«Des dossiers s'arrêtent aux cadres dirigeants, jamais aux ministres» Au 20e jour, une dizaine de plaidoiries ont été débitées, reste le triple à balancer... Après le tir nourri de Me Brahimi qui n'a rien laissé sur le côté politico-judiciaire, l'assistance sera subjuguée sans s'y attendre pour suite... Me Nabil Ouali sera le deuxième plaideur qui dira d'emblée sa joie d'avoir pu suivre une composition du tribunal criminel se comporter sereinement et un président impressionné par la qualité et la valeur des cadres entendus. «Je suis malade de voir des cadres souillés, salis, malmenés, traités de brigands de grands chemins, de hors-la-loi. Et depuis 1962, des cadres de valeur ont emprunté le couloir de la «honte» avant pour certains d'être acquittés sans jamais être réhabilités. Oui, notre justice souffre de comportements inhumains et des milliers d'Algériens en savent quelque chose!» a lancé, ému, l'avocat de Mohamed Meziane, l'ex-P-DG de Sonatrach, qui va prendre beaucoup de temps en posant et en se posant de nombreuses questions. Et puis, le jeune plaideur va faire sensation, car personne ne s'attendait à sa sortie à propos du but visé avec l'ouverture d'une information judiciaire le 11 janvier 2009. «Monsieur le président, madame, messieurs du tribunal criminel, ce qui est important à dire, à crier, c'est que ce dossier qui visait Chakib Khelil, vise en réalité le président de la République. C'est tout! Toutes ces gesticulations, convocations, interpellations, arrestations dans la maison Sonatrach l'étaient à cause de Mohamed Meziane, l'homme de confiance de l'ex-ministre de l'Energie lui-même appelé au pays par Bouteflika. Voilà où nous en sommes arrivés. Mon client est blanc comme neige, car ce cadre émérite ne mérite pas ce sort», a dit Maître Ouali qui sera vite relayé par l'immense bâtonnier de Bel Abbès, Atmani, qui n'a pas pris de gants pour défendre Mohamed Meziane. Les avocats à la charge... Présenté par tous ses conseils comme un modèle éclaboussé dans le «carré des poursuites injustifiées» à cause de luttes politiciennes qui visent le président. Le bâtonnier s'écrie, proteste, explique en 50 mots forts que ce dossier est un dossier ficelé dans le plus pur style d'une «affaire politique, où les règlements de comptes et le terrorisme étaient les ingrédients versés du dossier», s'est égosillé Atmani qui a enfoncé le clou pour dénoncer ce dossier monté en 2009 à la veille du 4e mandat de Bouteflika qu'il fallait descendre! Oui, mais à travers qui? Les deux enfants de Mohamed Meziane, ciblés à tort! Et je rappelle que le juge d'instruction a ordonné la mise sous contrôle judiciaire, alors que le DRS, lui, a décidé le mandat de dépôt! Oui, c'est la triste réalité!», a conclu l'avocat de Bel Abbès après avoir déploré le fait que Meziane avait été présenté tel un ogre, celui par qui tous les malheurs étaient arrivés depuis octobre 1988 aux années 1990 avec la liquidation physique de Boudiaf et autres crimes... Comme d'habitude, Me Khaled Bourayou, l'avocat du duo Med Chawki Rahal et Abdelaziz Abdelouahab, deux cadres émérites de Tlemcen et ce... Tébessa, comme quoi les extrêmes se rejoignent, s'est évertué à tirer à vue et dans le tas estimant que «ce procès doit être judiciaire, car la politique devait rester sur le banc de la... politique». «Des dossiers s'arrêtent aux cadres dirigeants, jamais aux ministres. Pourquoi leur ministre n'a jamais été entendu?» Bourayou trouve «de bon augure», la réquisition à l'encontre de Abdelouahab, mais déplore que «Rahal risque deux ans, alors que durant quatre décennies, il a servi l'Algérie sans peur et sans reproche!». A signaler que Me Brahimi, avant lui, a trouvé stupide de s'attaquer aux voisins du Nord, les Italiens, connus et appréciés pour leur franche coopération. Pour Med Chaouki Rahal, Me Ahmed-Mansour Kessenti débute son intervention à 9h31, calmement, posément, il tente de capter l'attention et des juges et des jurés dans une salle quasi vide. Il dit d'emblée: «On aime l'Algérie, on cherche à la traverser du Nord au Sud, Sahara y compris. On choisit n'importe quel moyen de le faire, mais on aime le faire. Les poursuites engagées contre mon client sont infondées. Un vrai gâchis.» A ce moment, Me Bouchachi, Me Habib Benhadj et Me Bachi s'installent près de Me Saddek Chaïb qui brûle de désir de plaider. Me Mouniès Lakhdari, lui, peaufine sa plaidoirie assis devant Me Benamar Aïd qui regarde avec beaucoup d'intérêt les visages «noirs» de fatigue des membres du tribunal criminel. Maître Kessenti, lui, est en pleine opération de décorticage de l'inculpation. Il revient en 20 lignes sur l'instruction et ses effets dévastateurs. Abdelaziz-Halim Boudraâ, le procureur général, lui, écoute avec attention comme pour prévenir les plaideurs qui feraient un dérapage... L'avocat de la ville des Roses présente son client sur tous les plans avant de se