Pourquoi un colloque sur Lacheraf? Parce qu'il s'agit d'abord d'une personnalité du monde de la culture et de la pensée contemporaine en Algérie. En tant qu'universitaires, on a essayé de réfléchir sur la manière avec laquelle nous marquons notre participation au cinquantième anniversaire du déclenchement de la révolution, car Lacheraf est l'un des plus anciens penseurs de la question sociale et nationale. Dans sa dimension intellectuelle, il a été un producteur d'idées, éditeur d'ouvrages, un homme qui a pris des positions à l'intérieur de l'appareil de l'Etat- il a été ministre et plusieurs fois ambassadeur- en parfaite conformité avec ses principes. Lacheraf n'a jamais renié ses idées pour des postes politiques. Au contraire, ses positions lui ont valu tant de déboires et de déconvenues. Il a été, je vous signale, l'un des ministres dont la présence au gouvernement a été la plus courte. En tant qu'universitaire, comment appréciez-vous l'oeuvre de Lacheraf? J'ai en ma possession un de ses textes qu'il avait rédigé en 1954 et que j'avais soutiré de son livre Algérie, Nation et Société. Ce document garde intacte son actualité après cinquante ans. Cela pour vous dire que le travail de Mostefa Lacheraf a traversé le temps. Il est passé d'une génération à une autre, et ce, bien qu'il ne soit pas très cité dans les travaux et les recherches des universitaires. Justement pourquoi cet «ostracisme»? Parce que l'université algérienne est en train de s'effondrer, donc, autant que s'effondre ce centre névralgique de la production du savoir qu'est l'université, les choses continueront à se faire en parallèle.