Une évasion et beaucoup de questions Poursuivi pour plusieurs délits, à peine arrêté, le 28 février dernier, un baron de la drogue s'évade de prison. Il s'appelle H.Oussama. Il n'est pas connu du grand public. Plutôt discret, il s'est fabriqué un destin de «trafiquant de drogue» en se faufilant à travers les méandres d'une société en crise, une société anomique qui est plus encline à fabriquer des «dealers que des leaders», mais silencieusement. Comme lui, il en existe sans doute beaucoup puisque, très souvent, la presse fait état de l'arrestation de trafiquants de drogue ou de la récupération de plusieurs tonnes de stupéfiants et autres héroïne et haschisch. Mais ce que H. Oussama, alias Escobar, a de particulier, c'est qu'il est le premier baron de la drogue à s'évader de prison. La prison d'El Harrach d'où, pour l'histoire, seul feu Hocine Ait Ahmed se serait évadé. Placé sous mandat de dépôt le 28 février dernier pour trafic de drogue, port d'armes à feu, de munitions et faux et usage de faux, il a pu s'évader de la prison d'El Harrach dimanche dernier et faire perdre toute trace de lui. Pourtant, aux premiers jours de son arrestation il avait déjà essayé de traverser les barreaux de la prison de Koléa où il avait été placé. H. Oussama, dit Escobar en référence au baron colombien de la cocaïne des années 1970, est un dealer qui s'est forgé, depuis quelques jours, une renommée nationale, suite à son évasion de la prison d'El Harrach. Né à M'sila, dans la commune d'Ouled Adi Legbala, une commune relativement pauvre, il est issu d'une famille moyenne. Son père, vendeur de pièces détachées automobiles d'occasion dans le village Brabra, dans la commune d'Ouled Adi Legbala. Escobar a d'abord développé son business dans sa région natale. Mais, faute de perspectives, il a décidé d'aller voir «ailleurs». Alger, ville la plus peuplée d'Algérie, est le lieu le mieux indiqué. Marié depuis quelque temps avec la petite-fille d'un grand responsable, ce qu'on appelle communément «une personnalité nationale», ces personnalités qui ont les bras longs, il se serait installé à Alger avec sa mère et sa soeur pour développer son «trafic». Selon des propos recueillis dans sa région natale par le quotidien Echourouk, il aurait, grâce à son business, pu contrôler une maison dans son village d'origine et acheter un appartement au chef-lieu de sa commune. Mais, on laisse entendre que c'est à Alger qu'il aurait laissé s'étaler sa «fortune». Selon les éléments de l'enquête préliminaire menée par la Gendarmerie nationale d'El-Harrach, H. Oussama a bénéficié d'une grande complicité de son avocate pour échapper à la surveillance des geôliers. En effet, selon les indiscrétions d'une source proche du dossier, l'avocate du détenu s'est rendue au pénitencier pour une visite de routine à son client le jour même et, après l'entretien qui s'est déroulé entre eux, avant de quitter la prison, elle lui a remis une robe d'avocat et un badge pour circuler librement dans les couloirs de la prison avant de prendre la porte de sortie et de s'enfuir, aussitôt suivi par son avocate. Sur le champ, a indiqué la même source, personne n'a constaté l'évasion et ce n'est que l'après-midi, lors de l'appel, que l'on s'en est aperçu. L'alerte a été vite donnée et un important dispositif de sécurité fut déployé aux alentours de la prison, sur les routes et les autoroutes desservant la capitale où des fouilles ont été opérées sur des dizaines de véhicules. Pour assurer un bouclage hermétique de toute la banlieue d'Alger, même les unités de Blida, de Boumerdès, de Médéa et de Tipasa de la Gendarmerie nationale ont été mobilisées. Les conditions de cette évasion restent tout de même floues. L'enquête se poursuit et n'a toujours pas révélé d'autres complicités dans cette évasion, première du genre, si spectaculaire. Mais compte tenu de son statut de boss, il n'est pas exclu qu'il ait acheté, voire graissé la patte à des fonctionnaires du pénitencier pour faciliter la mise en application de son plan. Pour l'heure, il a été procédé à la mise sous mandat de dépôt de son avocate et la suspension du directeur général du pénitencier et son adjoint par le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb Louh. Une enquête a également été ouverte à l'intérieur du pénitencier. Pour mieux prévenir contre d'éventuelles autres évasions, la direction générale de l'administration pénitentiaire a déclaré l'état d'urgence au niveau de tous les établissements pénitentiaires et a instruit les responsables d'intensifier la surveillance des cellules en fouillant les détenus trois fois par jour.