Peu prolixe en discours et en confidences médiatiques, le général à la retraite Mohamed Betchine est sorti de sa réserve en se mêlant directement à la polémique qui enfle autour de « la proposition du fauteuil présidentiel à Aït Ahmed, du refus de cette offre opposé par le défunt et du démenti de l'ex-ministre de la Défense Khaled Nezzar qui affirme n'avoir jamais fait une telle proposition ». Plusieurs raisons peuvent pousser l'ancien patron des services de renseignements militaires à sortir de sa tranquille retraite et lancer un premier pavé dans la mare en affirmant d'une manière fracassante que le poste de président a bel été proposé au défunt Hocine Aït Ahmed. Sa réaction est somme toute logique depuis qu'il a été cité directement et nommément par l'ex-ministre de la Défense lors d'une récente sortie médiatique, dont l'essentiel porte sur cette période trouble du début des années 90, où le nom du général Betchine a été évoqué pour son rôle de médiateur avec les responsables du FIS. Et aussi en raison des liens étroits qu'il avait noués avec le défunt Hocine Aït Ahmed, des relations qui ont très rapidement dépassé le stade du respect et de la sympathie entre les deux hommes pour atteindre une complicité, voire une intimité, sur le plan politique. Son témoignage s'avère, sur ce plan, très motivé. Ainsi, apportant une contre-vérité assourdissante au témoignage de l'ex-ministre de la Défense, le général à la retraite Mohamed Betchine a confirmé dans un entretien au quotidien Ennahar' que « Nezzar a proposé à Aït Ahmed de devenir président ». Puis, pour clore le sujet, il tranchera dans ce contexte avec une phrase sans appel, « je n'ajoute rien de plus ! », dira-t-il. L'ancien patron des services de renseignements militaires défend là l'homme chez lequel il a découvert les vertus de la démocratie. « Une démocratie » qu'il jugeait, plus tard, après avoir quitté son poste, « indispensable pour faire sortir le pays de la crise ». En tout cas, l'alibi est là pour bifurquer sur un pan de l'histoire de l'Algérie contemporaine, restée encore voilée, ou seulement avec quelques voix qui s'élevaient ici et là pour distiller des vérités pas toujours bonnes à prendre. Témoin très bien informé sur les tenants et aboutissants de cette époque, le général à la retraite Mohamed Betchine est revenu dans ses réponses sur ses rencontres avec les dirigeants du FIS dissous, tout en remettant à sa place l'ancien ministre de la Défense nationale. « J'ai reçu le président du FIS Abassi Madani et son adjoint Ali Belhadj dans mon bureau et de façon officielle ( ) et en tant que premier responsable des services de renseignements du pays », précise le général à la retraite Mohamed Betchine, soulignant dans ce sillage « avoir pris cette initiative en sa qualité de premier responsable des servies de renseignements qui n'avaient de comptes à rendre qu'au président Chadli Bendjedid ». Il assure dans ce sens qu'il avait mené des négociations avec les dirigeants de l'ex-FIS au cours des années 1990, après son retour aux affaires en compagnie de Liamine Zeroual. Non sans accuser ouvertement « des parties » de les avoir torpillées. « Je ne dirai pas de qui il s'agit. Mais ce qui est sûr est que le pays a connu durant cette période une chose grave et une dérive ». « J'avais tout signalé dans le rapport que j'avais remis au président Chadli Bendjedid » avant l'éclatement de la crise, a-t-il relevé. Un rapport dont il conservait une copie qu'« il compte rendre publique prochainement pour faire éclater les vérités », a-t-il promis. Avant d'apporter une autre précision qui lui tenait certainement à cœur, soulignant que « le général à la retraite Khaled Nezzar était chef d'état-major tandis que j'étais le premier responsable des services de renseignements et je n'avais aucune relation avec lui pour qu'il me donne des ordres ». Le débat ou la polémique ne fait que commencer. Car, l'ex-ministre de la Défense, encore « piqué » dans son témoignage par d'autres développements du débat, notamment le témoignage d'Ali Haroun, diffusé en 2010 par la chaîne France 5, qui conforte les affirmations d'Aït Ahmed. « Nezzar est allé voir Aït Ahmed qui était présent pour lui dire : venez avec nous, vous serez le président. Vous êtes le dernier historique présent, vous serez président », affirme l'ex-membre du Haut comité d'Etat (HCE) dans cette intervention. Pour rappel, Khaled Nezzar était membre du HCE, mis en place après la démission du président Chadli en janvier 1992. Ali Haroun, qui était une des personnes influentes du régime algérien après la démission de Chadli Bendjedid, avait dans ses explications avancé qu'à l'époque, « les militaires cherchaient un homme historique pour remplacer le président démissionnaire à la tête de l'Etat ». De son côté, l'ancien ministre de la Défense nationale, durant les premières années de la décennie noire, souligne avoir contacté le général Touati, et que ce dernier devrait s'exprimer prochainement sur le sujet en tant qu'envoyé « spécial » chargé de cette mission auprès d'Aït Ahmed en Suisse. « Peut-être qu'il va éclaircir les choses dans une dizaine de jours », a assuré le général à la retraite. Pour sa part, le frère du défunt président Chadli, qui est revenu sur cette période en apportant son témoignage sur les derniers jours du président au palais d'El Mouradia, a clarifié d'une façon claire et nette que son frère a « démissionné par conviction et n'avait pas été poussé à la démission par les militaires ». Des vérités et des contre-vérités déballées à un rythme très fort par des gens qui ont fait l'histoire, où cela doit-il mener ?