Le sacrifice, le martyr. Voilà la légitimité que désormais le responsable du MSP veut promouvoir, un nouveau critère d'évaluation des partis politiques. Plus on écoute parler certains de nos hommes politiques de ladite opposition et plus on se demande si, finalement, la situation du pays n'est pas à relier directement à leur présence sur la scène politique nationale et surtout à leur incapacité à être de vrais opposants. Non seulement, ils n'ont ni le discours qui mobilise ni les idées qui séduisent mais, en plus, ils se caractérisent par le fait qu'ils tirent tout vers le bas. Le niveau du débat, l'approche de la réalité, et même le langage qu'ils développent paraissent définitivement coincés dans une sorte d'indigence à donner les frissons. Ces derniers jours, invité sur les plateaux d'une chaîne de télévision algérienne de statut privé, le président du MSP a eu à échanger avec les deux animateurs qui l'interrogeaient. La légitimité par le sacrifice des autres De cet entretien, révélateur à plus d'un titre, et en plus du niveau décevant du débat, ont jailli deux choses importantes: le responsable du MSP veut introduire un nouveau type de légitimité sur la scène politique et il entretient volontairement un amalgame qui peut s'avérer abusif vis-à-vis des bonnes âmes et des citoyens en général. Sur notre scène politique, deux types de partis existent et coexistent. Le premier type renferme les partis qui, à travers leur histoire ou celle de leurs fondateurs, font valoir leur ancrage dans l'histoire du pays. Il s'agit des partis comme le FLN dont le destin se confond à plus d'un point avec celui du pays ou comme le FFS auquel le fondateur Ait Ahmed a imprégné une certaine image. Ces partis-là bénéficient d'une légitimité historique que nul ne peut ni n'a envie de leur contester et jouissent d'une place importante sur la scène politique nationale. Le second type renferme les partis nés au lendemain de l'avènement du multipartisme et qui doivent leur existence à l'ouverture démocratique. Il s'agit des partis comme le RND, le MSP, le PT, le PNR et la liste est longue. Certes, ces partis ont tous la caractéristique suivante: ils bénéficient d'une légitimité démocratique que, aussi, personne ne peut ni ne cherche à mettre en doute, mais ceci ne les empêche pas de manifester des différences quant au poids que chacun détient et au rôle que chacun joue concernant la chose politique du pays. Sans même préciser des critères d'évaluation, on sait, par exemple, que le RND est un véritable poids lourd par rapport aux autres et que le FNA n'est pas aussi influent que le MSP, etc. Le chef du parti de Nahnah ne semble cependant pas apprécier la réalité. Il veut se tailler une place à sa guise dans le champ politique. Pour cela, et comme les légitimités historique et démocratique ne le mettent pas en tête du peloton, il invente une nouvelle légitimité qu'il glisse de manière presqu'imperceptible au cours de son entretien avec les animateurs de la chaîne de télévision. «Nous sommes le parti qui a donné près de 400 responsables au cours des évènements de la décennie rouge. Tous autant de chahids», n'a-t-il cessé de répéter tout au long de l'émission à laquelle il était invité. Le sacrifice, le martyr. Voilà la légitimité que désormais le responsable du MSP veut promouvoir, un nouveau critère d'évaluation des partis politiques. Une autre manière de nous tirer vers le bas après nous avoir tirés vers l'arrière. Au moment où, ailleurs, les partis rivalisent avec des programmes, des projets de société, des idées, des propositions constructives, ici, on s'ingénie à inventer des critères de non-mérite pour un positionnement indu. Désormais, il faudrait demander aux partis combien ils ont perdu de cadres ou de militants, sinon d'adhérents et de sympathisants, pour leur attribuer un poids. D'ailleurs, Makri ne s'était pas fait prier pour commencer à ce jeu vilain en disant: «Le RND ne peut pas faire valoir autant de martyrs», une manière à peine voilée de prétendre que le MSP est plus important que le RND et donc de revoir la carte politique nationale à travers le prisme de cette nouvelle étonnante et légitimité dont il est l'auteur non moins étonnant. Durant les tristes événements, que nous cherchons à oublier pour aller de l'avant et dont nous aimerions que les gens cessent d'en faire un fonds de commerce, les Algériens mourraient en tant qu'Algériens, jamais en tant que membres de tel parti ou de tel autre. Ne cherchons pas de mérite où l'on n'en a pas; cela s'appelle du parasitisme, cela relève de l'indécence. Les Algériens qui ont payé de leur vie sont des enfants du pays qui méritent tous les égards. Ils n'ont cependant pas été assassinés à cause de leur couleur politique. Dire les choses autrement, c'est mentir. La fraude avec la main des autres Par ailleurs, en parlant de la légitimité du RND, Makri a reproché à ce parti d'être derrière la fraude électorale qu'il juge, comme tout le monde d'ailleurs, dévalorisante et inacceptable. Ce que Makri oublie sciemment de dire cependant, c'est que cette fraude-là a eu lieu lorsque le MSP était dans l'alliance présidentielle et que, de fait, ce parti était partie prenante de cette manoeuvre qu'il juge aujourd'hui dégradante. Il était tout aussi coupable que ceux qu'il veut dénoncer aujourd'hui car dénoncer ses complices n'a jamais signifié absolution de ses propres crimes. Au contraire, Soltani avait bien reconnu que son parti avait participé à la fraude et qu'il était au courant de tout ce qui se passait. Il avait mis cela sur le compte de «l'erreur». Tant que l'intention de faire porter le chapeau à autrui n'était pas claire, cela pouvait passer, mais aujourd'hui, venir et accuser les autres alors qu'on a agi avec eux est vraiment intolérable d'autant plus que frauder avec la main des autres s'appelle aussi frauder. Makri voulait faire passer le message selon lequel son parti serait plus légitime et plus fort que le RND parce qu'il a avancé 400 martyrs et parce que le RND avait fraudé. Il n'a fait en réalité que démontrer qu'il ne reconnait pas la légitimité démocratique, comme à l'accoutumée pour une certaine tendance bien sûr et il a dit un gros mensonge. Le peuple sait écouter et il sait évaluer. A la limite il n'a pas besoin qu'on lui donne des critères d'évaluation car parfois les dribbles des uns suffisent pour les placer dans la bonne case. Dommage que l'on soit obligé de perdre du temps pour écrire à propos de telles balivernes. On aurait aimé entendre Makri nous proposer quelque chose sur l'avenir du pays, sur le devenir de l'opposition avec cette nouvelle Constitution, sur la conduite des hommes politiques au moment où les guerres se rapprochent de nos frontières. On aurait aimé le voir déballer des propositions pour faire sortir le pays de la crise qui le met à mal. Mais non, il préfère parler d'une nouvelle légitimité. La légitimité cela se gagne, cela ne s'invente pas, monsieur!