Depuis son arrivée au pouvoir en 2006, le frère cadet de Fidel, Raul Castro (84 ans), a révolutionné les relations de l'île en élargissant son partenariat international Sans engager de grands bouleversements intérieurs, Cuba récolte déjà les fruits du dégel avec les Etats-Unis et inaugure un nouveau rayonnement international qui vient gommer des décennies d'isolement. La visite d'Etat sans précédent effectuée cette semaine par le président Raul Castro à Paris témoigne d'une nouvelle perception de l'île à l'étranger depuis l'annonce historique du rapprochement entre La Havane et Washington fin 2014. Comme la Chine ou l'Arabie Saoudite, autres pays souvent tancés par les défenseurs internationaux des droits de l'homme, le seul pays communiste d'Amérique latine semble être redevenu fréquentable au delà de ses alliés traditionnels. «Avec la fin de la politique d'isolement de Washington - qui a échoué à provoquer des changements sur l'île - la France a pris la tête d'un groupe de pays qui désirent resserrer leurs liens avec Cuba pour profiter d'une éventuelle ouverture économique» de l'île, observe Michael Shifter, président du think-tank américain Inter-American Dialogue. Premier président occidental reçu à Cuba après l'annonce du rapprochement avec les Etats-Unis, François Hollande a rendu la politesse cette semaine à son homologue cubain, lui offrant une reconnaissance diplomatique inédite depuis la révolution castriste de 1959. Ces derniers mois, on sentait déjà le vent tourner à La Havane. Dans la foulée de l'annonce fin 2014 du dégel avec les Etats-Unis, diplomates, dirigeants et investisseurs européens et américains ont défilé sur l'île, visiblement soucieux de ne pas rater l'opportunité de conquérir ce marché longtemps coupé du monde occidental. Ce changement est d'autant plus remarquable, notent les analystes, qu'il ne s'est accompagné d'aucune avancée démocratique ou en matière des droits de l'homme sur l'île, à l'exception notable de la libération de 53 prisonniers d'opinion fin 2014 sur demande de Washington. «Cuba a réussi à faire en sorte que les questions liées aux droits de l'Homme ne servent plus de prétextes et d'obstacles aux relations avec de nombreux acteurs internationaux, comme c'était habituellement le cas» avant le dégel avec les Etats-Unis, explique Arturo Lopez-Levy, politologue cubain de l'Université de Texas Rio Grande Valley, aux Etats-Unis. L'aura internationale de Cuba pourrait même prendre encore davantage d'éclat ces prochains mois avec la signature annoncé de la paix entre la rébellion des Farc et le gouvernement colombien. Cet accord, qui pourrait être signé d'ici le 23 mars, mettrait fin au dernier conflit latino-américain grâce à des pourparlers menés depuis fin 2012 sous l'égide de La Havane. «Historiquement, Cuba a toujours eu une influence internationale supérieure à ce que son pouvoir relatif supposerait, surtout en tant que modèle idéologique pour les mouvements de gauche en Amérique latine et dans le monde, et cela inclut ses liens historiques avec les Farc», rappelle M.Shifter. Pragmatique, celui qui a succédé à son frère Fidel en 2006 a engagé son pays sur la voie de la réforme économique, au moment où le modèle cubain commençait à donner de sérieux signes d'essoufflement. Le président cubain a permis une ouverture progressive de l'île à l'économie de marché et aux investisseurs étrangers, tout en renouant le dialogue avec l'Union européenne et des Etats-Unis. Si ces changements n'ont pas encore d'impact véritable sur la vie de la majorité des Cubains, le chef d'Etat de 84 ans semble être ainsi parvenu à apaiser une partie des critiques extérieures. «Le gouvernement cubain compte suivre l'exemple de la Chine, qui maintient de bonnes relations commerciales et financières avec le monde en dépit de son bilan en matière de droits de l'homme. Mais si l'on tient compte du poids économique de l'île, il paraît difficile de maintenir cette dualité» sur la durée, prédit M.Shifter. Pour véritablement passer à «une nouvelle étape» dans sa relation avec le monde, Cuba devra donc opérer de «profonds changements dans son modèle économique et politique», note l'expert.