Le comédien Saïd Hilmi vient de réaliser une pièce intitulée Guetaâ ou rmi (Coupe et jette). Saïd Hilmi, qui a déjà fait une tournée à l'est du pays, présentera la pièce au public algérois le 11 janvier, au centre culturel de la radio algérienne Nadi Aïssa Messaoudi. Dans cet entretien, le comédien revient sur la pièce, son parcours artistique et la situation du théâtre en général. L'Expression: La pièce Guetaâ ou rmi, de quoi parle-t-elle? Saïd Hilmi:Vous savez, on peut acheter beaucoup de choses, mais le rire ne s'achète pas. La pièce Guetaâ ou rmi apporte beaucoup de rire pour permettre aux gens de s'évader un peu et d'oublier leurs problèmes. Mais parfois le rire ou l'autodérision est utilisé à des fins éducatives. Ma pièce est toute simple, elle signifie que tu dois aller et courir vite pour atteindre ton but, en te surpassant parfois. Elle reflète également la bureaucratie. En général, on préfère ajourner ou laisser de côté des dossiers pour les retrouver par la suite oubliés dans des cartons, la cause de nos maux aujourd'hui. C'est une manière aussi de faire toucher du doigt ce qui ne va pas chez nous. Vous êtes un artiste qui a débuté très jeune ; pourriez-vous nous résumer votre carrière? J'ai commencé très tôt avec Mahieddine Bachtarzi, par un simple hasard, alors qu'il cherchait quelqu'un pour jouer un rôle dans une de ses pièces théâtrales. J'avais la chance de rencontrer tous les génies du théâtre, la doyenne Kaltoum, Nouria, Kasdarli et bien d'autres. Si on dit qu'Hollywood est peuplé de dieux, le théâtre et la radio étaient peuplés de grands. On ne se souvient pas de tout ce qu'on a fait. Je ne peux vous dire les moments de bonheur que j'ai vécus dans ce métier. J'ai tourné avec tous les réalisateurs algériens dont Ahmed Rachedi ; je viens de terminer un film avec Chouikh et je commencerai un autre Beur et margarine en France, en février prochain avec Zemmouri. J'ai trouvé dans ce métier que j'aime une manière de m'exprimer. La meilleure récompense c'est d'être reconnu par le public. Et le théâtre radiophonique? C'est dommage qu'on ne fasse plus de théâtre radiophonique, parce que vous vous rendez compte, on créé une atmosphère et une ambiance avec le ton dramatique, le rythme et la manière d'interpréter. L'auditeur imagine lui-même le lieu et les déplacements des comédiens. Je suis un enfant de la Radio. Le théâtre radiophonique, j'aimerais en refaire. Je me rappelle de la télévision, on faisait du direct où l'erreur n'était pas permise. On interprétait des pièces d'une heure trente avec peu de moyens. Y a-t-il une relève? Heureusement qu'il y a une relève. On a de jeunes interprètes d'un très bon niveau intellectuel. Ils possèdent la langue française, la langue arabe et certains, le kabyle. Moi, j'ai vu un jeune dans la pièce de Fouzia Aït El-Hadj qui a joué deux rôles en même temps. Il est magnifique. L'Inadc sort de bons éléments, mais il faut leur assurer le travail, parce que sans ça que feront-ils avec leurs diplômes ?, Il faudrait qu'on sache que ce métier est très important, il véhicule la culture au peuple. Que pensez-vous de la situation actuelle du théâtre algérien? Le théâtre algérien a existé et rayonné. Je m'adresse à mon ami Mohamed Benguettaf pour qu'il ouvre les portes du TNA aux jeunes interprètes. Il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises pièces. C'est en forgeant qu'on devient forgeron. C'est au public d'en juger. L'Onci doit leur apporter quelque chose. Le théâtre ne se nourrit pas matériellement. A mon sens, il doit être subventionné par l'Etat. Le fait de retenir et de permettre une évasion à une foule pendant plus d'une heure et demie est en soi une réussite. Donc, c'est un investissement de l'Etat plus un rapport moral avec le public. On a des potentialités humaines, de bons comédiens, auteurs et réalisateurs. Je cite Benguettaf, Sonia, Larbi Zekkal, Kadri Seghir... A la fin du spectacle, quelle est votre sensation quand vous êtes ovationné? Ça me rajeunit. Quand ça marche très bien, j'ai l'impression d'avoir 20 ans. C'est un métier où il faut beaucoup donner pour recevoir. Si vous trahissez votre public, il vous trahira et si vous lui donnez, il vous le rend bien. Ce métier m'a permis de rencontrer Abderrahmane Djillali, Amine Zaoui, Mustapha Kateb, Issiakhem... C'est également un labyrinthe de savoir et de doute. Un comédien qui se respecte, se met toujours en doute. Moi, à chaque fois que je joue, j'ai peur du public. J'aime plaire et j'ai peur de déplaire, et c'est l'inverse de mon idée initiale.