Au moment où Djaballah attend son autorisation, les dissidents s'attellent à mettre en oeuvre les derniers préparatifs pour la tenue de leur congrès parallèle. Le congrès du Mouvement pour la renaissance national (MRN) est reporté à une date ultérieure. L'information est tombée, hier en fin d'après-midi par le biais d'un communiqué signé par le vice-président du parti Abdelghafour Saâd. «Après des consultations avec le ministère de l'Intérieur, nous avons décidé de reporter le congrès pour permettre à la justice de trancher dans le litige qui oppose les deux parties en conflit», précise le communiqué. Autrement dit, le département de Yazid Zerhouni n'a pas autorisé le congrès de Djaballah, ce dernier, notons-le, a déposé sa demande le 11 décembre dernier. Le silence et la lenteur affichés dans le traitement de ce dossier a ouvert grandes les portes à toutes les spéculations, mais à aucun moment Djaballah et ses proches n'ont attendu ce verdict pour le moins très surprenant. Au MRN l'on est resté serein jusqu'à la dernière minute préférant s'en tenir à cette justification officielle, selon laquelle c'est «le calendrier très chargé» de M.Yazid Zerhouni qui était derrière ce retard. Mais il semble clair que la réalité est toute autre. Qu'est-ce qui a motivé la position du ministère de l'Intérieur, sachant que, selon M.Lakhdar Benkhellaf, secrétaire national chargé de l'organique, «nous avons transmis un dossier complet». Il a même ajouté que, selon «les échos qui nous parviennent du ministère, l'autorisation ne saurait tarder». Les préparatifs du premier congrès allaient bon train. 1500 congressistes, représentant les quatre coins du pays, étaient attendus demain à la Mutuelle des matériaux de construction à Zéralda. «Tout est fin prêt, nous attendons uniquement l'aval du ministère pour envoyer les invitations», précisait notre interlocuteur, hier matin. Du côté du mouvement de redressement, l'on crie déjà à la victoire. Les dissidents qui n' ont pas cessé de déclarer, depuis le début de la crise, que le congrès de Djaballah n'aura pas lieu, estiment que «le silence du ministère de l'Intérieur en dit long sur les dépassements du chef du parti». «Nous sommes convaincus que Djaballah n'aura pas son autorisation», affirme M.Mohamed Boulahia, chef de file du mouvement. Ce dernier ne s'arrête pas là. «Djaballah et ses acolytes assumeront seuls la responsabilité des graves dérives qui peuvent se produire demain à Zéralda, personne n'est en mesure de contrôler la colère des centaines des militants qui adhèrent à notre cause et qui s'opposent à la tenue du congrès.» L'impossible réconciliation Les dissidents entament, de leur côté, les préparatifs pour la tenue d'un congrès parallèle, prévu, à en croire M.Boulahia, pour le premier trimestre 2005. Pour ce faire, ils comptent entamer les congrès de wilayas à partir de la semaine prochaine. «La base est avec nous», souligne-t-il. En fait, dans leur vision , Djaballah n'a plus de place à El- Islah «30 ans barakat». Les redresseurs préparent déjà la succession. C'est du moins ce qu'a révélé Djahid Younsi, député et le plus virulent parmi le groupe des Sept. «Nous avons opté pour une direction collective qui sera chapeautée par les cadres authentiques du parti.» En effet, depuis le début de la crise, ces derniers, qui étaient paradoxalement, jusqu'à un passé récent, les proches collaborateurs du chef du parti, n'ont cessé de tirer à boulets rouges sur Djaballah, accusé de «dictateur». Ce dernier aurait même négocié des portefeuilles dans le gouvernement d'Ouyahia, selon Djahid Younsi, «une autre faute impardonnable.» La crise à pris une tournure grave après la décision de douze cadres dissidents de saisir la justice le 14 décembre. Deux plaintes sont déposées auprès de la cour d'Alger. Si la chambre administrative a déclaré son incompétence dans la première affaire, rien n'est plus sûr pour la deuxième requête qui comporte entre autres, l'arrêt des préparatifs du 1er congrès, le gel des activités du chef du parti et de ses avoirs. Après un premier report, les deux parties en conflit se rendront, cet après-midi, à la chambre administrative. Mais l'affaire risque de durer des mois avant le verdict final. Le recours à la justice a été argumenté par l'attitude de Djaballah «qui a fermé les portes du dialogue». Pour M.Miloud Kadri, président du groupe parlementaire: «La crise est réelle, Djaballah a voulu étouffer la contestation» , «les problèmes se règlent par le dialogue, lui, a choisi l'exclusion». De son côté, le chef du parti, Abdallah Djaballah parle «de complot colporté par les cercles du pouvoir, le visant principalement». Il persiste et signe. «Je n'ai jamais fermé les portes du dialogue», insiste-t-il. Preuve en est, «nous avons rencontré les contestataires six fois en l'espace de vingt jours pour essayer de calmer les esprits, en vain». «Pis, ces derniers ont décidé de recourir à la justice», a-t-il déclaré à ses militants le 18 novembre durant le conseil consultatif. Djaballah rejette aussi «les accusations» des frondeurs , surtout celles ayant trait à la gestion financière des affaires du parti. Selon ses proches, ce dernier a présenté quinze rapports financiers durant ces cinq dernières années. Du côté de Djaballah, l'on estime aussi que le «divorce est consommé». «Les douze cadres radiés n'ont plus le droit de parler au nom du parti». Nous apprenons qu'hier encore, la liste a été transmise au président de l'APN, M.Amar Saïdani, pour prendre les dispositions nécessaires. «Désormais, El-Islah aura 30 députés au lieu de 42», indique M.Benkhellaf. La contestation au sein d'El- Islah, amorcée le 23 octobre, avec la démission de cinq membres du bureau national, fera-t-elle tache d'huile? Le scénario d'Ennahda risque-t-il de se reproduire ? Le devenir du parti est suspendu aujourd'hui au verdict final de M.Yazid Zerhouni.