La lutte pour le leadership met soudainement face à face Machrek et Maghreb. Le secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa a réagi, hier, sur l'antenne de la chaîne de télévision «Al Arabiya» et a considéré que la «critique de l'Algérie est une prise de position faite à l'endroit des structures internes de la Ligue, et n'est aucunement une attaque dirigée contre le secrétaire général ou contre l'Egypte». Amr Moussa, visiblement secoué par la «poussée algérienne» qui a créé un véritable débat de fond au sein des structures dirigeantes de la Ligue a, toutefois, estimé que «la proposition algérienne a peu de chances d'être suivie, car beaucoup de pays ne semblent pas partager la démarche proposée». Ces dernières semaines, le ministre algérien des Affaires étrangères, Abdelaziz Belkhadem avait multiplié les critiques à propos de la «fixation» du poste de secrétaire général aux mains de la seule Egypte et plaidé pour une véritable alternance du poste. Créée en 1945, la Ligue arabe n'a pas connu depuis, un essor notable, restant très souvent exclue du débat politique arabe ou très en marge de son véritable rôle. L'Egypte, initiatrice du projet, il y a près de 60 ans, a procédé à une véritable OPA sur la Ligue. Le siège étant basé au Caire, 70% des personnels sont issus du pays hôte et tous les secrétaires généraux qui se sont succédé sont Egyptiens, si l'on excepte «l'intermède tunisien» entre 1979 et 1989, et traduit par le déplacement du siège à Tunis et l'élection de Chadli Klibi au poste de SG de la Ligue arabe. Mais aussitôt revenu à la Ligue, après près de dix ans d'exclusion, l'Egypte reprend le poste et fait revenir le siège au Caire, et comme il se doit, ce sont d'anciens ministres égyptiens des Affaires étrangères, Ismat Abdelmadjid et Amrou Moussa, qui se succèdent à la tête de la Ligue. La proposition d'Alger formulée ouvertement depuis l'élection de Bouteflika en 1999, traduit un souci de sérieux et d'alternance démocratique pour une Ligue, qui commence à ressembler de façon très peu sérieuse à une annexe des AE égyptiennes. Le sommet d'Alger dans deux mois, fixera définitivement les enjeux : d'une part, l'Egypte cherche à garder son hégémonie sur le Machrek en utilisant la Ligue comme cheval de Troie pour accéder aux grands débats internationaux et d'autre part, l'Algérie qui a retrouvé toute son ardeur diplomatique, affirme son leadership sur le Maghreb arabe et tend, par petites touches successives, à conforter sa position stratégique dans le monde arabe, au moment où des pays comme l'Irak, l'Arabie et le Koweït traversent des zones de turbulences. Guerre de tranchées, en somme, pour stratégies de puissance.