Le monde de la culture et des anonymes se sont réunis samedi dernier à la Bibliothèque nationale pour revisiter les 57 ans de carrière de l'écrivain La Bibliothèque nationale d'El Hamma était en fête samedi dernier. Elle a accueilli le gotha de la littérature nationale pour un hommage pas comme les autres. Celui du doyen de la littérature algérienne d'expression française, Kaddour M'Hamsadji. Tout une symbolique! Un endroit d'exception pour un écrivain d'exception. Où mieux que la Bibliothèque nationale pour rendre hommage à celui qui se bat depuis près de 60 ans pour la promotion du livre? L'Association des «amis de la rampe Louni-Arezki» initiatrice de cette belle initiative a donc tenu à ce que «Si Kaddour» soit honoré au milieu de ses meilleurs amis, les... livres. Mais la grande salle de conférences de la Bibliothèque nationale a vite paru exiguë pour accueillir la grande foule venue assister à cette cérémonie d'hommage. Vieux, jeunes, hommes, femmes et même des enfants ont commencé à affluer une heure avant le début de l'événement. Les retardataires ont dû rester debout mais cela n'a en rien atténué leur enthousiasme. Le monde de la culture, ses proches, mais aussi des anonymes se sont réunis pour revisiter ses 57 ans de carrière. On pouvait reconnaître la légende du journalisme national, l'ex-directeur du quotidien El Moudjahid Noureddine Naït Mazi, l'ex-ministre de la Jeunesse et des Sports, Kamel Bouchama, l'ex-ministre de la Communication Lamine Bechichi, le romancier Ouassini Laâredj, l'écrivain Amine Zaoui. Il y avait même le fils de Mouloud Feraoun, Ali Feraoun. Mais c'est la présence d'une dizaine d'habitants de sa ville natale, Sour El Ghozlane, dont le premier maire de cette commune après l'indépendance et le maire actuel, qui aura sans contexte marqué les esprits. Ils ont fait les centaines de kilomètres qui séparent leur commune de la capitale pour disent-ils rendre hommage à celui qui a tant fait pour promouvoir l'image de cette petite ville de l'intérieur du pays. Sour El Ghozlane était bien là! Ils lui ont remis un «burnous» local de couleur blanche, sous les «youyous» des femmes présentes. L'ultime reconnaissance, avant qu'un poète local ne vienne réciter des vers à son honneur. Kaddour M'Hamsadji ne pouvait retenir ses larmes de joie. L'émotion battait son plein! Tout comme au moment où la femme de lettres Djoher Amhis-Ouksel ne prenne la parole pour, dit-elle, expliquer l'écriture «M'hamsadjienne». «Mon ami Kaddour n'est plus à présenter. C'est un écrivain talentueux, d'une culture immense et un éducateur engagé au sens le plus noble du terme. Il est animé d'une passion et d'une probité intellectuelles qui font qu'il fasse partie de cette race d'hommes, des vrais...», témoigne-t-elle avant de faire le parallèle avec le célèbre poète d'expression kabyle Si M'hand Oumhand. «Une écriture d'orfèvre, des mots ciselés. Il est en accord avec lui-même, en phase avec la nature...», ajoute-t-elle non sans lui réserver une belle surprise qui le plongera de nouveau dans des larmes de joie qui en disent long sur l'émotion qui venait de le submerger. Madame Amhis tire un poème de M. M'Hamsadji datant de 1965, qui a pour titre: Oui l'Algérie, qu'elle lit devant l'exaltation de l'audience. Mais Kaddour M'Hamsadji n'était pas au bout de ses...bonnes surprises. Sa femme qui partage sa vie depuis, demande à prendre la parole. Elle sort de sa poche une feuille qui contenait un poème de son petit-fils, Anys Mezaour, lui aussi écrivain mais qui n'a pu assister à l'hommage rendu à son grand-père à cause de ses examens qu'il doit passer à l'université de Lyon où il étudie. Dans le «complot» orchestré avec sa grand-mère, le petit Anys rend un vibrant hommage à celui qu'il appelle