«De quoi voudrais-je parler ici? Ma réponse évidente est dans cette interrogation: quel livre aurais-je écrit et qui ne fût pas une part de l'expérience de mon amour respectueux et filial envers mon pays?» Cela résume l´esprit même dans lequel est rédigée la nouvelle oeuvre de l´écrivain Kaddour M´Hamsadji. Un Kaddour M´Hamsadji plein de verve qui, après nous avoir promené, avec délice, dans les dédales de la mémoire du Viel Alger (El Qaçba zemân, La Casbah d´Alger autrefois, deux tomes), revient avec une oeuvre dense et quelque peu nostalgique, pleine de souvenirs d´un riche passé, celle où il raconte son enfance, son père, sa ville natale; Soûr El Ghouzlâne. Dans ses premiers âges, le centre de vie de Kaddour M´Hamsadji était, naturellement, le café que gérait son père à Soûr et autour duquel se forgeront son enfance et son adolescence. C´est de ce café, situé au centre de la ville, que le jeune Kaddour s´éveillera à son entourage et prendra son élan. Mais Le Petit café de mon père n´est pas seulement une oeuvre ancrée dans le passé, ce sont aussi des souvenirs imagés, dans lesquels entre beaucoup d´imagination créatrice, qui reflètent l´expression d´un amour filial, d´un attachement à la ville qui l´a vu naître, comme à ses racines. Tout cela saupoudré de nostalgie comme l´avoue d´ailleurs l´auteur. Il restait en fait à Kaddour M´Hamsadji à parachever une oeuvre littéraire dense à laquelle il se voua corps et âme au long de plus d´un demi-siècle. De fait, explicitant le choix de son thème, l´auteur écrit sans emphase, mais avec beaucoup d´émotions, «Quand un écrivain - et c´est mon cas - sent venir la solitude des dernières saisons d´existence, et à l´apogée de son expérience, il a toujours une moue d´impuissance, plus ou moins mêlée d´amertume, mais sans aucune pointe de regret. Il aurait suffi de laisser sur le papier une trace de plume qui dise de la façon la plus loyale, l´acte entier d´une pensée sincère. Ceci est donc un acte d´amour, et j´y crois, car l´amour le plus grand est dans la grande solitude bénie de l´un des derniers printemps (...)». C´est là tout M´Hamsadji qui explicite et donne la tonalité d´une oeuvre au long cours. Le Petit café de mon père dans lequel Kaddour évoque son enfance et, parallèlement, la ville de Soûr El Ghouzlâne, n´est pas pour autant une autobiographie - même si Kaddour M´Hamsadji y évoque longuement son enfance, son père, sa mère, la maison de ses parents - reste un récit - ou plutôt plusieurs récits - où se chevauchent et s´entremêlent des souvenirs d´enfance teintés d´un soupçon de regret vus sous le regard de l´adulte qu´il est aujourd´hui. Cela donne des pages souvent savoureuses. Mais, Le Petit café de mon père c´est également un regard attendri posé sur sa ville natale, Soûr El Ghouzlâne, l´Auzia romaine dont il garde une grande nostalgie, dont il restitue le cadre et l´ambiance de ses rues, ses places et ses boulevards qui ont forgé ses premiers pas de «petit homme» où il connut l´ivresse des courses folles ou dans des virages dangereux où les enfants se disputaient la chaussée avec camions et voitures. C´est aussi dans ces rues de Soûr El Ghouzlâne que le petit M´Hamsadji a commencé à percevoir les rumeurs du fait politique écrivant: «En ce sens, il est des lieux sacrés dans la ville et tout autour d´elle. Néanmoins, l´un des plus hauts est incroyablement la rue Jean Mermoz (aujourd´hui rue Mazani Mokhtar, Ndlr) la Grand-Rue, le boulevard des «rumeurs utiles» et les palabres érigées en système politique. On ne parlait pas pour ne rien dire. C´est là, peut-être, que le songe des uns fit lever celui des autres. Les destins sont inégaux, - ça qui ne le sait? Mais que de choses jalonnent un destin!» Aussi, le destin de Kaddour M´Hamsadji s´est-il ainsi forgé au détour de l´attention parentale à lui prodiguer, au contact de condisciples, d´hommes et d´une ville qui ont éveillé en M´Hamsadji cette curiosité qui est l´humus de tout écrivain, peu ou prou, talentueux. Et Kaddour M´Hamsadji dont la plume est savoureuse, le langage châtié est indubitablement un écrivain qui a marqué le demi-siècle postindépendance de l´Algérie. Peut-il en être autrement ou en attendre moins d´un homme qui a su au long de sa carrière maîtriser tous les genres d´écriture littéraire allant de la littérature au théâtre en passant par le récit et le conte, la poésie, la nouvelle et l´essai, genres dans lesquels M´Hamsadji a mis l´estampille de sa longue expérience personnelle acquise dans le domaine général de l´éducation et de la culture. Aussi, Le Petit café de mon père vient un peu en apothéose d´une oeuvre vivace qui ne manque ni de grandeur ni d´humilité. Le Petit café de mon père, Récits au passé de Kaddour M´Hamsadji, Editions de l´OPU, Alger 2011