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"Yennayer a traversé près de 3000 ans d'histoire"
RACHID OULEBSIR, SPECIALISTE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATERIEL AMAZIGH, À L'EXPRESSION
Publié dans L'Expression le 11 - 01 - 2016

img src="http://www.lexpressiondz.com/img/article_medium/photos/P160111-06.jpg" alt=""Yennayer a traversé près de 3000 ans d'histoire"" /
L'Expression: Quelle symbolique représente pour vous cet événement?
Rachid Oulebsir: Yennayer est le jour de l'An amazigh. Nous sommes en 2966 du calendrier solaire amazigh. Une pratique rituelle ayant survécu à toutes les colonisations et leurs aliénations culturelles apparentes et sous-jacentes. La grande question concerne cette endurance, cette survivance! Quel est le secret de Yennayer pour avoir traversé près de 3000 ans d'histoire sans prendre une ride, revêtant, bien au contraire, à chaque époque les formes de la modernité du moment! Il est célébré comme le seuil de la nouvelle année dans toute l'Afrique du Nord, de Siwa en Egypte jusqu'aux îles Canaries dans l'Atlantique et dans la profondeur du Sahara, et les pays anciennement amazighs. Avec la mondialisation, nous observons avec bonheur que Yennayer est porté comme un symbole identitaire par les Amazighs d'Europe, d'Amérique et du monde entier, Amazighs de toutes les nationalités. De ce fait, il renoue avec les valeurs universelles, soubassement culturel et moteur du mode de vie de nos ancêtres imazighenes. Yennayer dans la symbolique amazighe est qualifié de gué entre deux espaces-temps. On dit en tamazight «Yennayer D Assaka» ou encore «Yennayer D Agentur»: c'est un pont, un sentier où s'imposent la prudence, la résistance et l'intelligence.
Quelles valeurs véhicule Yennayer comme vecteur fondamental de transmission du patrimoine culturel immatériel de nos ancêtres
Dans la culture de «nos ancêtres, Yennayer a plus pour mission de clore l'année qui s'en va que d'ouvrir l'année qui arrive! De nos jours, Yennayer se fête en une journée ou une soirée. Mais autrefois, la fête durait trois jours, voire plus dans l'ancien temps. L' expression arabo-amazighe «Tameghra n sevaa yam ou sevva lyali» (La fête de 7 jours et 7 nuits) vient d'une vieille souvenance de Yennayer. La mémoire collective peut établir sa traçabilité. Le déroulement de la fête varie d'une région à l'autre, mais les valeurs que les Amazighs cultivent à cette occasion et les repères qu'ils ravivent sont identiques à toute l'Afrique du Nord. Ils nous interpellent par leur actualité et leur modernité. Yennayer impose la propreté comme valeur centrale: on dit que yennayer n'entre jamais dans les maisons qui ne sont pas nettoyées et repeintes. Yennayer impose l'état des lieux et l'inventaire de l'année courante avant d'entrer dans la nouvelle année: le chef de famille réunit les adultes femmes et hommes, la veille du Nouvel An, pour partager les principales informations économiques, sociales et culturelles de l'année(dettes, mariages, achats et ventes de terres et d'animaux, alliances familiales...). On rappelle à l'occasion, le principe de la parole donnée, de la fidélité au serment et du respect de ses engagements. Yennayer impose l'hospitalité et la solidarité. Lors du dîner du réveillon, les villageois gardent leurs portes ouvertes! Tout passant est l'invité de la famille. On garde la part de l'absent! On ne sait jamais, un voyageur, un soldat en permission, un prisonnier libéré... viendrait partager la fête à l'improviste. Yennayer organise la transmission des connaissances sur la flore et la faune: deux jours avant la fin de l'année, on organise des randonnées dans la forêt ou le maquis, pour décliner aux enfants les noms des plantes, des oiseaux, des animaux sauvages... On apprend aussi aux adolescents à se servir du fusil.
Yennayer organise la sortie des enfants à la découverte du souk et de son activité d'échanges et de contacts humains, en tant que principal espace public d'autrefois. Après le repas du réveillon: les vieux content autour du feu aux plus jeunes, l'histoire de Chachnaq, celle du calendrier amazigh, et sans doute le mythe fondateur le plus important, la mort de «Yemma-s N Ddunit «: la première mère du monde, la première génitrice des Amazighs, dont la société est de constitution matriarcale.
On constate que Yennayer subit de profondes mutations dans la forme! Qu'en est-il dans le fond? Doit-on craindre pour les missions de Yennayer?
Après avoir été très longtemps une fête intra-muros, Yennayer est fêté sur l'espace public avec ferveur depuis au moins trois décennies avec ostentation et parfois déviations de ses valeurs cardinales et de sa symbolique première. A cette mutation spatiale qui n'est pas sans conséquences sur la compréhension des principaux rites de cette dimension matrice de l'amazighité et de sa transmission, Yennayer connaît une mutation temporelle, passant dans sa durée de trois jours à une seule journée. Le respect de la date n'est plus un souci pour de nombreux activistes qui confondent culture et politique ainsi que la folklorisation qui en résulte. La troisième mutation sans doute la plus dangereuse, est que la fête de Yennayer opère un glissement de l'ancien monde de la création et de la maîtrise culturelle, vers le monde de la consommation et de la culture subies. La perte de l'initiative culturelle du groupe est palpable au profit de professionnels spécialisés dans la consommation sans transmission des valeurs et du savoir-faire.
