Abdelmalek Sellal et Manuel Valls Si la campagne médiatique réveille quelques démons, elle met aussi en évidence certaines imperfections de la diplomatie française. Le Premier ministre français, Manuel Valls, arrive aujourd'hui à Alger à la tête d'une forte délégation composée d'une dizaine de ministres. Cela traduit l'intérêt que porte Paris à la coopération de plus en plus dense avec l'Algérie. Aussi, la troisième session du Comité intergouvernemental de haut niveau (Cihn) que Valls coprésidera avec Sellal est-elle chargée en protocole d'accords, en projets concrets et en perspectives prometteuses pour les deux pays? En tout cas, c'est ce qu'affirment les communiqués de presse des services de communication du Premier ministère algérien et de l'ambassade de France. Il était question, il y a plusieurs jours, de s'arrêter aux aspects convergents qui font le caractère de plus en plus exceptionnel du partenariat entre les deux pays. Mais l'actualité récente rattrape les politiques et met le gouvernement français devant sa responsabilité au regard de la campagne de propagande qui a ciblé l'Algérie, dans la foulée du scandale dit Panama Papers. Le directeur du quotidien Le Monde a reconnu que la recherche des personnalités impliquées dans le scandale Panama Papers était orientée au départ. Une volonté de nuire donc que l'Algérie décrie, en attendant que la France se prononce. Les amalgames, les tirs croisés et la volonté de nuire qui ont caractérisé les attaques médiatiques dirigées contre l'Algérie ôtent aux articles de presse leur charge «professionnelle» pour les faire dériver vers la propagande primaire. En cela, le gouvernement algérien a estimé nécessaire que Paris se démarque publiquement de ces agissements. Le fera-t-elle à partir d'Alger, lors d'une prise de parole du Premier ministre, demain? Pareille démarche aura-t-elle le même impact qu'une prise de position officielle à partir de l'Elysée ou de Matignon? Les autorités algériennes apprécieront la pertinence de la réaction de Paris. Il reste que le fond des rapports algéro-français et ce qu'en diraient les officiels algériens ne se limite certainement pas à cette guerre des médias, mais trouve quelques motifs sur des questions, autrement plus stratégiques. En effet, si la campagne médiatique réveille quelques démons, elle met aussi en évidence certaines imperfections de la diplomatie française qui, à force de vouloir entretenir certains intérêts, en arrive à mettre en péril l'équilibre même d'une région qu'elle considère comme sa profondeur sécuritaire. Il est entendu, en effet, que l'attitude de Paris vis-à-vis de la question du Sahara occidental, constitue un déni de justice pour tout un peuple. Le soutien apporté au Maroc dans ce dossier, malgré l'interpellation très diplomatique d'Alger, a tendance à envenimer les relations ou tout au moins, les empêcher d'atteindre un niveau historique. A travers sa posture pro-marocaine, Paris freine indirectement l'avènement du Grand Maghreb, comme ensemble politique et économique majeur. Pourtant, disent de nombreux officiels algériens, la volonté de construire un véritable partenariat d'exception n'a pas manqué de ce côté-ci de la Méditerranée. Ainsi, le volontarisme économique dont a fait montre l'Algérie relève principalement d'un choix politique souverain. En d'autres termes, si l'Algérie a ouvert ses portes à beaucoup d'opérateurs économiques français, c'est dans le but premier de montrer sa bonne volonté, dans l'espoir de voir un retour de la part de Paris. Or, il semble que la réciprocité n'a pas toujours été au rendez-vous, la France a quasi systématiquement séparé le politique de l'économie. On a vu cela lors de la présidence de Nicolas Sarkozy, mais il semble que la même velléité, à un degré moindre, existe encore dans certains milieux de la gauche. Aussi, à la lumière du comportement français dans le dossier sahraoui et ces campagnes de presse récurrentes ciblant l'Algérie, on est en droit, à Alger, de se demander, à quoi tout cela rime et si, au final, Paris a réellement l'intention de construire un partenariat d'exception avec le plus grand pays d'Afrique, puissance régionale, facteur de stabilité du Maghreb et du Sahel ou bien jouer à un petit jeu en se mettant à équidistance entre une République qui compte et un royaume colonialiste, commerçant dans la drogue, doté d'une courte vue et d'une stratégie comparables aux petites principautés, comme il en existe en Europe. Le Premier ministre français aura sans doute des entretiens avec son homologue Abdelmalek Sellal et le président de la République. Mais on le voit mal parler de sujets pointus, lorsqu'on sait la politique française à double vitesse au Maghreb. Il semble que si le Cihn conserve sa pertinence au plan bilatéral et technique, la coopération stratégique est quelque part en panne. D'ailleurs, on souligne dans les milieux officiels algériens, que la phase historique conduite par Hollande a permis un saut historique, mais arrive à une sorte de cul de sac, notamment en raison des positionnements de la France sur ces questions précisément. Le gouvernement algérien se projette, déjà, nous dit-on, dans l'après, 2017. Le retour de la droite gaulliste, à travers Alain Juppé, est un réel motif d'espoir à même de faire faire aux relations algéro-françaises un autre saut historique. Sa visite à Alger, sa première à l'étranger en tant que candidat à l'investiture du parti français Les Républicains, témoigne d'une vision plus volontariste et moins restrictive. Partageant l'analyse d'Alger sur nombre de questions d'ordre international, Alain Juppé a toutes les chances d'être l'homme de la situation pour réaliser le partenariat d'exception voulu dans les deux capitales. Cela dit, il n'est pas question, pour les autorités algériennes, d'hypothéquer les avancées appréciables réalisées sous la présidence de François Hollande, mais il est entendu qu'une autre étape entre Alger et Paris se dessine et il faut s'y préparer, disent les mêmes sources. Manuel Valls qui discutera certainement sécurité avec les responsables algériens devra gérer les affaires courantes du partenariat entre son pays et l'Algérie. Paris a raté l'occasion d'élever ses relations avec Alger au rang de l'excellence au sens propre du terme.