De l'assassinat de quatre citoyens à Larbaâ au rapt de trois gendarmes à Tizi Ouzou, il y a comme une odeur de mèches allumées près de barils de poudre. Des symptômes de profondes perversions des mouvements de revendication et de protestation sont signalés çà et là, sans qu'aucune politique vienne en atténuer les pics ou lisser les aspérités. Ces événements commencent à s'inscrire dans le temps. C'est la pire des choses qui puisse survenir. Il faut réellement se représenter la conjugaison de ces symptômes dans une vue d'ensemble pour saisir que nous sommes réellement en présence de bien dangereuses dérives. Qu'on en juge: en une semaine la première du mois de Ramadan nous avons eu coup sur coup l'assassinat de quatre personnes à Larbaâ, puis de quatre autres à Jijel. Entre les deux, il y eut des pics de tension à Bab El-Oued et le rapt de gendarmes à Tizi Ouzou. Un seul lien assure la jonction entre ces événements: ils procèdent souvent par un curieux calcul politique. Même en ce qui concerne les deux actes terroristes. A Larbaâ, comme à Jijel, les groupes armés qui ont perpétré les attentats ont choisi la zone de leur carnage dans «l'aire de vie» même des repentis de l'AIS. Larbaâ et Jijel dont le bastion de ceux qui ont déposé les armes et fait amende honorable. Le Gspc à l'Est, puis les GIA au Centre, ont-ils voulu, en même temps, jeté le discrédit sur les effets de la concorde civile et sur la trêve des islamistes? Il semble bien que c'était le but escompté. En mettant à l'index la zone de l'AIS, les groupes armés voulaient aussi et surtout tenter les trévistes de l'AIS de reprendre le chemin des maquis. Le rapt des trois gendarmes et du chauffeur de taxi qui les accompagnait, a failli être occulté par les médias. Ceux-ci, kidnappés à la lisière d'une brigade, ont été tabassés à mort avant d'être «rendus» à leur famille avant l'aube. Les méthodes et les visées de cet acte criminel renseignent sur la nature des auteurs. Nous sommes bien en présence d'un mouvement politique radical qui se faufile entre les divers courants des ârchs pour imposer son rejet total de l'Etat algérien. La «chasse à l'homme» faite aux délégués qui ont répondu à l'appel au dialogue avec le Chef du gouvernement a été la confirmation qu'une aile radicale, obstructionniste et maximaliste, bien que minoritaire, tente de s'imposer en Kabylie. En procédant par des actes à la limite de la sédition, et en jouant sur les suspicions (épisode de la destruction de la vitrine du club local, la JSK), cette aile essaie encore de rallier à ses thèses d'autres personnes afin de faire croire qu'elle est hégémonique dans la région. Le même esprit de «politique-houma» a sévi à Bab El-Oued. La catastrophe qui a frappé de plein fouet et endeuillé le quartier le plus populaire du pays, le plus «turbulent» aussi, a été le prétexte et le point de départ d'un vaste mouvement de récupération politique. Incriminer l'ex-FIS a été trop facile, car trop évident, aussi faillait-il encore y déceler toute une faune de prédateurs, qui se sont lancés dans des stratégies de «lifting» de leur propre politique, quand ce n'est pas de leur propre personne. Les tentations politiques se lisent sur toutes les attitudes. Peut être que l'approche des élections communales et de wilayas y est pour beaucoup. Toutefois, elle ne peut expliquer tout.