L'essentiel du sommet de Charm El Cheikh, en Egypte, qui a réuni, mardi, outre le président égyptien Moubarak et le roi Abdallah de Jordanie, le président palestinien Mahmoud Abbas et le Premier ministre israélien Ariel Sharon, a été la proclamation officielle d'un cessez-le-feu bilatéral. Cet arrêt des hostilités vient après plus de 4 ans d'intifadha où les violences ont fait plus de 4300 morts, des deux côtés. Cet accord entre Palestiniens et Israéliens met en pratique fin à cette Intifadha qui a débuté le 29 septembre 2000. « Je suis tombé d'accord avec le Premier ministre israélien, Ariel Sharon, pour mettre fin à tous les actes de violence contre les Israéliens et les Palestiniens où qu'ils soient », a déclaré M. Abbas dans une allocution prononcée devant M. Sharon, le président égyptien Hosni Moubarak et le roi Abdallah II de Jordanie. « Le calme que nos territoires connaîtront à partir de ce jour signale le début d'une nouvelle ère, un début pour la paix et l'espoir », a ajouté le président de l'Autorité palestinienne : « Ce que nous avons annoncé aujourd'hui est l'application de la première clause de la feuille de route (...) et une étape essentielle nous offrant une occasion de remettre le processus de paix sur les rails, redonnant aux deux peuples espoir et confiance en la possibilité de parvenir à la paix », a-t-il poursuivi. Le Premier ministre israélien, Ariel Sharon, a déclaré pour sa part : « Aujourd'hui, lors de ma rencontre avec M. Abbas, nous sommes tombés d'accord pour que les Palestiniens cessent tous les actes de violence contre les Israéliens partout et parallèlement, Israël cessera ses opérations militaires contre les Palestiniens partout. » « Nous espérons qu'à partir d'aujourd'hui commence une nouvelle ère de calme et d'espoir », a-t-il ajouté. « Nous voulons mener un dialogue sincère et réel », a assuré M. Sharon, soulignant sa « détermination à appliquer le Plan de retrait de la bande de Ghaza », prévu cet été, il a affirmé que ce retrait « peut ouvrir la voie à l'application de la feuille de route », un plan de paix international qui prévoit la création d'un Etat palestinien, en principe en 2005. Ces résultats, qui auraient dû relancer l'espoir de voir enfin le processus de paix reprendre le dessus, n'ont apparemment pas convaincu les Palestiniens. Pour beaucoup d'entre eux, ce cessez-le-feu ne sera pas plus qu'un repos du guerrier et que la violence reprendra vite le dessus, croyant fermement qu'Israël n'est pas près de reconnaître les droits fondamentaux des Palestiniens, en l'occurrence la création d'un Etat indépendant et viable, disposant d'une continuité territoriale, que rend impossible l'édification en Cisjordanie par Israël du mur de séparation. Le retour des réfugiés palestiniens Juste après la clôture du sommet, quelques citoyens palestiniens de la ville de Ghaza ont accepté de nous livrer leurs impressions. Salah Tayeh, médecin gynécologue « Je suis d'accord avec la proclamation d'un cessez-le-feu. On ne peut faire une trêve avec quiconque. Notre problème avec Israël nécessite une lutte de longue durée. De notre côté aussi, nous avons besoin de cette trêve. La population souffre matériellement et moralement. C'est une occasion pour nous de nous réorganiser afin d' être prêts à vivre ce qui va venir, dans un avenir proche. La question palestinienne est le principal problème du Proche-Orient. Si les Palestiniens ne jouissent pas de la paix, alors aucun pays de la région ne vivra en paix. Je ne fais aucune confiance aux Israéliens ». Pour Oum M'hamad, une femme au foyer, qui faisait des courses dans un supermarché, cette trêve ne sera pas de longue durée. « Je serai contente que cette violence s'arrête pour de bon, mais je suis sûre que ce n'est pas le cas. Sharon est un homme sanguinaire qui règle ses problèmes à travers les crimes et les massacres. Pourquoi dois-je croire qu'il a changé ? Il ne nous donnera que des miettes et personne n'acceptera de prendre la responsabilité de faire les concessions qu'il veut, même pas Mahmoud Abbas, que tout le monde connaît comme un homme de paix. C'est vrai que nous souffrons quotidiennement a cause de la perte de nos fils mais cela ne veut pas dire qu'on est définitivement et totalement vaincus. » Ali, un étudiant âgé de 22 ans, nous a semblé