Nouveau carnage, cette fois à l'intérieur même de l'une des bases américaines réputées inexpugnables. Quelque 22 personnes ont été tuées et 50 blessées, hier, dans l'explosion survenue dans une base militaire américaine à Mossoul (nord de l'Irak), a confirmé, hier, le département américain de la Défense cité par la chaîne CNN. Cependant, le secrétariat américain de la Défense n'était pas, hier, en mesure de déterminer si les victimes étaient en majorité américaines ou irakiennes. «Plusieurs explosions» se sont produites dans le réfectoire de cette base américaine pendant le déjeuner, a rapporté la chaîne américaine. A Bagdad, l'armée américaine a confirmé l'explosion mais sans donner d'indications sur le nombre de morts ou leur nationalité. Toutefois, peu d'informations étaient disponibles hier, au moment où nous écrivons ces lignes et à quel moment a eu lieu l'attentat. Cependant, cette attaque au coeur même d'une base des forces d'occupation américaines contredit l'optimisme surfait affiché ces derniers jours par les responsables intérimaires irakiens et leurs mentors américains et britanniques. C'est pourtant sur ce fond de violences récurrentes que le gouvernement intérimaire irakien et les Etats-Unis tiennent, contre toute pertinence, à ce que le scrutin se tienne à la date fixée du 30 janvier 2005. Juste pour dire qu'ils ont les choses en main et qu'ils contrôlent la situation. Ce qui, de toute évidence n'est pas le cas. Ainsi, ouverte jeudi dernier, la campagne électorale irakienne n'arrive pas à focaliser autour d'elle l'intérêt public. Et pour cause! La poursuite des violences à travers le pays, les sanglants attentats à Najaf et Kerbala, samedi dernier, occasionnant la mort de 66 personnes et des blessures pour près de 200 autres, donne une dimension quelque peu surréaliste à un scrutin qui baigne dans le sang des Irakiens. Aussi, malgré l'optimisme quelque peu factice affiché par divers responsables irakiens, américains et britanniques - le Premier ministre britannique, Tony Blair, était hier à Bagdad dans une visite surprise - la situation en Irak va mal, très mal même contrairement à ce qu'on veut faire croire. Et ce n'est pas l'attaque contre la base américaine qui va démentir ce constat. D'autant plus que chaque jour voit son lot de morts alors que les services de sécurité irakiens sont taillés en pièce par la guérilla. Selon, le ministre de l'Intérieur du gouvernement intérimaire irakien, Falah Al-Nakib, 1000 policiers avaient été tués dans les affrontement depuis la remise sur pied de ce corps, à la fin de l'année dernière, indiquant dans un entretien au quotidien arabophone Asharq Al-Awsat: «Nous avons perdu jusqu'à présent 1000 policiers dans les affrontements avec les rebelles», affirmant toutefois que «les opérations terroristes ont diminué de 50% après la fin de l'offensive militaire (américaine) contre Falloujah». La violence en Irak est réelle et les tueries quotidiennes, c'est en fait celle-là la réalité de ce pays depuis mars 2003. Or, c'est dans ce climat malsain marqué par la mort et les dépassements de toutes sortes que le gouvernement intérimaire tient à organiser la consultation électorale, au moment où les préparatifs du scrutin se poursuivent dans des bains de sang comme cela a été le cas à Najaf ou hier à Mossoul. Loin des carnages de l'Irak, où les entreprises américaines tiennent solidement en main les puits et les raffineries pétrolières du pays, le président américain, George W.Bush, réitérait, lundi, qu'il «maintient le cap» et est prêt à résister jusqu'au dernier...Irakien, maintenant que l'objectif premier, faire main basse sur le pétrole irakien, est atteint. Ainsi, dans la déclaration faite à Washington, 24 heures avant l'attentat contre la base américaine de Mossoul, M.Bush a indiqué: «Je suis convaincu que les terroristes échoueront, que les élections auront lieu, et que l'Irak sera une démocratie reflétant les valeurs et traditions de son peuple.» Des professions de foi sans signification et sans portée réelle dans un pays plus que jamais menacé d'une guerre civile et même de partition. De fait, la situation sécuritaire d'ensemble est critique, seuls ceux faisant le forcing pour les élections ne le voient pas ou ne veulent pas le voir. Dans ce concert encourageant les Irakiens à voter, vient s'ajouter la voix du Premier ministre britannique, Tony Blair, en visite surprise, hier, à Bagdad qui a dit pour sa part son espoir de voir les Irakiens aller «massivement au vote» indiquant: «J'espère que (la participation aux élections) se fera sur une large base» malgré les violences qui entravent son organisation. A propos de violences, les religieux sunnites se sont clairement démarqués, hier, des attaques contre les chiites après les attentats de Kerbala et de Najaf dans une déclaration du Comité des oulémas irakiens (la plus haute instance religieuse sunnite). Le Comité des oulémas déclare, en effet: «Nous mettons notre main dans celle de nos frères des deux villes», soulignant: «Le comité, qui a eu une centaine de martyrs ou de détenus, met en garde contre un plan pernicieux visant le peuple irakien.»