L'OPA faite par le Caire ressemble à une situation antidémocratique très peu sérieuse. A plusieurs reprises, l'Algérie a exprimé par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Belkhadem sa volonté politique de soumettre à débat le poste de secrétaire général de la Ligue arabe, aux mains de l'Egypte depuis quinze ans. Pour l'Algérie, il est de l'ordre du non sérieux de continuer d'exiger une réforme politique du Grand Moyen-Orient, ou d'exiger des partis politiques de se conformer aux lois, tout en gardant l'oeil fermé sur l'absence de démocratie qui existe au sein des structures mères des grandes institutions politiques chargées de gérer le monde arabe. «Il ne faut pas que la Ligue arabe devienne une annexe du ministère des Affaires étrangères égyptien», a martelé Belkhadem plusieurs fois, reprenant à son compte le constat déjà établi par le président Bouteflika. Depuis la création de la Ligue arabe, le 22 mars 1954 à Alexandrie, l'Egypte initiatrice du projet qui venait alors contre-balancer celui «so british», que cherchait à mettre sur pied Anan et Bagdad sous l'impulsion britannique, avait constitué le véritable catalyseur et fer de lance au point de pousser certains observateurs politiques étrangers à ironiser sur «cette structure des AE égyptiennes qui tient lieu de cheval de bataille pour pénétrer dans les Etats et garder un leadership douteux». Depuis plus d'un demi-siècle, la Ligue arabe entre les mains de l'Egypte, n'a pas changé d'orientation, si l'on excepte l'intermède de 1979 à 1983, pendant lequel l'Egypte suite aux accords de Camp David avait été exclue et le siège transféré à Tunis. A partir de 1991, ce sont successivement d'anciens ministres des AE égyptiens (Ismat Abdelmadjid puis Amr Moussa depuis 2001) qui sont au poste de secrétaire général de la Ligue, faisant enrager des pays qui souhaitent l'alternance. Champion du nationalisme arabe depuis 1956, grâce au président Gamel Abdel Nasser, l'Egypte est un des pôles d'attraction du vaste monde arabo-musulman. Cependant, son rôle devient au fil du temps de plus en plus ambigu, passant d'interlocuteur privilégié du duopole isarélo-américain à celui d'émissaire puis d'intermédiaire, notamment concernant la question palestinienne. De l'avis même de Mohamed Hassanine Heykel, référence en matière de réflexion sur la politique égyptienne moderne, «le Caire est en train de jouer un rôle très équivoque entre Israël et le monde arabe, rôle d'autant plus contestable qu'il semble être plutôt favorable à Tel-Aviv». En fait, il n'y a pas que le problème de leadership qui domine le sujet, mais aussi et surtout celui d'être l'interlocuteur des puissances occidentales et des grandes institutions politiques et monétaires internationales, ainsi que le fait de créer son pôle propre et de peser dans les grands ensembles et espaces politiques et économiques. C'est pour cette raison que l'Algérie n'a jamais souhaité le retrait de la Libye, car les pays du Maghreb se trouveraient ainsi fragilisés face un ensemble Machrek, dominé par l'Egypte de plus en plus hégémonique. Et c'est pour cette raison aussi que beaucoup de pays tentent, à l'instar de l'Algérie, de mener les choses vers plus de démocratie et de visibilité dans la gestion des affaires de la Ligue. Il est d'ores et déjà certain que le Caire grince des dents de façon manifeste, mais l'Algérie ne fait que dénoncer un état de blocage permanent qui ressemble à de l'abus d'autorité et qui dure depuis plusieurs années, tout en exprimant de manière claire la désapprobation de la grande partie des Etats arabes à propos de l'OPA faite par l'Egypte sur le poste de secrétaire général de la Ligue.