lamenter autour de la pile de cadres, ces véritables perles inestimables. «Mon client avait répondu juste au juge d'instruction du Pôle de Sidi M'hamed (Alger). Rahal avait répondu que Sonatrach obéit à une réglementation ficelée, balisée, souvent revue en vue d'alléger les pratiques bureaucratiques. Ce n'était pas l'avis du juge d'instruction qui enverra mon client à la barre en supprimant l'article 176, i-e l'association de malfaiteurs. Il survolera rapidement les décisions retenues par la chambre d'accusation qui a été plus tranchante que le juge du Pôle. C'est pourquoi en gens du droit, vos décisions feront jurisprudence, surtout qu'un étalon rare n'a pas de prix. Rahal a fait son boulot. Il n'a jamais pensé effectuer une quelconque tentative!» conclut Me Kessenti à mi-voix. Le deuxième avocat se lèvera vers les 10h42 pour défendre Aït El Houcine qui ne risque pas gros. Me Hakim Aïnouz ne voit pas Me Mokrane Aït Larbi et Me Kamel Alleg entrer sur la plante des pieds, corrects comme ils sont... Des curieux entrent dans la salle, encore quasi vide, l'intérêt ayant baissé avec le réquisitoire de Boudraâ qui a été digne de la confiance placée en lui, il y a plus d'un semestre. Mohamed Regad, le président, a une mine au bord de l'effondrement, mais rien ne filtre pour le décourager. Il a pris l'habitude depuis le 27 décembre 2015 de lever les débats lorsqu'il ressent un coup de lassitude. Me Amine Boulanouar entre et prend place auprès de sa cliente, pas bien du tout. Il n'a pas assisté à la moitié de l'intervention de son confrère Kessenti qui a disséqué l'affaire et le comportement de Rahal. Il faut dire que les avocats dont les clients ont été «épargnés», car l'application de la loi avait été réclamée par Boudra, ont plaidé avec sérénité. Dans les rangées, les derniers arrivés étaient à l'écoute de la phrase «électrique» lancée par Me Kessenti qui a articulé à la barre que «tout le monde aime la lumière, eux, aiment celle des bougies, nous celle de l'énergie nucléaire. Me Med Benabas, le conseil de Mouloud Aït El Houcine, lui, a fait court et en un quart d'heure, l'essentiel pour permettre au tribunal criminel d'effectuer sa tâche avec parcimonie. Voilà Me Fatima Chelouche-Belkacem qui entre aux côtés de Me Fatima Ladoul, heureuse d'avoir défendu la partie civile dans un climat sans nuages alors que ce jeudi matin, il tombe des cordes sur le Ruisseau qui n'a pas encore fait le plein. Il faut souligner au passage qu'avec les plaidoiries fort nombreuses, l'intérêt sombra surtout pour nos amis de la presse, aucune révélation, aucun «autre» témoin ne fut invité ou «convoqué» par la seule faute, d'un sacro saint arrêt de renvoi qui ligote outre les juges, tous les amateurs de sensationnel assoiffés d'insultes et de news exceptionnelles! En début d'après-midi, Me Mouinès Lakhdari passe à la barre à la place de Me Radia Iguedad qui s'est échinée jusqu'à s'égosiller à expliquer au tribunal criminel les ratés de l'enquête dont le lancement même n'aurait jamais dû commencer. Elle a soulevé cette histoire de savoir: «Quel est le statut de Sonatrach. Quelle loi a été faite pour la géante société? Les contrats de l'entreprise ont-ils été faits dans l'urgence?» Inutiles gesticulations politiciennes Pour Me Lakhdari, ces contrats poussent à énormément de questions, notamment la complicité de... «Monsieur le président, chez nous, au Sud, on dit souvent la justice c'est le juge et le juge juge avec sa raison''. Que reproche-t-on à Senhadji? à Hassani? Seule l'intime conviction peut répondre aux nombreuses questions. L'inculpé, avec ses 29 ans d'ancienneté, ne peut pas faire ce qu'on lui reproche!» s'est écrié l'avocat blond qui entrera dans les dédales des centaines de questions posées depuis le 27 décembre 2015, ici à la barre et tout le chapelet de réponses sans esquive. L'assistance est assez fournie. Me Hassina Hammache effectue un saut, papote deux minutes avec Me Ismaïl Chama, Me Mourad Zeguir et Me Benamar Aïd qui attend son intervention avec philosophie et émotion. A nos côtés, Me Miloud Rachid dit craindre les «Canaris» de Tébessa qui vont recevoir l'USMH de Charef en coupe d'Algérie, en février, 8es de finale! Il est 14h10 lorsque Me Lakhdari effectue une envolée à propos d'une instruction de Chakib Khelil qui a été P-DG de Sonatrach avant d'être ministre... Senhadji a reçu l'ordre de s'exécuter et donc ne mérite aucune sanction. Juste après lui, Me Hakim Aïnouz entre en scène et sera bref, mais percutant, se limitant à des points de droit pur sans pourtant s'enliser dans d'inutiles gesticulations politiciennes. Aujourd'hui, huit autres plaidoiries sont prévues, ce qui laisse l'observateur pronostiquer la fin de ce procès pour mercredi prochain, jeudi, au plus tard. Quant au verdict, Mohamed Regad le donnera avant de lever l'audience qu'il clôturera mieux qu'il ne l'avait débutée le 27 décembre 2015.