Si Noureddine a su passer le flambeau Il aura indéniablement marqué son époque, et cette profession qu'il aura élevée au rang de sacerdoce. Un monument et une légende de la presse. C'est à cette stature tutélaire qu'a été durablement élevé Noureddine Nait Mazi par ceux qui ont travaillé sous son autorité, au mythique 20 rue de la Liberté, et auprès de générations de journalistes qui n'ont jamais croisé son chemin, mais qui étaient familiers, du personnage par l'intermédiaire des souvenirs, confidences ou anecdotes livrés par ses compagnons de route qui ont essaimé dans les salles de rédaction. Un monument, il l'était d'abord par sa stature physique, ses traits et son port altier qui en imposaient, et qui lui ont valu une virtuelle, mais solide réputation d'ascendance germanique, lui dont le substrat étaient les contreforts du Djurdjura. Sa discrétion, sa pudeur et sa réserve, couplées à un sens de la formule percutant et à une autorité intellectuelle transcendante ont forgé la légende, celui d'un homme qui s'est imposé à des générations de journalistes aux tempéraments différents, difficiles à manager dans des périodes charnières de l'histoire nationale dans les années post-indépendance, où tout était à construire, y compris les liens sociaux et la psychologie de groupe, autant de défis qui ne figuraient dans aucun manuel ou bréviaire. Car s'il faut retenir une chose des qualités connues et reconnues de Noureddine Nait Mazi, c'est cette faculté d'avoir fédéré des générations de journalistes de divers bords, chapelles et horizons, vers l'écriture de l'une des plus belles épopées de la presse algérienne. Et c'est cette dimension, au-delà de son talent de journaliste ou de son intégrité sans faille, qui fait de lui ce monument et cette légende «transgénérationnelle». L'homme aura indéniablement marqué son époque, et cette profession qu'il aura élevée au rang de sacerdoce. Il portait un regard dubitatif sur la presse d'aujourd'hui, et son avis, livré en petit comité auprès d'amis, était incisif et professionnel, et ne relevait point de la nostalgie ou de l'ancienne autorité désabusée. Par tempérament, il s'était en effet astreint à une «retraite-réserve» paisible, entrecoupée de courtes piges par amitié, aux côtés de Bachir Boumaza et Ahmed Taleb Ibrahimi. Sa curiosité intellectuelle n'émargeant pas dans une quelconque caisse de retraite, il est resté un insatiable dévoreur de livres, et avait versé avec délectation dans l'univers du Net, pour satisfaire sa soif de lire et de découvrir, un plaisir qu'il faisait partager, avec des pointes d'analyse de son cru, en mailant régulièrement à un réseau d'amis. Des amis qui lui sont restés fidèles, et ils se reconnaîtront dans ses lignes, qui le conviaient régulièrement à des sorties culturelles, un repas convivial. L'une de ses dernières sorties publiques, à l'occasion du Salon international du livre d'Alger, lui a permis, lors d'une rencontre, un échange marquant avec Jean Ziegler. La légende était au mieux de sa forme intellectuelle et de ses capacités d'analyse. Les légendes, il est vrai, ne meurent jamais. * Ancien journaliste à El Moudjahid et actuel P-DG de l'ANEP