La bataille ne fait que commencer La stratégie de l'armée syrienne à Alep consiste, semble-t-il, à créer une double ceinture autour de la ville. Si en Syrie, le territoire occupé par l'Etat islamique (EI), à l'ouest de l'Euphrate, représente un enjeu plus crucial que la ville d'Alep elle-même, il n'en demeure pas moins que la seconde ville du pays est l'élément - clé du bras de fer entre le régime et l'opposition. Le 27 février dernier, la trêve imposée par la Russie et les Etats-Unis a interrompu l'offensive de l'armée syrienne et de ses alliés sur le point d'encercler les quartiers rebelles de la ville. L'armée syrienne avait néanmoins réussi à couper la route de Aâzaz, soutenue par la milice kurde du PYD qui a dû faire face aux bombardements de la Turquie inquiète de cette montée en puissance à sa frontière. L'armée syrienne avait également progressé au sud d'Alep contre le Front al-Nosra et à l'est contre l'EI, imposant son contrôle à la zone de l'aéroport militaire de Kuwaires. La stratégie de l'armée syrienne à Alep consiste, semble-t-il, à créer une double ceinture autour de la ville. L'objectif est d'isoler les quartiers orientaux, qui ne sont reliés à la province d'Idleb que par la route dite du Castello, le tronçon nord du périphérique. Après la prise du quartier kurde de Cheikh Maksoud et des fermes d'al-Mallah, une nouvelle poussée vers le sud permettra d'achever l'encerclement des forces rebelles. Outre cette stratégie d'enfermement des zones rebelles, il s'agit aussi de couper la route de Bab el-Hawa et de maîtriser toute la province d'Idleb, ce qui permettra au final d'empêcher tout approvisionnement d'Al Nosra, de Djeich al Islam et de Ahrar al Cham, trois organisations terroristes, depuis la Turquie. Car tel est l'enjeu pour le régime, empêcher tout approvisionnement des forces ennemies depuis la Turquie et contraindre les groupes rebelles à sortir de la maille protectrice d'une population prise en otage. C'est en cela que la dernière prise de position de la Russie prend tout son sens, Moscou pressé par les Etats-Unis, ces derniers étant «sensibilisés» par les pays de la coalition internationale inquiets de la tournure des évènements, ayant annoncé clairement qu' «il n'a pas l'intention de demander à Bachar al Assad de cesser les bombardements à Alep». Dans la ligne de mire des Etats-Unis qui privilégient la lutte contre l'EI avant toute autre considération, les kurdes du PYD ont un rôle à jouer pour s'emparer de Manbij, d'abord, et ouvrir la route de Raqqa, ensuite. Le même PYD avait déjà bénéficié du soutien logistique russe pour prendre plusieurs localités détenues par les groupes rebelles il y a quelques mois. Cette conjonction d'intérêt russo-américaine va encore jouer dans les jours qui viennent pour la prise de Manbij et Raqqa, deux étapes majeures aux yeux du Pentagone. Sauf que cette éventualité ne séduit pas particulièrement Erdogan et l'état-major turc qui fera tout pour l'empêcher tant il est essentiel pour la Turquie de garder quelques cartes en mains, notamment celle de l'approvisionnement des camps rebelles. Ainsi, après avoir copieusement bombardé Aâzaz, la Turquie a ouvert le passage à des milliers d'éléments rebelles dont ceux de Jabhat al Nosra (Al Qaïda) pour occuper cette ville. Dans le contexte actuel, l'EI s'accroche à Dabiq, un lieu hautement symbolique de l'eschatologie islamique où doivent s'affronter les armées des fidèles contre les infidèles. Pressé par le président Obama, Ankara a changé son fusil d'épaule et lâche progressivement Daesh dans l'espoir de rester autour de la table de redéfinition de la carte kurde dans la région. A Damas, le plan de bataille engagé contre l'EI avec la reprise de Palmyre et l'avancée vers Deir Ezzor pâtit quelque peu des combats engagés contre le front al Nosra au nord du pays et bientôt à Alep. Cependant, même si cette intensification des combats au nord n'est pas forcément de bon augure, elle n'empêche pas l'armée syrienne de maintenir son effort sur Deir ez-Zor où le meilleur général du régime de Damas, Souheil el-Hassan, dit «le Tigre», est très actif sur ce front et espère conclure rapidement avec la chute de Raqqa. Un événement que le président américain Obama attend lui aussi avec impatience au point d'y voir un «couronnement» de son second et dernier mandat, dominé par la menace de Daesh.