La veille de l'an 2966, tamazight est constitutionalisé comme langue officielle! Quelle lecture en faites-vous?
Cette officialisation appelle deux remarques l'une dans la forme, l'autre dans le fond. Pour la forme, la culture de l'équivoque l'emporte sur la précision. Les termes utilisés ne sont pas faits pour dépassionner le débat et donner à tamazight la place revendiquée depuis le Mouvement national. C'est le moins qu'on puisse dire. Dans le fond, tamazight, n'est pas seulement une langue, c'est une culture, un mode de vie, une immatérialité vivace, une matrice identitaire. Réduire la revendication amazighe à un problème d'aménagement linguistique assumé par une académie est sans doute l'entame d'un processus de momification que l'élite fraîchement constituée sera chargée de mener à terme! L'officialisation des langues et des parlers berbères ne peut être dissociée d'un vaste projet de sauvegarde de la diversité culturelle de ces populations, donc des façons de gagner leur pain quotidien, de se reproduire sur des terroirs très fragiles, conformément aux diverses recommandations et conventions de l'Unesco ratifiées par l'Algérie. Une officialisation jacobine, c'est-à-dire qui réunit en une seule langue un ensemble de parlers différenciés vivaces liés à des pratiques sociales, des traditions,des savoir-faire ancestraux, des rituels existentiels, est un chantier, une forge de standardisation qui va faire fondre ces parlers vernaculaires, sans pouvoir les remplacer par une langue acceptée par tous. C'est un projet inconscient d'extinction linguistique programmé à terme.
L'institution par le projet de révision constitutionnelle d'une académie qui réunira les experts et les chercheurs capables de mener la création d'une langue à terme a-t-elle une faisabilité mesurable?
L'officialisation à terme de tamazight dans le projet de Constitution opère deux mutations essentielles dans la nature de la revendication:
1- Elle déplace la revendication du terrain de la créativité des luttes populaires, de la rue, vers le terrain institutionnel où le pouvoir est maître sans aucun contre-pouvoir
2) Tamazight portée par la population au quotidien dans sa diversité de ressenti et de niveau intellectuel et ses besoins de continuité communautaire, devient par cette officialisation in vitro une affaire d'experts. De ce fait, les porteurs de cette culture ancestrale principalement immatérielle se retrouvent dessaisis de l'initiative historique qui est attribuée à une élite coupée du terrain des luttes quotidiennes et directement sous l'influence du pouvoir exécutif.
Tamazight avec toutes ses dimensions immatérielles ne peut vivre à partir d'un laboratoire ou d'une cellule externe à la vie quotidienne qui recrée tous les jours sa vivacité et renforce le sentiment du citoyen d'appartenir à une communauté avec son identité et sa culture qui se renouvelle tous les jours au contact des autres cultures à partir d'un solide socle ancien. Ce sont cette vivacité et ce sentiment d'appartenance communautaire que cette Constitution est chargée d' éteindre en ramassant la revendication de l'officialisation dans la création d'une cellule d'experts apolitiques dépendant de la présidence de la République.
Vous vous rendez dans les villages et villes de Kabylie principalement, donnant des conférences, animant des débats sur la culture et le patrimoine. Quelles sont les questions qui reviennent souvent chez le public?
Les participants posent souvent les questions dont ils connaissent les réponses, leurs interventions attendent des assurances, les paroles du connaisseur,de l'expert, une sorte de certificat,une authentification de certaines vérités qui relèvent du sens commun.
Il y a les questions imposées par l'actualité, comme cette officialisation de la langue amazighe, il y a les questions de nature scientifique par lesquelles le public attend une sorte de certificat de l'expert qui prend la parole en public
A propos de Yennayer, la population relève avec inquiétude le refus de l'Etat d'instituer Yennayer journée chômée et payée comme les autres fêtes notamment Awel Moharem et le 1er Janvier. Maintenant que l'Etat s'est prononcé sur l'officialité de tamazight, il n'y a plus aucun obstacle de principe. Il est temps qu'une fête célèbre officiellement notre appartenance identitaire amazighe.
Vous êtes auteur-éditeur. Votre dernier ouvrage se vend-il bien?
J'ai produit à présent depuis 2008, 10 ouvrages, les quatre derniers ont été réalisés dans ma propre maison d'édition «Afriwen». Le tout dernier est un roman en langue française Chant de pain et de sel qui relate l'histoire d'un paysan déraciné qui finit en prison... Pour la vente, c'est une autre histoire. Les libraires ne jouent pas le jeu,ils veulent la moitié du prix de vente, sinon ils vous refusent le dépôt et l'exposition de vos ouvrages. La distribution est un autre obstacle majeur.


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