Vingt-quatre heures après la conférence de presse de Abdallah Djaballah, responsable d'El Islah, au cours de laquelle il a dénoncé le fait que son parti ait été déclaré hors course pour les législatives de mai, le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, a confirmé hier la mesure et en a expliqué les motivations. « Du fait que son mandat a expiré en 2004, M. Djaballah ne peut pas, selon les statuts d'El Islah, convoquer un congrès au nom de ce parti », a indiqué M. Zerhouni dans une déclaration à l'agence officielle APS. Il a articulé aussi son niet contre El Islah en invoquant l'avis des militants qui ne seraient pas d'accord avec leur cheikh. « Selon un grand nombre de militants de ce mouvement, il n'est plus habilité à diriger le parti », a soutenu le ministre de l'Intérieur, en prenant le soin de préciser qu'« El Islah et M. Djaballah n'ont pas de problèmes avec l'administration ». Yazid Zerhouni ajoute également que M. Djaballah « a des problèmes avec son parti et ses militants ». Un constat qui va justement dans le sens de sa position qu'il a exprimée il y a une année en estimant que « c'est une affaire interne au parti et le ministère n'avait pas à s'en mêler ». Pourtant, Yazid Zerhouni a ressorti un argument « organique » pour motiver sa décision en faisant remarquer que le parti El Islah « n'a pas tenu son congrès ». L'affaire El Islah a donc cessé d'être une affaire interne dès lors que le ministre a dressé un barrage devant Djaballah pour les législatives et en autorisant l'aile dissidente menée par Mohamed Boulahia de préparer ces assises suite à une correspondance qu'elle lui a adressée, comme il le confirme lui-même : « La dernière réunion du madjlis echoura (conseil consultatif national) à laquelle avait participé M. Djaballah avait décidé de constituer une commission de préparation du congrès, et cette commission a été récemment constituée par le madjlis echoura et a demandé l'autorisation d'organiser le congrès », a précisé le ministre, ajoutant que cette autorisation lui a été accordée. Or, Abdallah Djaballah soutient que la dernière réunion du madjlis echoura « n'a jamais décidé de constituer une commission de préparation des élections et qu'il n'a personnellement participé à aucune réunion dans ce sens ». Imbroglio Le chef du MRN pense que le ministre est « victime d'une désinformation et de fausses informations distillées par le groupe de dissidents ». Quoi qu'il en soit, le ministre de l'Intérieur s'en tient, d'après ses déclarations d'hier, à l'initiative de Boulahia et ses amis, et attend l'aboutissement du processus devant théoriquement mener à la tenue d'un congrès qui « légaliserait » le putsch contre Djaballah. « Nous attendons l'issue de ce congrès pour savoir qui va diriger le parti et qui sera habilité à désigner les candidats du parti. » Yazid Zerhouni suggère ainsi que la porte n'est pas définitivement fermée face à El Islah en prévision des prochaines élections, mais certainement pas avec Djaballah à sa tête, puisque ce dernier semble hors circuit par rapport à ce congrès annoncé. Cela semble tellement bien ficelé que, curieusement, le groupe de dissidents va tenir son congrès aujourd'hui même à El Harrach, à Alger, alors que le ministre devrait s'expliquer avec Djaballah samedi prochain. Et samedi sera un autre jour pour le cheikh puisque sa présidence du MRN sera désormais conjuguée au passé en ce sens que ce congrès des redresseurs élira sans doute une nouvelle direction et bien sûr un nouveau « cheikh ». Le ministre de l'Intérieur précise même que les congrès régionaux, les meetings et la participation de ce parti aux élections pour le renouvellement des membres du Conseil de la nation n'ont pas été autorisés « au nom du parti El Islah ». L'on se demande cependant comment et pourquoi le ministre de l'Intérieur a validé les mandats des candidats de ce parti issus du scrutin de renouvellement du Sénat qui a eu lieu en décembre dernier dès lors que leur parti est déclaré hors course ? Difficile de faire la part des choses dans un tel imbroglio politico-juridique qui semble s'acheminer tout droit vers un fait accompli. Cela est d'autant plus vrai que le Conseil d'Etat devant émettre un avis décisif sur la requête de Djaballah contre ses contradicteurs tarde à le faire alors que la chambre administrative du tribunal d'Alger a déjà tranché en sa faveur.