L'objectif de Ben Laden est de rallier toutes les tendances islamistes-djihadistes. Dans un nouvel enregistrement diffusé par les chaînes satellitaires arabes, Oussama Ben Laden reconnaît la filiation du groupe d'Abu Mussaâb Ez-Zarkaoui et demande à la résistance islamiste en Irak d'obéir «autant que faire se peut», à Ez-Zerkaoui, le seul et «unique représentant d'Al-Qaîda en Irak». D'un autre côté, OBL critique la tenue des prochaines élections en Irak, «à l'ombre du dirigeant Ayad de la Maison-Blanche», et appelle les populations civiles à les boycotter . Ben Laden assimile carrément celui qui participe à ces élections à un renégat et qualifie la participation au «kofr», plus haute excommunication qui exclut et met hors de l'islam celui qui en est victime. Cet enregistrement vient à peine une quinzaine de jours après celui qu'il a diffusé dernièrement et dans lequel il orientait brusquement son discours dans une perspective résolument politique et appelait ses partisans à être plus vigilants, face à «l'ennemi intérieur», autrement dit «les dirigeants pro-américains.» Le nouvel enregistrement fait la part belle à Ez-Zarkaoui dans lequel il fait l'éloge des attentats contre les troupes américaines en Irak: «Nous pensons réellement et sincèrement que le frère Abu Mussaâb Ez-Zarkaoui fait partie de cette élite des moudjahidine qui porte haut l'étendard de l'islam et nous portons à votre connaissance qu'il est le représentant de l'organisation Al Qaîda en Irak, et de ce fait, tous les moudjahidine lui doivent obéissance...». Si cette précision peut paraître anodine à première vue, elle est d'une importance capitale et peut, à court terme, perturber de fond en comble la stratégie militaire en Irak. Car, que penser si tout à coup, d'un commun accord, de concert, toutes les factions militaires de la résistance djihadiste se mettaient à frapper, cible après cible, des objectifs américains savamment étudiés? Ou si toutes les tendances de la résistance islamiste ou pro-islamiste se mettaient soudainement à se compléter pour atteindre des mêmes objectifs militaires et politiques? Dans le cas d'un Irak disloqué, exsangue et déchiré, cela peut paraître fatal pour les Etats-Unis pour qui, seules la stabilité et la prospérité des Irakiens peuvent les disculper de tout ce qu'ils ont entrepris contre l'Irak depuis 1990 et de tout ce dont ils sont accusés. La nouvelle donne d'importance dans le discours de Ben Laden concerne le report des élections, et dans ce cas précis, il semble bien qu'il ait déjà obtenu gain de cause: les conseillers de Rumsfield ont jugé utile de consulter d'abord des dignitaires sunnites irakiens, et beaucoup d'entre eux, chefs de tribus locaux, figures emblématiques et religieux ont déjà reçu de l'administration américaine des lettres leur expliquant que les Etats-Unis vont tenir compte de leur demande de report des élections et qu'ils ne permettront jamais que le sunnisme en Irak devienne, après ces élections, une minorité persécutée. En fait, c'est là un des points capitaux auquel s'intéresse Al-Qaîda, organisation islamiste d'obédience résolument sunnite, et qui considère le shiîsme comme une hérésie religieuse. Il n'est donc d'aucune utilité que les élections qui se jouent en Irak sous un jour favorable aux chiîtes, se tiennent dans ces conditions. Donc deux fortes pressions sont entrées en jeu: l'une politique et qui consiste à demander le report avec force arguments, et à pousser à l'abstention générale, l'autre militaire et qui se reflète par une violence accrue et des attentats qui mettent en péril la tenue des élections dans cette atmosphère. L'objectif, à terme, est de créer un «no man's land», sécuritaire qui discréditerait définitivement les Etats-Unis, incapables de gérer une zone de crise et incapables de mettre en déroute des poignées de résistants islamistes. Le temps joue en défaveur de Bush, qui s'enlise dans la guerre jour après jour et qui a dû remarquer qu'il a bel et bien décidé du déclenchement de la guerre, mais qu'il reste incapable de décider de sa fin. Alors que de l'autre côté, Oussama Ben Laden tente de constituer «un soulèvement islamiste mondial contre les Etats-Unis et leurs alliés» en jouant la carte de l'usure : il a toute la vie, tous les morts, toute la décomposition sociale en Irak et toute la guerre qui joueront pour lui.