aussi réticent. « J'espère que ce qui s'est passé à Charm El Cheikh ne veut pas seulement signifier un arrêt de l'Intifadha et de la résistance. Si dans de brefs délais, on ne ressent pas une avancée sur le plan politique, je peux affirmer que la trêve et le cessez-le-feu ne dureront pas longtemps. Israël et Sharon doivent savoir qu'il n'y a pas de Karazaï palestinien. Les sacrifices de ces quatre années d'Intifadha ne doivent pas être vains. Israël doit reconnaître nos droits, c'est la seule issue qui garantit une paix durable. » Du côté des mouvements palestiniens, les propos des responsables que nous avons recueillis à chaud, ne different pas beaucoup de ceux des autres citoyens. Sami Abou Zohri, porte-parole du Hamas, nous a déclaré : « Les résultats du sommet de Charm El Cheikh ne comportent rien de nouveau. Ils ne contiennent aucune des aspirations du peuple palestinien. Malgré les signes de bonnes intentions montrés par le peuple palestinien, on ne voit aucun changement dans les positions d'Israël. Ce qui a été annoncé du côté israélien à l'issue du sommet ne sont pas plus que des promesses dénuées de tout contenu, ne répondant nullement à nos ambitions. Nous considérons que la déclaration de cessez-le-feu bilatéral ne concerne que l'Autorité palestinienne, car il était convenu que tout accord devait être discuté entre l'Autorité palestinienne et les différents mouvements palestiniens, ce qui n'a pas été fait. Le mouvement Hamas, pense toujours, qu'il ne peut y avoir de trêve sans prix réel. Notre position définitive quant à la poursuite de la trêve sera prise après le dialogue que nous aurons avec le président de l'Autorité palestinienne, dès son retour de Charm El Cheikh. » Khaled El Batch, un des responsables du Djihad islamique, nous a affirmé pour sa part : « Le sommet de Charm El Cheikh n'a pas traité la question palestinienne comme il était prévu. Le peuple palestinien n'y a rien obtenu. Ni la libération des milliers de prisonniers ni le démantèlement du mur de séparation. Le seul gagnant du sommet est Ariel Sharon, qui y a trouvé une aide à sortir de son isolement politique et lui a rendu l'ambassadeur égyptien et l'ambassadeur jordanien a Tel-Aviv. En somme, le sommet n'a servi que Sharon et ses intérêts sans donner quelque chose de réel aux Palestiniens. » Le docteur Adel Hakim, responsable du commandement général à Ghaza, nous a déclaré : « Les Israéliens et les Palestiniens sont arrivés à un accord de cessez-le-feu bilatéral. Du côté palestinien, il était conditionné par un retrait des troupes israéliennes de régions entières et non seulement des villes. L'arrêt des incursions ainsi que l'arrêt des assassinats ciblés. Une condition principale pour nous en tant que commandement général était l'arrêt de la construction du mur de séparation. Sharon veut gagner du temps pour terminer l'édification du mur et nous mettre devant le fait accompli. Il veut cerner la ville sainte par le mur et les colonies, ce que nous refusons. Nous voulons bien donner une occasion au frère Abou Mazen d'œuvrer pour le cessez-le-feu,et le maintien de ce cessez-le-feu, car actuellement la rue palestinienne est épuisée, à cause des incursions et des assassinats. Dans la seule ville de Beït Hanoune, les pertes dans le domaine agricole s'élèvent à 129 millions de dollars. Pour cela, il faut nous réorganiser. Ce qui est sûr, c'est qu'avant son départ pour Charm El Cheikh, Abou Mazen a rencontré les différents mouvements palestiniens qui l'ont assuré de l'importance d'un retour au calme. L'accord doit comporter des gains politiques, car nous avons peur que les négociations se focalisent seulement sur le côté sécuritaire. » Malgré donc leurs souffrances, les Palestiniens, qui restent très méfiants à l'égard des responsables israéliens, sont unanimes quant à la nécessité que tout cessez-le-feu avec Israël doit être le fruit de gains politiques. Après plus de 4 ans d'Intifadha et la perte de milliers de personnes, aucun Palestinien acceptera le calme avec l'Etat hébreu juste pour le calme. Quels que soient leurs niveaux intellectuels, sociaux ou politiques, les Palestiniens veulent sentir quelque chose de palpable, qui leur assure qu'ils ont fait le bon choix, en optant pour une solution négociée du conflit qui les oppose aux Israéliens.