L'instance de Mourad Medelci aura à statuer sur plusieurs lois contestées Les binationaux contestent vigoureusement l'article 51, les militants de l'amazighité regrettent la timidité envers tamazight et les islamistes dénoncent le «caractère laïque» de l'Etat algérien. Le verdict du Conseil constitutionnel sur l'avant-projet de la révision de la Loi fondamentale sera connu aujourd'hui ou au plus tard la semaine prochaine. Le compte à rebours a donc commencé pour la nouvelle Constitution. Rendue publique le 5 janvier dernier, par le directeur de cabinet de la présidence de la République, Ahmed Ouyahia, cet avant-projet a été ensuite adopté le 11 janvier dernier, en Conseil des ministres et le chef de l'Etat a saisi, conformément à l'article 176 de la Constitution, le Conseil constitutionnel pour donner son avis motivé sur le contenu de ce texte. L'instance de Mourad Medelci aura à statuer sur plusieurs lois contestées. Les acteurs de ces polémiques peuvent être scindés en trois catégories: la communauté algérienne établie à l'étranger conteste vigoureusement l'article 51, les militants de l'amazighité regrettent la timidité, voire même une manoeuvre, envers tamazighit, des concepteurs de cet avant-projet et enfin, les islamistes qui dénoncent le «caractère laïque» de l'Etat algérien. Le premier groupe, la communauté nationale établie à l'étranger, dénonce en ce fameux article 51, une «infamie», une «négation» d'une partie de la population algérienne. Dans le viseur de l'article concernant les binationaux, celui-ci stipule que «la nationalité algérienne exclusive est requise pour l'accès aux hautes responsabilités de l'Etat et aux fonctions politiques». La «protesta» a retenti dès que l'avant-projet de la Constitution a été rendu public à tel point que même le secrétaire général du FLN, parti majoritaire, Amar Saâdani a demandé l'abrogation de l'article en question. La polémique s'en est allée crescendo et moins de 15 jours après l'avoir «validé», le 28 décembre, en Conseil ministériel restreint, le président Abdelaziz Bouteflika a «ordonné», en Conseil des ministres, d'élargir l'article 51: «La loi déterminera la liste des hautes fonctions de l'Etat». Le Conseil constitutionnel aura fort à faire avec cet article surtout que les binationaux ne comptent pas baisser les bras. Se sentant discriminés, rejetés, marginalisés et blessés, les appels au retrait de cet article se multiplient particulièrement en France, au Canada et aux Etats-Unis. Le second article objet à polémique concerne tamazight. Le caractère officiel de cette langue a été certes consacré dans l'article 3 bis, mais il est exclu de l'article 178, ce qui peut compromettre cette langue lors des prochaines modifications de la Constitution. Ce qui n'est pas le cas de la langue arabe, du caractère républicain de l'Etat, de l'ordre démocratique basé sur le mutualisme etc... Pour les défenseurs de la langue amazighe, cette exclusion de l'article 178 laisse une large place au doute, quant aux véritables visées des concepteurs de cette mouture. «C'est une manoeuvre politicienne qui nous renvoie aux pratiques du parti unique. Finalement, ils n'ont que très peu évolué dans leur approche et dans le mauvais sens», dénoncent les défenseurs de tamazight. Les islamistes, éternels gardiens du temple, critiquent quant à eux le préambule de l'avant-projet. Ils y décèlent dans les idées développées des référents laïques. Mais le Conseil constitutionnel aura encore d'autres équivoques à lever dans la mouture dont il a été destinataire. Ainsi, rien n'a été prévu en cas de deux majorités opposées, l'une à l'APN et l'autre au Conseil de la nation. Comme c'est le cas aujourd'hui, où le FLN est majoritaire au Parlement, alors que le RND l'est au Sénat. Ce qui peut déstabiliser les équilibres politiques du pays. L'autre écueil concerne la nomination du Premier ministre. Dans sa formulation, l'article 77 qui stipule que la nomination du Premier ministre par le président se fait après consultation de la majorité parlementaire. Le chef de l'Etat n'est pas tenu de le nommer parmi la majorité. Or, imaginons que cette même majorité conteste le choix du président de la République, tout en sachant que les dispositions constitutionnelles obligent le gouvernement à présenter un plan d'action, et qu'en cas d'un vote négatif, le Premier ministre présente sa démission. Le pays sera alors dans un cercle de crise interminable... En définitive, le Conseil constitutionnel aura à rectifier de nombreux dysfonctionnements et à faire taire des polémiques.