La question, dis-je, latente sur toutes les pages, mais si présente en quelques-unes concerne l'enjeu jamais avoué de la décolonisation des mentalités. Poursuivant sa réflexion sur la complexité et la richesse des rapports humains, l'écrivain Kaddour M'Hamsadji livre un nouveau roman, la «Quatrième épouse» dans lequel on retrouve la trame existentielle des précédents ouvrages, «Le silence des cendres» et «le Rêve derrière soi» auxquels il conviendrait également d'ajouter «La dévoilée». Comme un peintre méthodique et sourcilleux qui s'astreint à tracer, ligne après ligne, trait sur trait, au gré des mosaïques et des kaléidoscopes du coeur et de l'esprit, les itinéraires plus ou moins fantasques des personnages, hommes et femmes, confrontés aux aléas de leur propre destin. M'Hamsadji relate la dimension oppressante des climats sociaux faits de mépris, de domination et surtout d'injustice. Domination et injustice qui forment le socle de cette oeuvre construite en quatre étages, à vrai dire des étapes circonstanciées et relatives: la première à la période coloniale, la seconde à la Révolution armée, la troisième à l'indépendance recouvrée et en fin la quatrième à l'Algérie contemporaine. Livre du questionnement sur l'être et le paraître dans un pays confronté à des évènements dramatiques, au sens théâtral, la «Quatrième épouse» interroge en quatre temps quatre mouvements la personnalité de base d' une société ni ancrée dans ses racines ancestrales ni arrimée aux exigences de la modernité, mais balançant au gré des vents contraires. Et si l'homme est spolié de son héritage civilisationnel, la femme est, quant à elle, dépossédée de son essence et de cette eau vive sans laquelle la liberté ne saurait être vraie, ne pourrait être bien plus que factuelle. Etrangement, la problématique qui jaillit de ce roman comme un feu follet concerne la lancinante question de la personnalité réappropriée sans laquelle il ne saurait être question d'une quelconque indépendance. «'La Quatrième épouse'', avertit l'auteur dans un préambule, est le roman des rapports humains, plus largement entre la femme et l'homme, entre les femmes et les hommes, là où une âme est éprouvée par l'esprit systématique du mépris, de la domination et donc de l'injustice.» La question, dis-je, latente sur toutes les pages, mais si présente en quelques-unes concerne l'enjeu jamais avoué de la décolonisation des mentalités, toujours tributaires des complexes accumulés des décennies durant au point que chaque être ne parvient ni à s'affirmer ni à s'affranchir de leur carcan. Et cela est aussi vrai pour les hommes que pour les femmes, avec cette différence que les femmes ont un double défi à affronter tant leur libération se joue à des niveaux autrement plus nombreux et combien davantage éprouvants. Les indigènes d'hier sont les citoyens d'aujourd'hui, mais est-ce vraiment aussi simple et, surtout, est-ce aussi naturel qu'on veut bien le croire? Tous ceux et toutes celles qui ont été dépossédés de leur bien le plus précieux, de leur âme identitaire, ont une longue marche à entreprendre pour parvenir à retrouver le puits originel de leur personnalité authentique, par-delà la domination sous toutes ses formes et les injustices concomitantes. «La Quatrième épouse» de Kaddour M'Hamsadji. 380 pages. Casbah Editions