Toute édification nationale implique la reconstitution, la valorisation et la connaissance du patrimoine national et son double humanisme, classique et moderne. Cette évidence, pourtant partagée par tous, souffre d'une grave «paresse» assez générale - et reconnue par tous - quant à la mise en application de la volonté politique en matière de culture nationale. Qu'est-ce à dire?... Il y a sans aucun doute beaucoup à dire! L'Algérie est indépendante, le peuple algérien est indépendant, depuis plus de quarante ans, et des Algériens se posent étrangement encore des questions dites «identitaires». D'où pourraient alors venir des réponses, et surtout des explications claires et convaincantes - des explications qui aideraient le citoyen à acquérir une favorable disposition à se comprendre grâce à la commune culture de ses ancêtres -, sinon de l'école? de l'université? de la formation professionnelle? de la culture?... bref, de la société éduquée et... éducatrice? A compulser le gros ouvrage La Révolution algérienne (1954-1962), Dictionnaire biographique(*) de Achour Cheurfi, un vrai bonheur de dignité reconnue et retrouvée, inonde le visage de l'Algérien d'aujourd'hui. Car, même si cet ouvrage reste «ouvert et perfectible», ainsi que l'auteur l'annonce dans sa Liminaire, il complète harmonieusement l'intention de ce dernier mise dans la série des dictionnaires qu'il a publiés depuis 1996. Dans ce travail considérable, car difficile et exigeant, volumineux et structuré, ambitieux et louable, Achour Cheurfi (journaliste et écrivain) propose à ses lecteurs les plus divers, des éléments constitutifs nombreux et importants de la Révolution algérienne, et principalement ceux relatifs aux biographies de «l'élite ou les élites, que celles-ci soient guerrières, politiques ou intellectuelles, qui ont mené de bout en bout la conduite de la guerre d'indépendance». Choix, bien sûr, discutable comme tous les choix, et bien davantage lorsqu'il porte sur un sujet aussi complexe et aussi chargé de sens que celui qui est évoqué dans le présent dictionnaire... Quoi qu'il en soit, l'honnête tentative de Achour Cheurfi «s'inscrit dans le combat contre l'oubli et particulièrement pour une mémoire universelle totale». Mais il faut le souligner, l'idée de dire librement, d'exposer consciencieusement les faits de la Révolution, a déjà commencé à faire son chemin, - certes avec des moyens encore insuffisants et malgré des contraintes plus ou moins objectives et parfois même en contournant toutes sortes de pressions exercées pour décourager tout esprit de vérité historique de s'épanouir. Toutefois, le travail de Achour Cheurfi est le bienvenu dans cette «halte» qui semble de plus en plus s'imposer aux Algériens compétents qui ont à coeur de rechercher la voix authentique de l'Histoire de la Révolution, de l'écouter, de la transcrire avec le plus grand respect et de la transmettre, saine et complète au mieux, à la génération présente. Celle-ci, à son tour, devra l'enrichir de ses observations et de ses recherches et la léguer à la suivante. En effet, toute contribution responsable à l'écriture de l'histoire de notre pays, et notamment dans sa partie récente, en l'occurrence la guerre de Libération nationale, avance, pendant qu'il est encore temps, la revivification de la personnalité algérienne. Aussi, ce Dictionnaire, qui «n'a pas la prétention de se passer des ouvrages essentiels élaborés sur la question», se présente-t-il comme une sorte de recueil de «quelques repères fondamentaux» capables, selon les convictions de l'auteur lui-même, de «prendre l'histoire comme faits du passé et surtout comme enseignements pour les projets à venir». Au seuil de l'année nouvelle, ce voeu arrive fort à propos: «Que la personnalité algérienne soit l'oeuvre ininterrompue de la culture nationale une et multiple par ses splendeurs passées et futures!» (*) Dictionnaire de la Révolution algérienne (1954-1962) de Achour Cheurfi, Casbah-éditions, Alger, 2004, 495 p.