affectueusement «Baba». Il le compare même à Victor Hugo! «Dans le domaine de la littérature tu serais Victor Hugo qui a métamorphosé la littérature française comme tu l'as fait avec la littérature algérienne», lance-t-il avec fierté à celui qui lui a transmis l'amour des livres. Le jour où il a été traduit en chinois L'ambiance était donc plantée pour laisser la parole à l'assistance qui voulait témoigner sa reconnaissance à cet écrivain fidèle à lui-même, sage et érudit. Mme M'Hamsadji ayant à peine terminé son intervention qu'on se bousculait pour prendre le micro. Toutefois, le président de l'Association des «amis de la rampe Louni-Arezki», Lounis Aït Aoudia, a qui on doit cet hommage, a voulu prendre la parole pour rappeler que «Si Kaddour» avait commencé l'écriture à l'âge de 16 ans. «Et c'est le premier auteur algérien à avoir été traduit en langue chinoise. Son roman, 'le Silence des cendres'' paru en 1963 a été traduit en 1965 en chinois. C'était la révolution culturelle dans ce pays et ils l'ont invité avec sa femme à passer un mois en Chine pour faire la promotion de ce roman», souligne M.Aït Aoudia pour montrer la grandeur de l'auteur. Il précise même que ce roman a été adapté en film par Youcef Sahraoui. «Avec l'aide de l'archiviste de la Télévision nationale que je salue, on a retrouvé ce film qui sera diffusé prochainement sur Canal Algérie dans une émission spéciale Kaddour M'Hamsadji», rétorque-t-il non sans indiquer que les oeuvres de l'artiste avaient la spécificité d'être inspirées du terroir et de l'Algérianité. Cependant, les présents qui ont pris la parole les uns après les autres n'ont pas omis de mettre en évidence que Kaddour M'Hamsadji n'était pas qu'un homme de lettres. «Il a même été joueur de football avec l'équipe du Widad de Boufarik», fait savoir Djamel Soufi, le SG de l'Association des «amis de la rampe Louni-Arezki», qui s'était chargé de lire une biographie de l'écrivain. Ahmed Tessa, pédagogue et conseiller au ministère de l'Education nationale a quant à lui rappelé que «Si Kaddour» faisait partie de la grande famille de l'Education nationale. «Il a été un précurseur, un avant-gardiste même en introduisant l'audiovisuel à l'école. Malheureusement, il n'a pas été suivi. Il fait partie de la famille de l'Education nationale et il aura bientôt la place qu'il mérite en faisant son entrée dans les manuels scolaires», indique-t-il. Un de ses anciens élèves était là pour corroborer la vison futuriste que M'Hamsadji l'enseignant avait de l'école. Il témoigne à cet effet qu'il a fait partie d'un film produit par son maître d'école. «Il avait pour titre La troisième s'amuse. Il l'a fait uniquement avec des élèves. Le scénario est extraordinaire. On l'a récemment numérisé pour pouvoir le diffuser», atteste-t-il. Les confidences de Yasmina Khadra L'assistance a aussi mis en valeur le fait que cet écrivain algérien de langue française et arabe, était un auteur complet du fait de la diversité de sa «palette». Il a en effet écrit des romans, des essais, des nouvelles, des pièces de théâtre, des contes et des poésies tout en étant chroniqueur littéraire dans les journaux, mais aussi à la radio. A ce sujet, il se plie au jeu des confidences en confiant que son émission Jeunes Plumes qu'il animait à la radio avait permis de faire éclore des perles de la Littérature nationale, parmi elles le très célèbre Yasmina Khadra. «J'étais il y a quelques années au Salon du livre de Paris. Il y avait un auteur que toute la presse suivait. Celui-ci en me voyant vient vers moi et me lance M.M'Hamsadji c'est grâce à vous et votre émission que je suis devenu écrivain. Il envoyait des essais qu'on laissait à la radio dans le cadre de cette émission», rapporte-t-il. Une preuve parmi tant d'autres