréciation sur cette 8e édition qui prend fin ce soir (le soir de jeudi dernier)? Karim Arib: Tout d'abord, permettez-moi de m'incliner devant la mémoire du grand maître de la chanson amazighe d'expression kabyle Dda Rabah Taleb à qui un hommage lui a été rendu par cette même édition à titre posthume, d'une part et à Dda l'Hocine Ait Ahmed, une figure emblématique du Mouvement de libération nationale, d'autre part. Quant à votre question, je crois que cette nouvelle édition, de l'avis même du public, des participants et autres chanteurs, est aussi une réussite à l'instar des précédentes. Nous avons pu être à la hauteur grâce à la volonté et l'abnégation de toute une équipe, sans oublier la contribution de nos autorités locales et les forces sécuritaires et préventives. La chanson kabyle rafle à chaque fois les premiers prix de ce festival, quel est votre commentaire? Depuis mon arrivée à la tête de ce commissariat en 2001 j'ai installé un jury composé des membres issus des quatre variantes participantes. Je tiens à le remercier pour le rôle qu'il accomplit convenablement à chaque fois. Quant à votre question, je pense que ceci est lié au bon travail du Festival culturel local de la chanson et musique kabyles qui fait un travail de présélection remarquable. Je pense que les autres festivals doivent s'inspirer de ce dernier pour améliorer le niveau des troupes engagées. Nous avons remarqué qu'en dépit de son caractère amazigh, quelques chanteurs, notamment les chanteurs chaouis, se sont produits avec des chansons en arabe dialectal... Dans la région des Aurès, il y a le chaoui et l'aurassien. le chaoui est chanté en expression chaouie, quant à l'aurassien il est chanté en arabe dialectal de leur région. Il y a des stars chaouies qui sont bilingues dans le monde de la chanson. Des chanteurs chaouis d'expression amazighe uniquement sont très rares. Comme la région de Tamanrasset est cosmopolite, c'est le public qui demande à entendre quelques chansons de leur répertoire. A titre d'exemple, cheikh Sidi Bémol a fait l'équilibre l'année dernière en chantant aussi bien en tamazight (kabyle) et arabe étant donné que son répertoire est bien connu par le grand public. Il est vrai que c'est un Festival de la chanson amazighe, mais on ne peut pas empêcher un groupe ou un chanteur de réinterpréter une ou deux chansons en arabe dialectal pour répondre à la demande de son public. Cette nouvelle édition n'a pas connu la participation des grandes vedettes de la chanson amazighe dans ses différents genres musicaux, est-ce dû aux coupes budgétaires sur votre festival? Il est vrai que nous avons connu, à l'instar des autres festivals une coupe budgétaire, mais elle n'est pas aussi draconienne qu'on le pense. Vous savez, c'est une question de gestion. Un budget est fait pour être bien géré et c'est ce que nous avons accompli. En matière de gestion c'est à nous de nous adapter au budget alloué et de faire avec. Sinon, la préparation de ce festival a été faite bien avant ces décisions. Les artistes qui ont été programmés pour animer la grande scène ont été contactés bien avant. Par ailleurs, sans diminuer de la valeur des chanteurs et autres groupes qui ont pris part à cette nouvelle édition, je pense que cette dernière s'inscrit bien dans les objectifs assignés à ce festival, à savoir permettre l'émergence des jeunes talents et leur promotion sur la scène nationale. Ce festival accroche sa huitième étoile cette année, concrètement quel impact a eu ce festival sur la culture amazighe en général et la chanson et la musique amazighes en particulier? Au-delà de la musique et de la chanson, ce festival fait dans la promotion de la culture amazighe dans toutes ses dimensions, notamment en matière de langue, étant donné qu'elle est la matrice même de cette culture. Ce festival a permis de dépoussiérer notre riche patrimoine aussi bien matériel qu'immatériel, de faire dans sa sauvegarde et surtout dans sa promotion. Aujourd'hui, ce festival connaît un engouement sans précédent. Nous accueillons chaque année pas moins de 400 festivaliers. Du coup, c'est toute la région de Tam qui est touchée dans son mouvement habituel. Quant à son impact sur le plan du chant et de la musique, ce dernier on peut le scinder en deux plans. Sur le plan local, ce festival à l'instar de celui des arts de l'Ahaggar et les rencontres internationales de l'association Sauver l'Imzad, a permis l'émergence, voire même l'explosion des jeunes talents. Nous avons assisté à l'éclosion de nombreux groupes qui ont trouvé en ses espaces un moyen de s'exprimer sur scène pour faire valoir leur talent. Je citerai à titre d'exemple l'ascension qui a touché le groupe tikoubaouine, Toumes N'téniré, Imerhane, Abdelkader Tirhanine, sans oublier le groupe Imzad qui a connu une ascension fulgurante. Sur le plan national, je ne pense pas que ce festival ait eu un impact sur la chanson kabyle ou chaouie notamment. Par contre, sur le plan médiatique il n'en est pas une, car depuis le lancement de ce festival en 2008, et après mon arrivée en 2011, tous les chanteurs d'expression amazighe nous sollicitent pour prendre part à ce festival. Idem pour ceux qui se sont déjà produits, tous ont émis le voeu de revenir. C'est dire tout l'impact qu'a eu ce festival sur le plan médiatique. En outre, le grand impact qu'a provoqué ce festival, c'est le rapprochement entre les genres musicaux amazighs. Sur ce plan, ce festival a permis la rencontre et l'assemblage des différents styles de notre riche legs musical amazigh.