La scène politico-médiatique connaît ces derniers jours un bouillonnement sans précédent. Sur fond de polémiques, de révélations et de contre-révélations, les acteurs ayant occupé de hautes fonctions dans les années 1990, sortent tour à tour de leur silence pour s'échanger des accusations parfois d'une rare violence verbale. Hier, mardi, c'est l'ancien chef des services de renseignement qui a rompu pour la deuxième fois le silence pour tirer au clair, selon ses propos, certaines interrogations. Mohamed Betchine est revenu à la charge dans les colonnes d'Ennahar pour affirmer que lui et l'ex-président Liamine Zeroual ont été «poussés à quitter le pouvoir». «Des pressions ont été exercées sur Zeroual. Ils l'ont poussé à la sortie. Zeroual était pourtant un homme respectable et patriotique apprécié par l'ensemble des Algériens. Nous avions une énorme mission : celle de sauver l'Algérie qui allait droit dans le mur», a-t-il affirmé. Betchine ne s'arrête pas là. Il est également revenu sur la gestion sécuritaire de l'époque. Il révèle à ce propos que les négociations qu'il avait entreprises et menées dans les années 1990, en compagnie de l'ancien président Zeroual, avec Abassi Madani et Ali Belhadj ont été «torpillées». Par qui ? Betchine n'en dira pas plus. Il promet de revenir sur le sujet dans le détail très prochainement. Semble-t-il, l'ancien chef du renseignement tient à éclairer l'opinion publique sur un certain nombre de vérités que quelques «milieux» ont tout fait pour voiler et passer sous silence. «Je ne dirai pas plus que ça pour le moment. Dans mes bagages, je tiens beaucoup de vérités. Je les dévoilerai le moment venu pour l'histoire. Les Algériens sauront ce qui s'est passé au cours de cette période», a-t-il fait savoir encore sur Ennahar. Lors d'une précédente sortie médiatique, soit le dimanche 9 janvier, Betchine avait rompu pour la première fois le silence pour apporter la contradiction au général Khaled Nezzar. Dans un entretien accordé cette fois au journal Echourouk, Mohamed Betchine affirme en effet que «Nezzar a bel et bien proposé à Aït Ahmed de devenir président». Il a ajouté : «Le général à la retraite Khaled Nezzar était chef d'état-major tandis que j'étais le premier responsable des services de renseignement et je n'avais aucune relation avec lui pour qu'il me donne des ordres», a précisé Betchine qui a indiqué dans la foulée qu'en tant que premier responsable des services de renseignement, il n'avait de comptes à rendre qu'au président Bendjedid. Il faut savoir qu'outre la confirmation de Betchine au sujet de feu Aït Ahmed, décédé le 23 décembre 2015, une vidéo, qui circule sur le net, extraite du documentaire «Autopsie d'une tragédie (1988-2000)», réalisé par le journaliste Malik Aït Aoudia, atteste on ne peut plus clairement que Nezzar a effectivement proposé le poste de président de la République à Hocine Aït Ahmed. Dans le détail, ce dernier a affirmé que Khaled Nezzar l'a rencontré «pour voir si j'acceptais en cas d'interruption des élections, le cas échéant, d'être dans leur magouille». Dans la même vidéo, Ali Haroun, ancien membre du Haut comité d'Etat, confirme à la fois la rencontre entre Nezzar et Aït Ahmed, mais aussi le refus d'Aït Ahmed quant à la proposition qui lui a été faite. Feuilleton à rebondissements... La polémique ne s'arrête pas là. Hier, l'ancien ministre de la Défense, le général Nezzar – il multiplie les sorties médiatiques – a enfoncé tour à tour Betchine et l'ancien chef du gouvernement, Mouloud Hamrouche. Au premier, il l'accuse carrément d'avoir pratiqué la torture. Sur les colonnes d'Echourouk hier, Khaled Nezzar est revenu sur la gestion des événements de 1988. «L'enquête menée par mes services, à l'époque, a fait ressortir la responsabilité de trois parties dans les tortures pratiquées contre les manifestants. Il s'agit du général Betchine, d'une deuxième personne affiliée au DRS connue sous le pseudo de Tigre, ainsi que le gendre du président Chadli», a-t-il affirmé, en poursuivant dans le détail que «la torture s'est déroulée dans une caserne abandonnée à l'époque par l'armée». Selon les déclarations de l'ancien général-major, «un rapport a été remis au président Chadli». Nezzar a affirmé également qu'il était contre la délivrance d'agréments aux partis islamistes à cette époque. «J'ai dit ça à Hamrouche qui s'apprêtait à rencontrer Chadli pour lui remettre l'avant-projet de révision constitutionnelle. Je lui ai dit aussi d'informer le président Chadli de ne pas se porter candidat aux prochaines élections présidentielles», a dit encore Nezzar. Le feuilleton promet d'être long. De hauts responsables y sont impliqués.