de tout ce qu'a apporté à la culture algérienne cet homme plein de modestie, doté d ́un immense savoir qu ́il cache derrière un regard toujours souriant. Une ambiance festive et vive en émotions a donc marqué la cérémonie d'hommage au doyen de la littérature algérienne d'expression française. Pendant plus de quatre heures, les présents ont raconté la riche carrière d'un écrivain complet qui a traversé le siècle avec un amour passionnel aux livres que ni la maladie ni le colonialisme n'ont pu égarer... A 82 ans, il continue d'en faire la promotion! D'ailleurs, il va bientôt publier un nouveau roman chez Casbah éditions. Ce roman a été préfacé par Ahmed Fattani, directeur fondateur de L'Expression et fondateur du journal Liberté. La retraite, ce n'est donc pas pour maintenant! Kaddour M'Hamsadji a bien fait savoir qu'il continuera son dur et glorieux labeur entamé, il y a de cela 57 ans. Il ne peut vivre loin de son milieu naturel...la littérature. Chapeau bas, MONSIEUR M'Hamsadji! Ils ont dit Ahmed Fattani, directeur de l'Expression «Une personne exceptionnelle» Depuis 2000, Kaddour M'Hamsadji tient une chronique littéraire hebdomadaire sur le quotidien L'Expression. Ahmed Fattani, le directeur fondateur du journal a tenu à prendre la parole pour lui rendre un vibrant hommage. «La chronique le Temps de lire de Si Kaddour est un rendez-vous très attendu dans le monde littéraire. Des personnalités nationales veulent avoir leur place sous cette rubrique devenue une référence nationale. Sur le point de vue humain, c'est une personne exceptionnelle que je suis fier d'avoir connue. Le lapsus fait par le monsieur qui a lu ta biographie, sur ta date de naissance en disant que tu es né en 1963, n'est pour moi pas faux. Cet hommage t'a rajeuni de 20 ans, et je suis sûr que tu continueras encore longtemps à apporter ta contribution pour l'essor de la culture algérienne.» Kamel Bouchama, auteur, ancien ambassadeur et ex-ministre «Les hommes sont oublieux, mais l'histoire a bonne mémoire...» «Je suis venu te dire merci pour tes bons conseils, ton intention à mon égard et ta collaboration précieuse dans mes livres. Il faut savoir qu'à chaque fois que j'écris un livre je demande conseil à mon ami Kaddour. Il m'aide dans mon inspiration. Je reprends même certaines de ses phrases et expressions. Il y en a une très significative que tu me dis souvent et que je reprends à chaque fois dans mes livres: Les hommes sont oublieux, mais l'histoire a bonne mémoire...» Amine Zaoui, écrivain «Il est hanté par les livres et la lecture» «Kaddour M'Hamsadji est un écrivain complet, historien, anthropologue, ethnologue et journaliste. Il a écrit dans tous les domaines mais il a surtout été l'un des acteurs actifs de la culture algérienne. Quand je lis ses oeuvres, je sens qu'il est hanté par les livres et la lecture. Il y a quelques années, j'avais découvert qu'il est le premier écrivain algérien à avoir été traduit en langue chinoise, avant les DIB, Feraoun,... Quand j'étais directeur de la Bibliothèque nationale, j'ai été à la bibliothèque de Pékin. J'avais demandé quels auteurs algériens étaient connus en Chine, il m'ont simplement répondu Kaddour M'Hamsadji... Cela démontre la notoriété qu'il a. Merci de ton existence cher ami.» Lounis Aït Aoudia, président de l'Association «les Amis de la Rampe Louni Arezki» «Cet hommage est une communion collective» «Kaddour M'Hamsadji, l'homme de culture, enseignant, journaliste-chroniqueur est un acteur et témoin privilégié de l'âge d'or de l'érudition livresque et artistique de l'Algérie dans sa pluralité culturelle. Cet hommage que nous lui rendons est une communion collective pour le renouement et la promotion de la pratique de la lecture et à la pensée des illustres