Très actif, il multiplie les rapts, les prises d'otages et les opérations militaires contre les Américains Jusqu'à la fin de l'année 2004, Abou Mossaâb Ez-Zarkaoui avait été un petit chef du djihad islamiste comme il en existe des centaines d'autres, en Irak et ailleurs. Stationné d'abord au nord de l'Irak, il dirige Ansar El-Islam, un groupe djihadiste sala 'obédience sunnite, mais très vite il s'insinue dans la résistance, et en mai 2004, on le retrouve à Falloudja. Très actif, il multiplie les rapts, les prises d'otages et les opérations militaires contre les Américains. Son groupe mène l'utilisation de la vidéo à ses extrêmes limites: ses otages sont jugés, relâchés ou exécutés. Il semble disposer d'une armée d'anciens officiers des services spéciaux de l'ancien régime, d'où son extrême efficacité dans le rapt et l'infiltration. Sunnite, il déclare la guerre aux chiites et attaque à la bombe et aux attentats suicide leurs bastions. Djihadiste, il se réclame de la guerre sainte et promet de faire partir les Américains de l'Irak. Même les étrangers sont sommés de plier bagage. Il kidnappe des travailleurs chinois, des Italiennes, des Turcs, des Japonais, des Egyptiens et des Népalais. Il s'attaque aux entreprises étrangères et menace de faire «une guerre farouche» aux élections en début 2005. Son plus «gros» succès reste le rapt du gouverneur de Bagdad, opéré d'une manière professionnelle époustouflante. Une semaine avant la fin de l'année 2004, et dans un enregistrement diffusé par les chaînes satellitaires arabes, Oussama Ben Laden reconnaît la filiation de Zarkaoui et demande à la résistance islamiste en Irak d'obéir «autant que faire se peut» à celui qui est devenu, désormais, le «seul représentant d'Al Qaîda en Irak». Dans le même enregistrement, Ben Laden donnait une nouvelle orientation à ses hommes: être vigilants face à «l'ennemi intérieur», c'est-à-dire aux Arabes pro-Américains, et affirmait solennellement que « le frère Abou Mossaâb Ez-Zarkaoui fait partie de cette élite de moudjahidine qui portent haut l'étendard de l'islam», et décidait qu'il était «le représentant d'Al Qaîda en Irak, et de ce fait, tous les moudjahidine lui doivent obéissance». A partir de janvier 2005, la nouvelle star mondiale du terrorisme international se nomme Zarkaoui. Washington lui donne gracieusement le titre d'«ennemi public n°1» et Ben Laden, traqué, caché et épuisé, est relégué à un rôle de moindre importance. Le Jordanien fait une entrée spectaculaire sur la scène médiatique du terrorisme islamiste. L'image de cet homme de 39 ans est d'autant plus imposée par les sites islamistes que les échecs militaires américains sont quasi quotidiens. Jusque-là, le portrait est net, global et ne pose pas de problème. Toutefois, les choses ne sont pas si simples et les questions se posent d'elles-mêmes à longueur de ligne. Est-ce véritablement lui qui dirige les actions de la résistance en Irak? Est-il important à ce point ou est-ce Washington qui en fait un nouveau Ben Laden, pour mieux justifier sa présence suspecte en Irak ? Son extrait de naissance comporte cette mention: Ahmed Fadhil Nazzar Khalaylah. Né il y a 39 ans dans une ville industrielle située à 25 km d'Amman, Zarka, d'où il tirera son nom plus tard: Zarkaoui. Enfant turbulent, adolescent contestataire, il part à 25 ans retrouver l'Afghanistan, comme nombre de jeunes Arabes, tentés à la fin des années 80 par le djihad. Il gagne la guerre mais perd une jambe. A son retour en Jordanie, il crée un groupe armé local appelé Jund Ec-Cham. En 1992, il est jeté en prison «pour abus sexuels», disent les services spéciaux jordaniens. Il est libéré en 1999 lors de l'amnistie générale décrétée par le roi Abdallah, qui venait d'accéder au pouvoir à la suite de la mort de son père. Entre 1999 et 2003, on le signale en Afghanistan, au Pakistan, à Amman, en Syrie et en Iran. En 2003, il entre en Irak et crée son groupe: Tawhid wal djihad et annonce la guerre totale contre les Américains et leurs alliés. Selon Samir Abid, spécialiste irakien des groupes armés, «Zarkaoui n'est qu'une légende», car, estime-t-il, «il a été tué en 2003 et quoi qu'il en soit, on ne peut pas gérer un djihad avec une seule jambe». Il affirme aussi que Zarkaoui rend service à tout le monde: «On crée un fantôme qu'on manipule, on se cache derrière, qui justifie vos crimes ou votre politique. C'est commode pour tous, alors que ce sont les anciens militaires et officiers des services qui dirigent la guérilla, les rapts et les opérations militaires.»