Il est attendu que le projet de révision de la Constitution passe comme une lettre à la poste Contrairement à la LF 2016 qui a soulevé un tollé à l'Assemblée populaire nationale, la Constitution semble ne pas faire peur aux députés de l'opposition. La séance de clôture de la session d'automne de l'Assemblée populaire nationale s'est déroulée hier, dans la sérénité. Mais dans le hall de l'APN, moult interrogations sur le projet de révision de la Constitution planaient. Le projet de révision sera-t-il adopté sans cafouillage, les deux partis au pouvoir, le FLN et le RND peinant à se reconnaître l'un dans les positions de l'autre? Les députés des deux partis sont-ils suffisamment disciplinés pour entériner le projet sans défaillance, notamment à l'aune des insoumissions enregistrées dans leurs rangs? L'opposition se prononcera-t-elle, comme elle l'a promis, d'une seule voix? Pèsera-t-elle dans l'équation au point d'être à même d'imposer un ajournement du vote? Les amendements apportés à la Constitution ne représentent-ils pas, au fond, une avancée qu'il serait judicieux de cautionner en attendant mieux? Pour répondre à ces questions, chaque parti y va de sa logique. Mais, d'ores et déjà, la divergence des positions laisse entrevoir une guerre de tranchés. Le FFS, dont les députés étaient absents, s'est fendu, hier dans l'après-midi, d'un communiqué pour annoncer qu'il boycottera la séance de vote du projet de révision constitutionnelle. La mine joviale, Naâmane Laouar, cadre dirigeant du MSP, déambulait dans le hall de l'APN. Il prêchait «la bonne parole opposante», tout fier du nouveau rôle que sa formation joue dans l'opposition. «Nous sommes du bon côté de la barrière et j'ai le droit d'être serein», semble-t-il dire par l'expression de son visage. Interrogé sur la position du MSP quant à la révision de la Constitution, il a fait savoir que son parti rejette dans le fond et dans la forme «cette énième parade» du pouvoir. «Cette nouvelle Constitution veut faire de la présidence de la République une super-institution et de toutes les autres de sous-institutions. Le président cumule trop de prérogatives, à savoir 92 prérogatives. Nous ne pouvons pas cautionner une Constitution qui consacre un présidentialisme extrême. Au MSP, nous plaidons pour un système parlementaire», a-t-il indiqué. Interrogé sur les intentions du pouvoir qui viserait, selon certaines déclarations officielles, à aller vers la démocratie progressivement, le député islamiste a estimé que «ce type de déclaration n'est que de la poudre aux yeux» car, explique-t-il, «quand on veut aller vers le changement démocratique, on ne légifère pas par ordonnance alors que l'on a la possibilité de convoquer le Parlement même quand il est en congé». Ramdane Taâzibt, lui, semble un peu défait par la crise que traverse son parti suite à la campagne de dénigrement dont il a été l'objet, mais il se veut rassurant. «Le PT n'a jamais été aussi fort. Si le PT est attaqué, c'est parce qu'il dérange», lâche-t-il d'un ton qui se veut à la fois engagé et engageant. Abordant par la suite la question du vote de la Constitution, ce responsable du PT s'est montré peu loquace car, explique-t-il, le parti n'a pas encore tranché la question. «La position à adopter n'est pas encore tranchée et elle le sera lors de la réunion du comité central du parti qui se tiendra vendredi prochain. Le projet de Constitution même contient quelques avancées mais aussi quelques contradictions, notamment en entretenant le flou sur la question des monopoles et du climat des affaires. On pèsera le pour et le contre et c'est le comité central qui déterminera la position du Parti des travailleurs», a-t-il confié. Lakhdar Benkhellaf, député et numéro deux du FJD, a affirmé pour sa part que son parti est en train de discuter avec les autres formations opposées au projet, afin de prendre une position concertée et peser politiquement. «Au FJD, nous sommes en concertation avec les autres partis d'opposition. On va prendre une position commune. Notre rejet de ce projet est effectif, c'est la forme de ce rejet qui n'est pas encore décidée. Elle le sera sans doute d'ici vendredi», nous a-t-il confié en affirmant que le pouvoir veut «dribbler l'opposition», citant en cela l'exemple de l'instance de préparation et d'organisation des élections revendiquée par l'opposition et «déformée» par le pouvoir qui l'a, selon lui, vidée de son sens. Sur ce point, il affirmera qu'«à travers cette manoeuvre, c'est la fraude électorale qui aura été constitutionnalisée et non pas la garantie de transparence des élections». Du côté de la majorité au pouvoir, la sérénité semble totale. Le FLN qui, rappelons-le, s'est prononcé dès l'annonce du contenu du projet contre l'article 51 qui limite l'accès des binationaux aux hautes fonctions de l'Etat, s'est dit favorable à ce projet qui «contient des avancées démocratiques extraordinaires». «Le texte de la Constitution est très positif. Nous le soutenons sans conditions car il reflète parfaitement les préoccupations de notre parti. C'est vrai que le secrétaire général s'est prononcé contre l'article 51, or celui-ci a été modifié. Mais, fondamentalement, sur les 40 amendements apportés, 17 relèvent de nos propositions. Donc nous nous réjouissons de cette prise en compte de nos propositions et nous allons voter pour et faire tous les efforts nécessaires pour expliquer notre choix aux Algériens», nous a déclaré Salima Athmani, députée FLN, optimiste quant à la validation du projet de révision constitutionnelle par le Parlement. Même son de cloche de la part du RND qui, lui aussi, soutient le projet inconditionnellement. «Nous soutenons le projet et il va passer parce que, avec nos amis du FLN, nous représentons la majorité», explique un député de cette formation. Il est attendu que le projet de révision de la Constitution passe comme une lettre à la poste. Contrairement à la LF 2016, qui a soulevé un tollé à l'Assemblée populaire nationale, la Constitution, bien qu'elle soit politiquement plus importante tant elle engage l'avenir de la nation, semble ne pas faire peur outre mesure aux députés de l'opposition. Ceux-ci, qui ont échoué à faire capoter la LF 2016 malgré leurs efforts surhumains, ont-ils peur de rater un deuxième chantier politique face à une majorité déterminée et forte du soutien du président de la République, ce qui les a poussés à un rejet plutôt passif? En tout cas, l'opposition a, jusque-là, exprimé son rejet de la Constitution d'une façon très timide, voire plate, comme si elle veillait intentionnellement à ne pas créer un «tapage» autour de la question.