Thomas Boni Yayi, l'un des rares chefs d'Etat africains à ne pas avoir amendé la Constitution du pays, rentre chez lui après avoir accompli deux mandats Trente-trois candidats s'affronteront demain lors de l'élection présidentielle au Bénin, dont le président sortant Thomas Boni Yayi ne se représente pas après deux mandats, conformément à la Constitution. Pour lui succéder, se profilent cinq favoris: le Premier ministre sortant Lionel Zinsou, deux des plus gros hommes d'affaires locaux, Patrice Talon et Sébastien Ajavon, et deux banquiers internationaux, Abdoulaye Bio Tchané et Pascal Irénée Koupaki. Les premiers résultats sont attendus dans les 72 heures suivant le scrutin. Initialement prévu le 28 février, le premier tour de la présidentielle avait été reporté au 6 mars à cause de retards dans la production et la distribution des cartes des 4,7 millions d'électeurs de ce petit pays d'Afrique de l'ouest. Jeudi soir, à moins de trois jours du vote, le centre national de traitement (CNT) a reconnu que la distribution des cartes n'avait pu être menée à son terme que dans trois des 12 départements que compte le pays. L'organisation a même renoncé, faute de temps, a lancer la distribution dans les départements de Zou et du Plateau (centre) avant le premier tour, a précisé Kassimou Chabi, le coordinateur du CNT. Ceux munis de leur ancienne carte électorale pourront voter, mais pas les nouveaux majeurs de ces départements, qui n'en ont jamais eu, a-t-il regretté, sans être en mesure de dire combien d'électeurs sont concernés. A Cotonou, la capitale économique, toutes les grandes artères ont été recouvertes d'affiches à l'effigie des cinq favoris à la présidentielle, qui donnaient hier leurs derniers meetings avant la fin officielle de la campagne, à minuit. Des posters géants montrent le Premier ministre Lionel Zinsou dans des scènes de liesse, avec pour slogan «le Bénin gagnant». Le banquier d'affaires franco-béninois de 61 ans a été désigné candidat des Forces Cauris pour un Bénin Emergent (FCBE) du président Boni Yayi. Il a aussi été adoubé par le Parti du renouveau démocratique, dont le leader, Adrien Houngbedji, était le principal opposant de M.Boni Yayi à la présidentielle de 2011, et par Renaissance Bénin, une autre formation d'opposition. Sur la grande place de l'Etoile rouge, dans le centre de Cotonou, deux zemidjans, chauffeurs de taxi-motos, se disent écoeurés par leurs dirigeants. «Il y a 12 ans, quand j'ai commencé ce métier, j'arrivais à gagner 7.000 à 8.000 francs CFA (10 à 12 euros) par jour», raconte Janvier Houénon, 40 ans et trois enfants à nourrir. «Aujourd'hui le métier est gâté! On est trop nombreux. On gagne à peine 4.000 francs CFA par jour...» C'est parce qu'il y a «beaucoup de diplômés sans emploi qui font zemidjan», faute de mieux, explique Alexis Aikpe, son collègue. M. Zinsou a promis de créer 350.000 emplois en cinq ans, et l'économiste Adboulaye Bio Tchané - ABT pour ses partisans - en propose 500.000 sur la même période. Mais «les politiciens nous ont trompés pendant des années, alors maintenant je veux faire le choix d'un commerçant pour voir comment il peut gérer le pays», estime M.Aikpe. Il donnera sa voix à Patrice Talon, le «roi du coton» et un des deux puissants hommes d'affaires dans la course à la présidence. En veste et chemise blanche sur fond bleu, ce flambeur assumé promet «un nouveau départ». Face à lui, Sébastien Ajavon, le patron des patrons, qui a fait fortune dans l'agroalimentaire. Les deux hommes tiraient jusqu'ici les ficelles de la politique dans l'ombre et Patrice Talon avait notamment financé les deux campagnes victorieuses de Boni Yayi. Dans son vaste bureau, entouré de portraits de Nelson Mandela et du pape Jean-Paul II et de plusieurs statuettes de la Vierge Marie, l'ancien Premier Ministre Pascal Irénée Koupaki, cinquième favori, ne promet pas d'emplois mais «un nouveau système de gouvernance» et de lutter activement conte le «désordre» et «la corruption». Un vaste programme dans un pays où les «grands électeurs», ces responsables locaux, chefs traditionnels et autorités religieuses qui servent de relais d'opinion, sont achetés «à coup de millions de francs CFA», selon les observateurs.