«ce sont de faux mendiants qui profitent de notre générosité». Ils viennent de partout, de la montagne, de la périphérie de la ville et d'autres régions. « Ils », ce sont ces enfants qui, à longueur de journée, exhibent et traînent leurs petits corps, frêles et rachitiques pour stimuler la sensibilité des gens susceptibles de leur glisser quelques sous pour qu'ils puissent subvenir au besoin naturel le plus élémentaire: manger. Ils sont le plus souvent accompagnés de pancartes expliquant les raisons qui les ont poussés à faire de la sorte ou de prescriptions médicales pour un achat de tel ou tel médicament ainsi que leur situation familiale du moins désastreuse. A Draâ El Mizan (ville) comme partout ailleurs, ces enfants sont victimes de plusieurs fléaux, tels les échecs socioprofessionnels, les sempiternels problèmes conjugaux, notamment le divorce et parfois même des enfants (illégitimes), qui viennent ainsi grossir les rangs de cette catégorie qui s'empêtre dans la mendicité et ce, à cause de l'effroyable paupérisation qui gangrène la société. Le jour même de la Journée mondiale de l'enfant, ils étaient fidèles à leurs places ignorant bien sûr l'existence même de cette journée et pour la majorité d'entre eux, ils n'ont jamais connu les bancs de l'école. Emmitouflés dans des guenilles noircies de crasse, ils longent les trottoirs, repoussants, exposés à même le sol au milieu de poubelles qui jonchent les rues et, brunis par le soleil, ils attendent, scrutant des yeux la bonté des âmes charitables tout en citant des formules de charité bien connues. D'autre part, d'autres mendiants d'âges et de sexes différents battent le pavé et déambulent sans arrêt dans les méandres de la ville en brandissant l'indigence et la mal vie, tout comme ce vieil homme au visage marqué par des rides véritables, lesquelles témoignent délibérément non pas du poids des années, mais d'une vie non vécue. Assez souvent, et face à ce phénomène qui ne cesse de prendre de l'ampleur, les passants restent toujours réticents; rares sont ceux qui font l'aumône car, disent-ils, «ce sont de faux mendiants qui profitent de notre générosité». Quoi qu'il en soit, la mendicité a atteint des proportions effarantes à telle enseigne que la ville grouille de marginaux. De là découle l'urgence d'une prise en charge de cette frange de la société qui tutoie quotidiennement les péripéties de la misère qui les enfonce, de plus en plus, au coeur des ténèbres.