Prôner la fermeture des frontières aux migrants n'embarrasse plus l'Autriche qui a rallié, avant un sommet de l'UE crucial, le camp des intransigeants mené par ses voisins d'Europe de l'Est. Avant le sommet des dirigeants européens à Bruxelles demain et vendredi, les partisans de mesures radicales pour enrayer le flux migratoire musclent leur discours, convaincus que les solutions défendues par l'Allemagne ne suffiront pas. L'Autriche devait annoncer hier l'instauration d'un quota journalier de demandeurs d'asile admis dans le pays depuis la Slovénie, en ligne avec l'objectif «de freiner pas à pas» les entrées sur son territoire, selon les termes de la ministre de l'Intérieur Johanna Mikl-Leitner (ÖVP, conservateur) Ce plafond pourrait s'accompagner de dispositifs sécurisés, voire de quelques kilomètres de clôture, à la frontière sud du pays, comme à Spielfeld où depuis le début de l'année environ quatre kilomètres de grillage visent à canaliser les entrées dans le pays. Vent debout depuis des mois contre les quotas d'accueil adoptés par la Commission européenne, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie - le groupe de Visegrad- ont mis sur la table lundi la nécessité d'un «plan B» pour pallier les insuffisances imputées à la Grèce dans la gestion de sa frontière. Le Premier ministre slovaque Robert Fico s'est dit «pessimiste» sur les améliorations possibles en Grèce, même si Athènes a annoncé hier avoir achevé quatre des cinq «hotspots» d'enregistrement des migrants prévus sur les îles où ont accosté plus de 800.000 migrants en 2015. L'alternative du groupe de Visegrad: une fermeture des frontières le long de la route des Balkans empruntée par ces candidats à l'asile, avec le soutien de la Macédoine et de la Bulgarie, voisins de la Grèce dont les dirigeants avaient été conviés à Prague. Le Premier ministre hongrois Viktor Orban, pourfendeur de la politique d'accueil des réfugiés incarnée par la chancelière Angela Merkel, a fait de la construction d'une «ligne de défense», c'est-à-dire de clôtures, aux frontières nord de la Grèce, un leitmotiv de son discours. La ligne du dirigeant hongrois trouve désormais un écho dans les rangs de la très centriste coalition viennoise. Le chancelier social-démocrate Werner Faymann avait même suggéré début février de renvoyer directement en Turquie les migrants arrivant en Grèce. «A une vitesse fulgurante, le gouvernement est passé de la politique d'Angela Merkel à celle de Viktor Orban en partie par calcul politique, en partie à cause de sa propre impuissance», s'est désolé le député vert Peter Pilz après cette annonce. La classe politique autrichienne est, comme dans d'autres pays d'Europe, sous pression d'une extrême droite en tête des sondages. La coalition entre sociaux-démocrates et conservateurs a décidé, en janvier, d'un quota de 37.500 demandeurs d'asile pour l'année 2016, contre 90.000 personnes accueillies en 2015 et va limiter le droit d'asile dans le temps. En tournée la semaine dernière dans les Balkans, le ministre des Affaires étrangères Sebastian Kurz a souhaité que la Macédoine se tienne prête à fermer sa frontière avec la Grèce. Son homologue macédonien Nikola Popovski a tempéré les ardeurs en expliquant, dans une interview au quotidien autrichien Der Standard, qu'une fermeture totale de la frontière «ne serait pas, actuellement, le meilleur scénario». Il s'est en revanche dit volontaire pour accueillir jusqu'à 400 policiers des différents pays de l'UE pour aider les autorités macédoniennes à contrôler la frontière avec la Grèce. Anticipant de nouvelles restrictions en Autriche, la Slovénie a commencé lundi à renforcer le filtrage des migrants à sa frontière en refusant l'entrée à ceux «qui ne sont pas menacés» ou sont «en provenance d'un pays sûr».