Le procès ronronne La journée d'hier a été consacrée à l'audition des accusés répondant aux questions des avocats et du parquet. Cette huitième audience du procès Sonatrach 1 a été consacrée dès 9h35 et ce, par la bouche d'un président en léger mieux sur le plan physique, au «jeu» des questions-réponses, avocats-accusés, déjà entendus la semaine écoulée, pour ne pas écrire l'an dernier (du 27 au 31 décembre 2015). Mohamed Regad a attiré l'attention du premier accusé, en l'occurrence Belkacem Boumediene, sur le principe de réponses adéquates et ne pas se perdre en répétitions agaçantes! «Un avocat vous pose une question. Vous répondez juste ce qu'il faut en vue d'éclairer tout le monde», a balancé le juge qui ignore encore - dix jours après le début du procès-que personne ne peut situer exactement la durée des débats. Et comme pour prendre au mot le tribunal criminel, Boumediene s'engage sur sa propre conception de répondre. Il se fait précis. C'est le vice-président de Sonatrach qui s'adresse à ses meilleurs collaborateurs. Il se fait plutôt pédagogue, allant jusqu'à entrer dans les détails qu'il adore aborder, surtout lorsque c'est Me M'hamed Zouakou de la partie civile qui pose ses questions relatives aux marchés de gré à gré, ce concept qui a ramassé tout ce beau monde... A une énième questions de l'avocat, Regad s'aperçoit que ceux de la défense «parasitaient» l'ambiance: «Maîtres! Votre confrère s'adresse à l'accusé. Cessez donc de l'interrompre par d'intempestives attitudes négatives. Seul le tribunal criminel peut juger si la question est acceptable ou non!», dit sentencieusement Mohamed Regad agacé, mais pas fâché surtout ce mardi gris...et partiellement pluvieux! Halim Boudraâ, le procureur général ne bronche pas. Il est plutôt pris par les débats qui se déroulent dans une sérénité encourageante pour la suite des débats, car le président est connu pour sa droiture et son respect pour toutes les parties jusqu'au prononcé du verdict que lui seul va arrêter sans état d'âme, car il ne connaît que la loi et sa saine application. A 10h20, il y a lieu de signaler que dans la salle d'audience, il n'y a pas plus d'une centaine de personnes, alors que la veille, il y avait le double avec les auditions de El Hachemi Maghaoui, son fils Yazid Eliess et El Ismaïl, dont les proches étaient à l'écoute. Il faut aussi préciser que certains collègues de la presse nationale ont compris qu'il n'y avait pas d'effets sonores de révélations, de scoops ou autres accusations balancées par des accusés qui sont déjà passés à la barre, vidant leurs tripes en déplorant au passage, les mauvais traitements subis en 2010 et s'interrogeant sur le silence du procureur de la République, le chef de la police judiciaire pointé du doigt. Pas sollicités, les sympathiques interprètes sont sagement installés, attendant probablement la première pause juste pour se dégourdir les jambes ou commenter l'actualité dans le monde. Me Khaled Dhina, l'un des avocats ne dit mot. Il est debout, le cou tendu vers le pupitre du tribunal criminel, savourant la remarque adéquate de Regad qui a dit trois fois en 50 mn qu'ici, il s'agit de la sauvegarde de la dignité de chacun. Le bâtonnier Abdelmadjid Silini entre en scène et comme sa voix porte, (Allah bénisse), les présents ont l'impression qu'une altercation verbale a lieu dans les parages, sauf que les questions du conseil de la rue de la Liberté sont judicieuses et permettent donc à Belkacem Boumediene de galoper sur son terrain favori: le détail du détail! Le bâtonnier rappelle à voix basse (ô paradoxe) le fait qu'en 2005 (période de paix revenue), il n'y a plus d'urgence et donc de précipitations. Me Chnaïef apprécie la libre expression à la barre et l'audace de ses confrères au verbe incisif! Têtu et sûr de son sujet, Boumediene met en avant les nombreuses opérations et tentatives des installations pétrolières. «Il y a de graves moments dans la vie d'une entreprise, et Sonatrach en tête, où il faut agir paix ou guerre!» rétorque l'accusé qui rappelle aussi les priorités en matière de sécurité. Le bâtonnier revient sur le droit de regard du vice-président de Sonatrach: l'accusé explique qu'il avait, en effet, exercé ce droit: «Et après? Lorsque le docteur vous assène qu'il est au courant, que pouvez-vous faire de mieux?» dit avec beaucoup de conviction Boumediene qui a dû comprendre que peut-être, les «carottes étaient cuites», en ce qui concerne sa responsabilité dans l'os «Cantel» - «Allemands Blitek». Ce qui explique les nombreuses questions posées à l'un des accusés les plus exposés à la «répression» du pénal sous toutes ses formes. Maître Nabil Ouali, Maître Mohamed Bentoumi, Maître Khaled Bergueul, Maître Fatima Ladoul, Maître Benamar Aïd, Maître Habib Benhadjet, Maître Samira Benkara debout aux côtés du bâtonnier surveillant les réponses de Boumediene comme le lait sur le feu, ainsi que Maître Baghdadi, Izerouine et Maître Madani, suivent avec une attention remarquée et surtout les crocs-en-jambe... Le bâtonnier prend au mot la réponse de Boumediene qui a dit qu'il avait été nommé par le président de la République, car il avait plus de quatre missions délicates dont celle qui relève de la sécurité des installations, pas du financement... Regad: «Eh bien, si vous êtes nommé par Bouteflika pourquoi obéir au directeur général de Sonatrach?», articule le président... «Non, j'ai deux ordonnateurs!» résume l'accusé, sûr de ses propos et de ses répliques. Après 100 minutes de débats techniques, Halim Boudra, le procureur général, met son grain de «poivre blanc» en posant une bonne question autour des nombreux appels d'offres et la division des études en quatre lots. «Qu'avez-vous à répondre autour du fax de Siemens, dont les responsables vous ont humiliés et Sonatrach par le ton utilisé et j'ai le fax sous les yeux?» Boumediene relève ses hautes épaules et répond en tournoyant la main gauche pour affirmer de suite: «Je ne suis pas au courant de ce document et j'ignorais la conclusion du fax qui avertissait Sonatrach en ces termes: lorsque tout sera régulier chez vous, nous viendrons collaborer!» Le fait est que, hier, Belkacem Boumediene a su tirer les «marrons du feu» en répondant sans se dérober à toutes les questions d'où qu'elles émanent, même celles nées dans le palais du bâtonnier d'Alger, pourtant pas facile à mettre sous l'éteignoir. Pour Me Merrah, la question est de savoir si le marché a été réparti en quatre lots et Cantel a bénéficié d'un. «Pourquoi donc cette société a été poursuivie pour piétinement de la réglementation en vigueur concernant les marchés publics. Les autres sociétés, elles, n'ont jamais été inquiétées. Soit cette méthode est légale pour tous ou pas!» s'exclame Me Youssef Merrah, l'avocat du cadet des Meziane, Mohamed Faouzi, qui sera aussi entendu, tout comme son frère Réda Meziane, en répondant aux avocats et au procureur général, juste de quoi conforter le tribunal criminel, que les poursuites entreprises à son encontre sont... nulles! Les débats reprennent vers 14h10, sur le même train-train jusqu'à l'audition de ceux des accusés concernés par le deuxième groupe où figurent outre Mohamed Réda Meziane, Benamor Zenasni, sous l'oeil intéressé de Me Merrah, le conseil de Meziane Bachir Faouzi que Regad avait pris pour l'aîné des Meziane... Ainsi, le procès continue son trot quotidien...