pionniers de la littérature algérienne qui ont génialement propulsé celle-ci dans une trajectoire de grandeur d'universalité, dont Si Kaddour occupe les premiers rôles.» Lettre ouverte à mon ami Kaddour Zouhir MEBARKI La notoriété de Kaddour M'Hamsadji est telle qu'il est difficile de trouver un aspect non encore exploré sur son riche et long parcours littéraire. Difficile tâche, en effet, de lui rendre hommage en évitant de répéter ce qui a été dit et redit sur lui et ses oeuvres depuis plus d'un demi-siècle. Ceci d'autant qu'un journaliste a toujours pour obligation d'éviter d'être un badaud parmi les badauds et de livrer un regard différent de tous les témoins d'un même événement. Tous les écrits sur lui évoquent l'exode de ses aïeux de la Casbah d'Alger où ils vivaient depuis toujours, à l'arrivée des troupes coloniales en 1830. Ce qui explique sa naissance, plus tard, à Sour El Ghouzlane, un village d'Algérie, loin de la capitale. La poursuite de ses études l'oblige à retrouver Alger après un court passage par Boufarik. C'est à partir de là que commence sa vie professionnelle. C'est à partir de là aussi, qu'il découvre sa passion pour le livre. Cette passion qui allait finir par tracer son destin. Cette passion qu'il partagera avec Mouloud Mammeri, Mourad Bourboune, Mohamed Laïd El Khalifa, Kateb Yacine, Moufdi Zakaria et bien d'autres grands noms de la littérature algérienne. Cette passion qui poussera tout ce panel dont il faisait partie, à créer la première Union des Ecrivains Algériens, une année après l'indépendance. Tout cela a été dit et redit. Sa bibliographie aussi dense que riche est composée de plusieurs ouvrages. Pièces de théâtre, roman, essais, scénariste, Kaddour M'Hamsadji a excellé dans tous les genres littéraires. Il est même passé de «l'autre côté de la barrière» en rejoignant notre quotidien L'Expression pour y exercer ses talents de critique littéraire que les lecteurs retrouvent avec plaisir chaque mercredi. Jusque-là nous n'avons rien apporté de nouveau. Alors et pour la démarcation, il reste deux moyens. Le premier de ces moyens et de témoigner à la première personne. D'utiliser le «je» à titre exceptionnel. Comme pour une lettre à un ami. Le second moyen est risqué puisqu'il s'agira de dresser le portrait humain de Kaddour M'Hamsadji. Tout le monde connaît l'écrivain, l'homme à mon sens l'est moins. C'est à cet homme que je m'adresse aujourd'hui: «Kaddour, tu es mon aîné mais nous avons la chance d'exercer une profession qui fait du tutoiement entre nous une preuve d'amitié et même de fraternité. Je vais «penser tout haut» ce que je n'ai jamais eu l'occasion de te dire de vive voix. J'admire en toi ton humilité, ta modestie et ta proximité avec les gens humbles malgré ton statut légitime qui te place au-dessus de la mêlée. C'est une qualité rare par les temps qui courent. Tu es sagesse, courtoisie et générosité. Tu es raffinement et élégance. Une noblesse certaine se dégage dans ta relation avec autrui. Tu es incapable de froisser le plus insupportable de tes interlocuteurs. Ta grande capacité d'écoute, ton extrême indulgence, ta voix toujours égale, douce et que tu n'élèves jamais témoignent certes de ton éducation, mais pas seulement. Il est prouvé que «la modestie est le stade suprême de l'intelligence». C'est de cette intelligence que je suis admiratif. Et qui fait de toi l'un de mes repères. Un encouragement aussi dans un monde envahi de plus en plus par de fausses valeurs. Je n'ai jamais osé te dire ces mots. L'écrire m'apparaît plus facile. Merci d'être, pour moi, cette «lumière», cette «boussole»! Tous mes voeux de bonne santé, de prospérité et toujours plus de production littéraire! Merci encore! Ton ami, ton frère, le petit journaliste: Zouhir MEBARKI