Ce qui paraissait n'être au départ qu'un tir de sniper embusqué dans le taillis de la politique, s'est transformé rapidement en une multitude de salves sans merci. Au départ, il y eut la sortie presque banale de l'ancien ministre de la Défense nationale, et néanmoins général à la retraite Khaled Nezzar qui, du haut de la tribune du site Algérie patriotique qui appartient à son fils, a cru nécessaire, quelques jours à peine après l'enterrement de Hocine Ait Ahmed, d'éclairer l'opinion publique sur un épisode de 1992. L'homme soutenait mordicus qu'il «n'a à aucun moment proposé à feu Aït Ahmed le poste de président de la République, contrairement à ce que les uns et les autres ont déclaré». Les uns et les autres se résument au témoignage tardif de Ali Haroun, membre du HCE, qui a apporté un démenti à ses propres affirmations censées avoir été effacées d'une vidéo dans laquelle, il est vrai, Ait Ahmed affirmait avoir été approché dans ce but. Résultat des courses: le doute est semé même s'il ne porte pas le moindre intérêt aux enjeux politiques actuels, si ce n'est de soulever le couvercle d'une marmite dont l'explosion risque de causer quelques dégâts collatéraux. En effet, Nezzar est monté peu après au créneau pour contester ces dires, et accuser les référents à cette fameuse vidéo d'avoir procédé à un montage ou de se livrer à un mensonge. Puis, dans la journée du 8 janvier, l'ex-ministre de la Défense nationale affirme dans le quotidien arabophone Ennahar que «l'armée n'a pas poussé le président défunt Chadli Bendjedid (décédé en 2012) à démissionner en 1992, mais qu'elle n'a rien fait pour l'empêcher de quitter le Palais d'El-Mouradia». Cette version est corroborée les jours suivants par les propos de Khelifa Bendjedid, frère de l'ex-président, qui raconte que Chadli Bendjedid avait «démissionné par conviction et n'avait pas été poussé à la démission par les militaires». Déclaration reprise le lendemain par Halima Bendjedid, épouse de l'ex-président, qui affirme à son tour que son mari avait quitté le pouvoir de «son propre gré». Le dimanche 9 janvier, c'est au tour de l'ancien patron de la Sécurité militaire vers la fin des années 1980, Mohamed Betchine, de briser le silence pour contester les sorties de Nezzar, notamment en ce qui concerne Hocine Ait Ahmed. Dans un entretien qu'il a accordé au quotidien arabophone Echourouk, le général à la retraite Betchine insiste sur le fait que «Nezzar a proposé à Ait Ahmed de devenir président». Mais il ne s'en tient pas là car l'ancien responsable des services de renseignement n'hésite pas à tirer à boulets rouges sur l'ancien ministre de la Défense nationale, Khaled Nezzar. «Le général à la retraite Khaled Nezzar était chef d'état-major tandis que j'étais le premier responsable des services de renseignement et je n'avais aucune relation avec lui pour qu'il me donne des ordres», rappelle Betchine qui souligne qu'en tant que chef des services de renseignement, il ne devait rendre compte qu'au seul président Bendjedid. Enfin, le mardi 12 janvier, Mohamed Betchine revient à la charge dans Ennnahar pour déclarer que lui et l'ex-président Liamine Zeroual ont été «poussés à quitter le pouvoir», et que «des pressions ont été exercées» sur Zeroual pour le contraindre à quitter le pouvoir. Il va même plus loin puisqu'il énonce que les discussions qu'il menait à cette époque avec les responsables du FIS dissous, notamment Abassi Madani et Ali Belhadj, «ont été torpillées». La riposte ne tardera pas car le même jour Khaled Nezzar intervient dans Echourouk et pointe du doigt Betchine, responsable selon lui des «tortures contre les jeunes manifestants» des événements d'Octobre 1988. Il va même plus loin et dans le même entretien il étend son accusation à Mouloud Hamrouche, chef du gouvernement sous Chadli Bendjedid, qui aurait «ordonné de tirer sur les manifestants».