Les librairies de la wilaya d'El Oued font ces dernières années face à des contraintes de nature socio-commerciales et technologiques qui font craindre pour leur avenir dans cette région du sud-est du pays. Entre autres difficultés rencontrées, le désintérêt croissant des lecteurs et adeptes des librairies de la région qui ont perdu leur âme et sont devenues, par la force des choses, des boutiques désertées et en quête d'identité au milieu d'une multitude d'activités commerciales qui, elles, se sont développées sous l'effet de l'économie de marché. Censées propager le savoir et la culture, ces boutiques, conservent encore dans leurs rayons poussiéreux certains titres d'ouvrages, une situation que d'aucuns parmi les lecteurs et autres habitués des lieux traduisent par une lutte de survie livrée par l'ouvrage-papier face à la littérature numérique qui tend à hâter la disparition des librairies. Abdelkrim B, libraire depuis le milieu des années 1980, relève un «faible» engouement des lecteurs ces dernières années pour les librairies, expliquant que seul un petit nombre de lecteurs assidus, parmi la population plutôt âgée, continue de fréquenter ces lieux à la recherche de livres. Des libraires et des bibliothécaires imputent cette situation de baisse d'activité des boutiques à la concurrence «féroce» et «déséquilibrée» livrée par les supports de nouvelles technologies de l'information et de la communication qui ont «accaparé» le quotidien de l'homme. De nombreux libraires et propriétaires de papeteries établies dans la wilaya d'El Oued affirment que le livre numérique, en pagination ou en support multimédia, rendant disponibles tous les domaines de la science et du savoir sur la Toile, constitue une «lourde» et «réelle» menace sur la survie des boutiques traditionnelles qui, hormis l'accueil de quelques chercheurs et étudiants en quête de certains ouvrages en papier non encore disponibles sur l'Internet, sont devenus des endroits fréquentés qu'occasionnellement. Libraires, lecteurs et chercheurs sont unanimes à dire que ces espaces de culture et de savoir, dans l'ancienne forme d'activité commerciale, s'attellent, avec les rapides mutations que connaît le monde, à se positionner face à l'invasion des nouvelles technologies de la communication qui attirent plus facilement, au regard de la panoplie d'avantages qu'elles offrent, le lecteur en lui permettant en quelques clics et sans se déplacer une navigation, tous azimuts, à travers le monde, à la recherche de son livre. Plusieurs lecteurs et visiteurs fouinant dans les catalogues et étalages de librairies sont unanimes à noter une absence «totale» de titres ayant trait à la pensée et la science. Pour Abdallah, propriétaire d'une librairie bien située au coeur de la ville d'El-Oued, «les libraires ont, avec les mutations technologiques, opté pour le système de travail sur commande, en se procurant l'ouvrage commandé auprès des imprimeries ou des maisons d'édition, à la satisfaction d'un certain lectorat». Ces commandes se limitent, entre autres, à des livres religieux, scolaire, social, d'art culinaire, d'artisanat (couture et broderie) et de l'interprétation des rêves, ce qui dénote d'un intérêt «superficiel» du lecteur, avec l'invasion du micro-ordinateur de la quasi-totalité des foyers, a-t-il ajouté. Quelques titres de livres liés au développement et à la formation de la ressource humaine sont également convoités, a concédé le libraire. Abdelmoumène, un autre libraire, lui emboîte le pas et explique l'intérêt manifesté par les lecteurs, notamment parmi la gent féminine, aux livres de mode, de cuisine et d'interprétation des rêves, traduit le souci de la femme au foyer de se mettre au diapason de l'évolution et émancipation sociales que connaît la société algérienne. Plusieurs papeteries versées dans le commerce de fournitures scolaires, dans différents quartiers de la ville d'El-Oued, notamment celles se trouvant à proximité d'instituts universitaires, se sont reconverties en locaux de services spécialisés dans le téléchargement, la reproduction, la reliure et le revêtement de livres numériques photocopiés à céder à des prix «intéressants», concurrençant l'ouvrage en papier étalé sur les rayons des librairies classiques. Selon des impressions recueillies par l'APS, des hommes de culture et des lecteurs ont attribué le renoncement aux livres et le recul des activités des librairies à la faiblesse (en termes de nombre) du lectorat, estimant qu'il appartient de promouvoir la lecture et le développement du livre, notamment parmi la nouvelle génération et ce, à travers des mécanismes susceptibles de contribuer à pérenniser la mission culturelle et pédagogique des librairies et des bibliothèques.