La cacophonie suscitée dans les milieux officiels par l'article 51 relatif à l'exclusion des binationaux des hautes fonctions de l'Etat renseigne sur l'improvisation et l'opacité qui ont entouré la rédaction de la nouvelle mouture de la Constitution. Le procédé est unique de par le monde : un président de la République qui se déjuge sans sourciller en retouchant le contenu d'une disposition – l'article 51 en l'occurrence – en Conseil des ministres, après avoir auparavant formellement validé le projet. Cette cuisine politique typiquement algérienne mérite d'être enseignée dans les instituts de sciences politiques comme un cas d'espèce de gouvernance sans gouvernail et sans cap. C'est en tout cas le sentiment profond qui se dégage au sein de l'opinion de ce nouveau feuilleton à rebondissements de mauvais goût qui alimente le débat sur la Constitution dans les cercles d'initiés. Bouteflika a-t-il été piégé ou mal conseillé par ses proches collaborateurs qui lui ont balancé cette patate chaude qu'il a avalisée les yeux fermés sans en mesurer les réactions enflammées de nos binationaux ? Les contingences et les paradoxes de l'histoire ont fait qu'ils se retrouvent aujourd'hui dans cette affligeante posture de quête de la reconnaissance du droit du sang dans leur pays d'origine et du droit du sol dans le pays d'accueil. Comment expliquer cette reculade en Conseil des ministres de Bouteflika apportant un bémol à cet article, objet de vive polémique et renvoyant à la loi la liste des postes aux hautes fonctions de l'Etat ? Il y a cette piste évoquée par certains analystes qui remettent en débat la lancinante question de savoir si Bouteflika, affaibli par la maladie, est en possession de toutes ses facultés intellectuelles pour diriger le pays, laissant suggérer qu'on lui a fait signer un texte dont il ignore tout de son contenu. Si c'est le cas, qui est l'auteur de ce projet d'amendement constitutionnel qu'on aurait introduit à la hussarde ? A quelle fin cet article a-t-il été introduit ? Pour disqualifier des candidats potentiels à la succession de Bouteflika ? En tout état de cause, si Bouteflika a concédé, après coup, un petit pas en arrière – car, dans le fond, l'article en question est maintenu en l'état dans la copie soumise au Conseil constitutionnel –, c'est probablement pour donner suite aux réactions indignées que cet article a suscitées auprès de nos binationaux mais aussi de la classe politique, y compris des partis au pouvoir ou proches de celui-ci. Il n'est pas étonnant que les pressions venant de ses propres ouailles, de son entourage proche et de ses soutiens politiques aient pesé lourdement dans sa décision d'arrondir les angles de cette disposition constitutionnelle ! A l'instar de Amar Saadani qui se découvre en farouche opposant à l'exclusion des binationaux de la responsabilité politique. Lui qui, faut-il le rappeler, a un pied en Algérie et un autre dans l'Hexagone. Il n'est pas anodin de relever que les avocats les plus acharnés contre cette disposition du projet de révision constitutionnelle se trouvent paradoxalement au sein du pouvoir. Il est connu que de nombreux hauts responsables algériens dont certains influents, jouissant de la double nationalité ou de titres de séjour étrangers, ont familles et biens à l'étranger. Faut-il alors s'étonner de ce que le débat constitutionnel au sein du sérail soit focalisé sur l'article 51 ?