«Kaddour M'Hamsadji est ce père qui manque à notre fratrie tumultueuse» L'écrivain de notoriété universelle Yasmina Khadra a transmis à notre Association un message perlé de mots lumineux dont lui seul a le secret de l'intensité et de l'esthétique de leur profonde sensibilité humaine. Il a voulu ainsi témoigner à Kaddour M'Hamsadji, son amitié, sa reconnaissance, sa considération et son affection lors de l'hommage conjointement consacré à ce repère de la culture et de la littérature algérienne par l'association des Amis de la rampe Louni-Arezki Casbah et l'Office national des droits d'auteurs et droits voisins (Onda) le samedi 9 janvier 2016 à la Bibliothèque nationale. Ce geste d'un élan spontanément chaleureux et empreint d'admiration pour le talent et le parcours d'un aîné est à découvrir dans toute sa beauté à travers ces lignes de Yasmina Khadra que nous publions ci-après à l'intention de l'opinion publique et des amis de l'univers livresque. Lounis AIT AOUDIA Président de l'association des Amis de la rampe LOUNI-Arezki Casbah Il est certainement le digne passeur des générations, la passerelle heureuse qui nous promène d'un génie à l'autre, d'un talent à la fierté d'être algérien. Il a fréquenté Albert Camus et a été le frère jumeau de Kateb Yacine. Il porte en lui une mémoire censée nous ragaillardir à une époque où les valeurs sont bafouées, où le talent est contesté et où le succès est vomi comme une effroyable hérésie. Je ne lui en veux pas de ne pas réussir à assagir certains d'entre nous que seule la méchanceté gratuite anime - il est des noirceurs humaines que même la lumière divine ne saurait éclairer. Je ne lui en veux pas de céder au poids des ans à l'heure où nous avons besoin de sa générosité pour réapprendre à être charitables. Je ne lui en veux pas d'être cet ami qui me manque parfois quand mes joies peinent à trouver un écho dans la cacophonie ambiante. Mais je me félicite de le savoir quelque part car il est un pain bénit pour ceux qui savent mériter le festin des rêves et des ambitions. Kaddour M'Hamsadji est ce père qui manque à notre fratrie tumultueuse. Et si l'on continue de ne pas s'entendre par endroits, c'est parce que nous ne l'écoutons pas assez. Pourtant, ce qu'il dit est salutaire, ce qu'il fait est noble. Toute sa vie, il a oeuvré pour que le Verbe ne soit jamais un sujet, pour que le talent triomphe des exclusions, pour que le livre redevienne le meilleur ami de l'Homme. Ce Berbère surgi des forges de la Numidie, vaillant comme savent l'être nos Anciens, valeureux et humble comme le triomphe des Justes; ce conteur intarissable qui ferait éclore une oasis au coeur de n'importe quel désert affectif, cet homme bon est la preuve que nous sommes capables du meilleur, et que le pire que nous incarnons n'est qu'une regrettable méprise. C'est parce qu'il est resté droit dans ses bottes que je m'interdis de fléchir. Kaddour M'Hamsadji est ce parangon de toutes les abnégations qui devrait nous inspirer pour pouvoir regarder nos morts dans les yeux sans nous détourner. Il n'est que don de soi, et si un jour, on était appelé à mettre un visage sur la charité humaine, elle aurait sans conteste le sien. Que dire d'un être de lumière comme Kaddour M'Hamsadji? Les mots paraîtraient dérisoires devant ses mots à lui. Notre gratitude? Elle ne saurait se mesurer à ce qu'il nous donne. Pour ma part, à défaut de lui rendre le centième de ce qu'il nous offre, je me contenterais de lui dire merci d'exister. C'est certainement la moindre des choses, mais rien n'est plus fort qu'une profonde sincérité. Kaddour, mon ami, mon frère, notre doyen à tous, sache que tu as su trouver dans mon coeur une place de choix, et si les premières loges ne t'ont pas souvent accueilli, rappelle-toi que les bienfaisants n'ont pas besoin de tapis rouges car ils sont ces merveilleux tapis volants qui nous font voyager à travers mille féeries afin que l'enfer d'ici-bas nous soit un peu plus doux. Tu es un sacré bonhomme Kaddour, et aucun sacre n'est assez grand pour toi puisque ta couronne est faite d'une auréole capable à elle seule d'illuminer toutes nos nuits. De toute mon âme. Yasmina Khadra [email protected]