En faisant cause commune avec les démocrates de l'opposition, les islamistes ont perdu leur influence sur les Algériens. Le courant islamiste en Algérie a été très mal servi par la conjoncture politique actuelle qui a privilégié les aspects tactiques sur les approches idéologiques. En effet, ce que compte la scène nationale de formations politiques d'obédience islamiste s'est trouvé noyé dans deux regroupements partisans qui ne laissent aucune place au débat de fond. Il faut dire qu'au niveau de la Ctld comme celui du Pôle du changement, l'essentiel de l'action est de constituer un front contre le pouvoir. Le conglomérat de personnalités de divers horizons a rendu impossible dans les deux cas, toute expression idéologique. Un parti comme le MSP, dont la branche dure tient les rennes, passe son temps à contredire le pouvoir et à échafauder, avec ses homologues de la Cltd, des stratégies destinées à parasiter la scène politique, dans l'espoir d'amener les autorités du pays à des concessions dans la forme. L'ensemble des cadres du parti de Makri, ainsi que tous les cadres de la mouvance islamiste ne s'expriment dans les médias que pour faire suivre le discours de l'opposition, lequel est construit au sein de la Cltd. Les autres «petites» formations islamistes, rassemblées dans le Pôle du changement conduit par le parti de Ali Benflis, sont soumis à la même logique et perdent, elles aussi, une importante partie de leur identité idéologique. Bref, on ne reconnaît ces islamistes qu'à leur barbe, au point où l'on ne sait plus dans l'opinion, leur position réelle sur la politique du gouvernement. Deux exceptions maintiennent quelques «traces» idéologiques. En effet, Abdellah Djaballah et Abdelmadjid Menasra ont conservé leurs indépendances vis-à-vis des autres partis de l'opposition, mais leur discours est tout de même sérieusement affecté par la nouvelle donne politique qui a relégué l'idéologie au second plan, derrière les «revendications démocratiques». Ce retrait idéologique a fini par réduire l'influence de ces partis sur la société. Le dernier épisode concernant la loi sur la violence faite aux femmes illustre assez bien cet état de fait. L'ensemble des personnalités islamistes qui s'étaient élevées contre cette loi a dû s'accrocher à une «locomotive» inattendue et qui est l'Association des Ouléma musulmans. Les partis islamistes, tous dans l'opposition, s'étaient mis sous le parapluie de cette association dans la campagne menée contre la loi sur la violence faite aux femmes. Cette «bataille» idéologique a montré que l'influence islamiste s'est déplacée et s'est retrouvée au niveau des Ouléma. Et ce sont ces derniers qui ont provoqué le blocage au niveau du Conseil de la nation. Les cadres islamistes n'y étaient pas pour grand-chose. Pour preuve, le silence de l'Association des Ouléma après la réactivation de ladite loi, révèle toute l'impuissance des partis islamistes d'influer idéologiquement sur la décision des institutions de la République. Cet intéressant épisode marque, en effet, la fin de «l'islamisme populaire» et vide, de fait, les partis de Makri et Djaballah d'un argument essentiel de leur identité politique. Eparpillés, donc affaiblis, les partis islamistes en Algérie ont perdu leur âme, pourrait-on dire. Et il y a de fortes chances que cette perte soit irréversible à voir «l'embourgeoisement» qui a gagné les cadres de la famille islamiste, lesquels se sont véritablement éloignés de leur base électorale, après plusieurs années de discours «trop sophistiqués» sur l'alternance, les élections et autres thèmes chers à des partis de salon qui, au final, ont imposé leurs agendas aux islamistes. Les représentants à l'APN de ces partis ont même, souvenons-nous, joué la carte du trouble-fête parlementaire en endossant des pratiques et des positions idéologiques très proches de l'extrême gauche, lors du vote de la loi de finances 2016. Les Algériens qui voient le MSP et Ennahda ressembler au Parti des travailleurs à l'intérieur de l'hémicycle et reproduire mot à mot le discours du RCD au sein de la Cltd sanctionneront un parti qui ne ressemble finalement à rien. Les prochaines élections législatives, prévues dans 15 mois, apporteront certainement des enseignements intéressants sur le poids politique de la mouvance islamiste en Algérie. A voir l'erreur stratégique commise par cette mouvance, il est fort probable que sa présence sur la scène sera réduite à sa plus simple expression.