L'année 2005 devrait être synonyme pour la Ligue arabe de réformes structurelles radicales. L'ordre du jour du prochain sommet de la ligue, prévu à la fin mars 2005 à Alger, est conçu, en tout cas, de telle manière à faire basculer le monde arabe dans l'ordre démocratique. Pour y parvenir, les 22 Etats membres de la ligue ont convenu, depuis la réunion de l'organisation panarabe accueillie par la Tunisie en mai dernier, d'initier une batterie de réformes devant déboucher sur la modernisation des mécanismes d'action commune et la révision des chartes et textes fondamentaux demeurés inchangés depuis 1945, date de la création de la ligue. Le secrétaire général de la Ligue des Etats arabes, Amr Moussa, a d'ailleurs réitéré, dans un entretien accordé hier au quotidien égyptien Al Ahram, l'importance du rendez-vous d'Alger pour l'avenir de la ligue, au vu des thèmes importants inscrits à son ordre du jour et « relatifs à la réforme, au développement, aux libertés publiques, aux droits de l'homme et à la transparence ». Au plan du concret, donc, le consensus arabe a déjà permis d'arrêter la décision de doter la « ligue », lors du somment d'Alger, d'une « charte amendée » et d'adopter des documents relatifs à la création de nouvelles institutions et de nouvelles structures de « l'action arabe commune ». Parmi les institutions prévues d'être installées, il y aura, entre autres, la Cour arabe de justice, investie du règlement pacifique des différends entre les pays arabes, et un mécanisme de prévention des conflits. Pour réaliser leurs décisions, souvent restées lettre morte par le passé, les dirigeants arabes ont également approuvé la création d'« une instance de suivi de l'application des décisions ». Il s'agit d'une sorte d'organe de contrôle chargé de veiller au respect par les pays des engagements contenus dans la charte. Afin de faire rimer la prise de décision avec l'efficacité, la Ligue arabe prévoit, en outre, la mise en place d'un nouveau système pour l'adoption des décisions. Un système fondé essentiellement sur l'entente, le principe du consensus en vigueur ayant retardé la mise en œuvre de nombreuses décisions. En ce sens, le document devant être soumis au sommet d'Alger met l'accent sur les modalités de mise en œuvre de ce principe et la définition des mesures et procédures qui doivent faire l'objet d'un vote à la majorité simple et celles, plus objectives et plus complexes, nécessitant le vote des deux tiers des membres. Les enjeux d'une réforme A souligner également que les réformes envisagées sont élargies aux volets économique et social, d'autant que l'année 2005 sera marquée par l'annulation de toutes les taxes douanières sur les marchandises arabes dans le cadre de la grande zone de libre-échange. Le dossier de la réforme socioéconomique sera soumis au sommet d'Alger en vue notamment de dynamiser la coopération arabe aux plans social, économique et commercial. Selon les personnes chargées du dossier économique à la Ligue arabe, la zone de libre échange sera, à l'horizon 2015-2020, une véritable assise pour la création d'un marché arabe commun et enfin de l'union économique des Etats arabes. Si d'apparence, les choses donnent l'impression d'aller comme sur des roulettes dans cette réforme de la Ligue arabe, les coulisses du monde arabe cachent néanmoins de farouches résistances au changement démocratique. Les oppositions sont ainsi nettement lisibles dans les réactions qui ont suivi la proposition de l'Algérie de doter l'organisation arabe d'un Parlement, de restructurer le secrétariat général de la ligue et d'instaurer une alternance au poste de secrétaire général. Soutenues par un groupe de pays, situés très à l'ouest du monde arabe, ces propositions (destinées pourtant à contribuer de manière décisive à la démocratisation de la Ligue arabe et à la promotion de son action) butent actuellement sur des objections de l'Egypte. Ce pays, lui-même confronté au défi de la démocratisation, considère carrément le plan de réformes algérien comme une menace pour son leadership dans le monde arabe. Et pour les spécialistes du monde arabe, tout autant que pour les opinions des pays membres de l'organisation, l'enjeu, pour la ligue, consistera justement à prouver son utilité et sa capacité de jouer collectif. Sans une présidence tournante et un effort de transparence, il est à parier que les intérêts étroits finiront par l'emporter et que la Ligue arabe demeurera encore pour longtemps un grotesque épouvantail. C'est en ce sens, surtout, que le rendez-vous d'Alger paraît crucial.